L’OTAN et le traité FNI

  • Mis à jour le: 05 Aug. 2019 17:11

Le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire – ou traité FNI – a, pendant des décennies, revêtu une importance cruciale pour la sécurité euro-atlantique. Il a permis d’éliminer toute une catégorie d’armes nucléaires qui menaçaient l’Europe dans les années 1980. Tous les pays membres de l’OTAN s'accordent à dire que le système de missile SSC-8/9M729, développé et déployé par la Russie, violait le traité FNI, faisant peser des risques importants sur la sécurité de l’Alliance. Bien que les Alliés aient appelé à plusieurs reprises la Russie à revenir à un respect total et vérifiable du traité, le pays a continué de développer et de déployer des systèmes enfreignant les dispositions de cet accord, ce qui a conduit à l’extinction de ce dernier le 2 août 2019.

Signature du traité FNI par le président Mikhaïl Gorbatchev (URSS) et le président Ronald Reagan (États-Unis) à la Maison Blanche – Washington – 1987. Un moment historique pour la sécurité de l’Alliance.

Position de l'OTAN sur les moments clés

Signé le 8 décembre 1987 par les États-Unis et l’URSS, le traité FNI est entré en vigueur le 1er juin 1988. Il imposait aux deux pays d’éliminer leurs missiles balistiques et de croisière à lanceur terrestre d’une portée comprise entre 500 et 5 500 kilomètres, pour une date fixée au 1er juin 1991.


Mme l'ambassadrice Eileen Malloy, chef de l'unité chargée de la maîtrise des armements à l'ambassade des États-Unis à Moscou, sur le site de démantèlement de missiles situé à Saryozek – Début de l'année 1990.

 

À cette échéance, les deux pays avaient détruit au total 2 692 missiles à courte portée ou à portée intermédiaire : 1 846 missiles soviétiques et 846 missiles américains. C’était la première fois qu’une catégorie entière d’armes capables d'emporter une charge nucléaire était éliminée.

Toutefois, ces dernières années, la Russie a mis au point, produit, testé et déployé un nouveau missile à portée intermédiaire, le 9M729 ou SSC-8. Ce missile est mobile et facile à camoufler ; il peut emporter des charges nucléaires ; il réduit le délai d'alerte à quelques minutes, ce qui abaisse le seuil d'un conflit nucléaire ; et il peut atteindre les capitales européennes.

En juillet 2018, les pays membres de l’OTAN ont déclaré qu’après des années de dénégation et d’obscurcissement par la Fédération de Russie, et malgré leurs préoccupations répétées, cette dernière n’avait reconnu que récemment l’existence de ce système de missile sans fournir le niveau nécessaire de transparence ou d’explication. Depuis de nombreuses années, le comportement et la manière de communiquer de la Russie suscitaient un doute généralisé quant à son respect de ses obligations. Les pays membres de l’OTAN ont déclaré qu'en l’absence de toute réponse crédible de la part de la Russie au sujet de ce nouveau missile, l’analyse la plus plausible était que la Russie enfreignait le traité.

En décembre 2018, les ministres des Affaires étrangères des pays de l'OTAN ont appuyé l'analyse des États-Unis selon laquelle la Russie manquait gravement aux obligations qui étaient les siennes au titre du traité FNI, et ils ont appelé la Russie à revenir sans délai à un respect total et vérifiable.

Les Alliés sont restés ouverts au dialogue et ont abordé ce manquement avec la Russie, notamment dans le cadre d’une réunion du Conseil OTAN-Russie qui s’est tenue le 25 janvier 2019. La Russie a continué de nier cette violation du traité FNI, a refusé d’apporter une réponse crédible, et n’a pris aucune mesure concrète dans le sens d’un retour à un respect total et vérifiable.

Le 1er février 2019, en raison de la persistance du non-respect par la Russie, les États-Unis ont annoncé leur décision de suspendre, en application de l’article XV du traité FNI, les obligations qui étaient les leurs au titre de ce traité. Ainsi, les États-Unis pouvaient mettre au fin au traité à l’expiration d’un délai de six mois après cette date si la Russie ne s’y était pas conformée de nouveau.

Le 1er février 2019 également, les pays membres de l’OTAN ont déclaré que si la Russie n’honorait pas les obligations lui incombant au titre du traité FNI, en éliminant de manière vérifiable l’ensemble de ses systèmes 9M729, pour revenir à un respect total et vérifiable, celle-ci porterait l’entière responsabilité de l’extinction du traité. Les Alliés ont par ailleurs indiqué que l’OTAN continuerait à suivre de près les implications des missiles à portée intermédiaire russes sur le plan de la sécurité et continuerait à prendre les mesures nécessaires pour assurer la crédibilité et l’efficacité de la posture globale de dissuasion et de défense de l’Alliance.

Le 15 février 2019, à la conférence de Munich sur la sécurité, le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, a fait observer : « C'est précisément à cette tribune, lors de l'édition 2007 de la conférence de Munich sur la sécurité, que le président Poutine a pour la première fois exprimé publiquement la volonté de voir la Russie sortir du traité FNIUn traité qui n’est respecté que par l'une des parties ne garantira pas notre sécurité. »

L’Alliance a fait tout ce qui était en son pouvoir pour encourager la Russie à se conformer de nouveau au traité avant le 2 août 2019, afin de préserver le traité FNI.

Le 26 juin 2019, les ministres de la Défense des pays de l’OTAN ont une nouvelle fois exhorté la Russie à revenir à un respect total et vérifiable du traité. Ils ont également examiné les mesures que l’OTAN pourrait prendre – dans des domaines tels que les exercices, les activités de renseignement, surveillance et reconnaissance, la défense aérienne et antimissile, et les capacités conventionnelles – et sont convenus que l’OTAN maintiendrait un dispositif de dissuasion nucléaire sûr, sécurisé et efficace. Dans le même temps, les ministres de la Défense ont confirmé que l’OTAN n'avait pas l'intention de déployer de nouveaux missiles nucléaires basés à terre en Europe, et qu’elle ne voulait pas d’une nouvelle course aux armements.

Le 2 août 2019, la décision des États-Unis de se retirer du traité a pris effet. Les pays membres de l’OTAN ont publié une déclaration dans laquelle ils appuient pleinement cette décision, et attribuent « l’entière responsabilité » de l’extinction du traité à la Russie. Ils y ont indiqué que l’OTAN répondrait « d’une manière mesurée et responsable » aux risques liés au système russe SSC-8, par « un ensemble de mesures équilibré, coordonné et défensif » garantissant une dissuasion et une défense crédibles et efficaces. Les Alliés ont par ailleurs précisé qu’ils étaient fermement attachés au maintien d’un système international efficace de maîtrise des armements, de désarmement et de non-prolifération.


« EN METTANT EN SERVICE PLUSIEURS BATAILLONS DE MISSILES SSC-8, LA RUSSIE A RENDU LE MONDE PLUS DANGEREUX. »
Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'OTAN



Missiles interdits par le traité FNI


Un inspecteur soviétique examinant un missile de croisière à lanceur terrestre BGM-109G Gryphon avant sa destruction – 1988.

Aux termes du traité FNI, les États-Unis et la Russie ne peuvent posséder ni produire de missile balistique ou de croisière à lanceur terrestre d'une portée comprise entre 500 et 5 500 kilomètres, ne peuvent effectuer d'essais de vol d'un tel missile, et ne peuvent posséder ni produire de lanceurs de tels missiles.

Le traité FNI définit de manière précise les missiles balistiques et les missiles de croisière à lanceur terrestre qui sont interdits :

  • Un missile à portée intermédiaire est un missile dont la portée est comprise entre 1 000 et 5 500 kilomètres. Le terme « missile balistique » désigne un missile dont la trajectoire est en majeure partie balistique.
  • Un missile à courte portée est un missile dont la portée est comprise entre 500 et 1 000 kilomètres. Le terme « missile de croisière » désigne un vecteur sans pilote autopropulsé qui est maintenu en vol par une poussée aérodynamique ascendante sur la plus grande partie de sa trajectoire.

Chronologie

  • 8 décembre 1987 – Signature du traité FNI.
  • 11 mai 1991 – Destruction des derniers missiles visés par le traité FNI.
  • 23 mai 2013 – Les États-Unis expriment pour la première fois leurs préoccupations auprès de la Russie au sujet du système de missile.
  • 5 septembre 2014 – Sommet du pays de Galles : les Alliés appellent la Russie à préserver la viabilité du traité.
  • 9 juillet 2016 – Sommet de Varsovie : les Alliés appellent la Russie à répondre aux mises en cause des États-Unis et à préserver la viabilité du traité FNI.
  • 9 décembre 2017 – La Russie reconnaît l’existence du SSC-8/9M729 mais affirme que celui-ci est conforme aux dispositions du traité.
  • 11 juillet 2018 – Les pays membres de l’OTAN déclarent que la Russie semble violer le traité FNI.
  • 20 octobre 2018 – Les États-Unis annoncent leur intention de se retirer du traité.
  • 4 décembre 2018 – Les États-Unis déclarent que la Russie manque gravement au traité.
  • 4 décembre 2018 – Les ministres des Affaires étrangères des pays de l’OTAN appuient les conclusions des États-Unis sur la violation du traité par la Russie.
  • 25 janvier 2019 – Les pays membres de l’OTAN exhortent la Russie à se conformer de nouveau au traité lors d’une réunion du Conseil OTAN-Russie.
  • 1er février 2019 – Les États-Unis annoncent leur décision de suspendre leurs obligations découlant du traité FNI.
  • 1er février 2019 – Les pays membres de l’OTAN publient une déclaration concernant le non-respect du traité FNI par la Russie.
  • 14 février 2019 – Les ministres de la Défense des pays de l'OTAN appellent de nouveau la Russie à revenir au respect du traité.
  • 26 juin 2019 – Les ministres de la Défense des pays de l’OTAN décident que l’Organisation réagira si la Russie ne se conforme pas de nouveau au traité, et ils examinent les mesures pouvant être prises.
  • 2 août 2019 – La décision des États-Unis de se retirer du traité FNI prend effet, pleinement appuyée par les autres pays membres de l’OTAN. Les Alliés publient une déclaration dans laquelle ils attribuent l’entière responsabilité de l’extinction du traité à la Russie et annoncent leur décision de répondre d’une manière mesurée et responsable, tout en restant fermement attachés au maintien d’un système international efficace de maîtrise des armements, de désarmement et de non-prolifération.