Bruxelles,
11 juin 1998

Confrence de presse

de M. Richard, Ministre de la dfense de la France

Trs rapidement, je voudrais vous dire l'analyse que nous faisons du contenu de la session d'aujourd'hui. Nous avons indiqu que l'volution interne de l'Alliance tait bien en ligne avec nos souhaits, notamment avec les rsolutions retenues d'un commun accord Madrid, l'anne dernire. Je pense, en particulier, aux nouvelles activits militaires de l'Alliance auxquelles la France souhaite participer et qui connaissent le dveloppement que nous souhaitions. Je pense, en particulier, au concept des GFIM et aux exercices qui vont tre mens sur ce point.

En ce qui concerne l'largissement, mme chose. Comme vous le savez, le Parlement franais a termin la procdure de ratification. En France, cette ratification implique l'accord des deux Assembles du Parlement, que ce soit le Snat ou l'Assemble Nationale qui s'est prononce hier : une trs large majorit interpartisane a confirm l'accord de la France pour l'intgration de la Pologne, de la Hongrie et de la Rpublique tchque. Nous continuons faire rfrence au compromis de Madrid, l'anne dernire, qui garantit la poursuite du processus d'largissement en rappelant que la "porte reste ouverte".

Je voudrais dire sur ce point que, puisque la Roumanie et la Slovnie sont les candidats qui ont t expressment mentionns dans l'accord final de Madrid, nous souhaitons que, dans les mois qui prcdent le prochain Sommet de Washington, des indications claires soient donnes ces deux pays participants. Je voudrais dire par ailleurs que nous ne souhaitons pas du tout clre la liste ces deux pays et demeurons favorables une nouvelle srie d'largissements. J'ai indiqu au Parlement franais, au cours des dernires semaines, que nous avions not avec intrt que, devant le Snat amricain - qui a lui-mme procd la ratification la fin d'avril - une proposition d'amendement la loi de ratification, imposant une pause de trois ans entre l'entre des trois nouveaux membres et une seconde vague, avait t rejete tant par le Snat que par l'Administration. Nous considrons que, l aussi, les choses sont en bonne voie.

Enfin, permettez-moi de revenir sur le thme central de la runion ministrielle, savoir d'une part l'analyse de la situation et des options de l'Alliance concernant la poursuite de notre action commune en Bosnie et, d'autre part, l'tude d'actions envisager devant la gravit de la nouvelle situation au Kosovo.

Sur le premier point, comme vous le savez, nous avons jou notre rle dans la mise en place de l'accord politique sur la nouvelle mission de la SFOR en prenant en compte les amliorations substantielles de situation dans le rtablissement d'une vie collective, d'une vie institutionnelle et sociale plus pacifique et plus cooprative en Bosnie. Il reste que des enjeux et des risques importants demeurent. Ceci explique que la nouvelle force ait vu sa mission clairement dfinie : la SFOR de la nouvelle priode doit rester de la mme taille, doit avoir la mme capacit militaire.

En ce qui concerne le Kosovo, la France avait indiqu dj depuis plusieurs mois son inquitude, compte tenu de la pression importante que faisaient peser les autorits serbes sur le Kosovo. Depuis lors, comme nous le craignions, les faits ont confirm notre apprhension, c'est--dire la rpression, avec des moyens lourds et portant des dommages trs collectifs, injustifiable par de seuls actes isols de terrorisme. Attaques de villages entiers, blocage de zones entires du Kosovo, ces actions sont injustifiables.

Comme la France le demandait depuis plusieurs semaines, l'Alliance met donc en oeuvre une tude complte des diffrentes options de pressions militaires qui devraient tre exerces pour dissuader la poursuite de tels agissements. Comme les autres Allis, nous soulignons que cette pression, ces mesures militaires, doivent tre quilibres, tenir compte des diffrents facteurs de tension qui rgnent au Kosovo.

Par consquent, s'il nous parat ncessaire de faire pression prioritairement sur les autorits serbes, puisque ce sont elles qui disposent des moyens militaires les plus lourds et qui les mettent en oeuvre aujourd'hui, le message doit tre parfaitement clair : que d'ventuelles mesures militaires ne peuvent en aucun cas encourager la drive au sein de la communaut kosovare vers le renforcement du terrorisme.

Nous considrons, au contraire, que le processus, mme fragile, qui a t ouvert par les premiers contacts, les premires ngociations entre M. Rugova - dtenteur d'une relle lgitimit au nom de la communaut kosovare, et M. Milosevic - sont une voie d'volution normale vers la nouvelle situation que doit connatre le Kosovo, avec la reconnaissance de sa spcificit et de son autonomie.

Les mesures de pression militaires qui sont tudier et qui pourraient donner lieu, ultrieurement, des dcisions sur la base d'un mandat politique lgitime, doivent avoir comme objectif de faire poursuivre et de faire russir ce processus de ngociation et de rglement pacifique. Ces mesures doivent donc tre orientes d'une manire cohrente avec ce dbut de processus de ngociation.

Voil donc trs schmatiquement les quatre thmes sur lesquels je pensais utile de clarifier la position franaise ; je suis prt rpondre vos questions.

La France envisage-t-elle de participer d'ventuelles oprations ariennes ?

Alain RICHARD : Cela fait partie des options. J'insistais tout--l'heure sur le fait que nous devions avoir une panoplie de mesures militaires potentielles qui soient compltes et qui soient cohrentes. Ce qui nous parat le plus important et le plus positif dans la discussion qui est train de se terminer entre les ministres de la Dfense, c'est justement le caractre complet des mesures militaires envisages et pas la limitation des actions de dmonstration qui n'auraient pas d'effet politique dterminant si les protagonistes, et en particulier les autorits serbes, ne percevaient pas la volont politique d'aller plus loin dans les mesures si leur comportement ne changeait pas. Cela a t un des thmes importants des changes, au dner d'hier soir et dans le dbat d'aujourd'hui, que d'avoir une continuit et une cohrence entre les diffrents types d'action militaire envisags, de manire qu'il n'y ait pas un manque de continuit qui fasse apparatre pour les protagonistes que la communaut internationale a dj dcid de s'arrter un certain stade.

Peut-on s'attendre une escalade gradue des moyens et des pressions militaires ?

Alain RICHARD : Il ne faut pas "s'y attendre". Il faut "tre prt" et le choix politique que nous faisons est d'indiquer que nous avons tudi un ensemble de mesures ; et comme nous le faisons publiquement, chacun comprend trs bien ce que cela implique. Chacun dans l'Alliance sait bien que, si cette tude est engage, elle lui cre l'obligation morale de ne pas changer de position politique dans l'hypothse o la dgradation des vnements justifirait qu'on agisse.

Mais, comme chacun le comprend, la mise l'tude de mesures est une phase de la situation, elle vise obtenir un certain rsultat. Nous insistons beaucoup sur le fait qu'elle n'annule pas et ne prive pas d'efficacit, au contraire, les mesures de pression conomiques sur lesquelles l'Union Europenne et les Etats-Unis se sont exprims de faon cohrente.

Elle ne prive pas d'effet les autres contacts diplomatiques, et vous avez vu que le Groupe de contact, de nouveau, arrive des options cohrentes dans lesquelles - il n'est pas inutile de le mentionner - la Russie prend une part constructive. Il n'est pas dans notre rle de dire que toutes les autres formules vont chouer et que nous allons invitablement dboucher sur l'action militaire. L'attitude collective que nous devons avoir est videmment l'oppos, mais la rsolution politique doit tre claire.

Quel geste attend-on de la part des protagonistes sur le terrain ?

Alain RICHARD : La renonciation l'emploi de moyens disproportionns avec la ncessit du maintien de l'ordre.

Et dans quel dlai ?

Alain RICHARD : Le dlai se compte en jours. Nous avions, sans faire de gesticulation, insist auprs de nos partenaires internationaux depuis plusieurs semaines, sur le fait qu'une dtrioration de la situation tait vraisemblable et qu'il fallait s'y prparer. La liste d'tudes que nous prconisions et qui est aujourd'hui retenue faisait partie de ces prparatifs. Depuis une huitaine de jours, on a en effet constat la ralit de cette dgradation avec l'accentuation des mouvements de moyens lourds, et nous avons la certitude que ces moyens incluent l'arme serbe et pas simplement des forces de scurit qui, de toute faon, dans l'interprtation serbe, sont des units elles-mmes fortement armes. Aujourd'hui, les victimes civiles, les victimes non combattantes se comptent en centaines, les personnes qui ont quitt leurs villages ou leur rgion, par crainte des combats, se comptent en milliers. Nous considrons que la dgradation de la situation est dj intervenue. Il faut que les autorits serbes renoncent cette mthode de rpression violente dans les plus brefs dlais.

En voquant la position constructive de la Russie qu'entendez-vous exactement ?

Alain RICHARD : Comme c'est prvu dans les discussion du Groupe de contact, le Prsident Eltsine va avoir une discussion politique avec M. Milosevic, je crois que leur contact est prvu pour le dbut de la semaine prochaine, et nous avons confiance que le Prsident Eltsine, en cohrence avec les positions du Groupe de contact auquel participe la Russie, fera comprendre M. Milosevic que la mthode de rpression qu'il a choisie n'est pas acceptable et qu'elle doit tre remplace par une attitude de ngociation sincre.

C'est d'autant plus logique que le Groupe de contact a manifest, depuis plusieurs semaines, depuis que ces discussions sont en cours, une position trs claire sur le maintien des frontires. La position commune au sein du Groupe de contact est quasi unaniment partage au sein de la communaut internationale : on doit discuter de l'autonomie interne du Kosovo l'intrieur de la Fdration yougoslave et l'indpendance du Kosovo n'est pas dans les options imaginables. Je crois que la Russie est bien place pour faire passer ce message par la persuasion politique, en nous vitant tous d'avoir passer d'autres moyens.

On a parl d'options militaires, est-ce que vous pouvez tre plus clair l-dessus ?

Alain RICHARD : Non, ce n'est pas moi de le faire maintenant, il va y avoir une expression du Secrtaire Gnral la fin de la discussion.

Si le message de la session ministrielle n'est pas entendu, est-ce que la position de l'OTAN ne pourrait pas voluer justement sur les frontires de la Yougoslavie. Est-ce qu'on pourrait aussi aller jusqu' l'envoi de forces terrestres ?

Alain RICHARD : Je vais essayer d'tre bien clair sur le fait que l'tude des diffrentes options ne signifie pas une dcision de les mettre en pratique. L'un des points importants, nos yeux, de la discussion est que le l'OTAN reconnat la ncessit d'un mandat politique pour l'emploi de la force. Ce mandat politique, on connat la position franaise, je crois qu'elle est l aussi largement partage, il incombe au Conseil de Scurit. Et c'est la raison pour laquelle le Prsident de la Rpublique a nettement appuy l'initiative britannique d'engager le dbat au Conseil de Scurit, sur un projet de rsolution.

Avez-vous des ractions la dcision de la Turquie d'interrompre ses discussions sur d'armements franais ?

Alain RICHARD : Je n'ai pas de commentaire faire sur ce point. Le contact avec le gouvernement turc se maintient et il est mme dans mes projets des prochaines minutes.

La France demande au Conseil de Scurit de confirmer l'OTAN pour intervenir au Kosovo un mandat illimit, donc de le faire accepter par les autres membres permanents du Conseils, et je voudrais aussi savoir si l'OTAN aujourd'hui a dcid de demander M. Milosevic de retirer son arme du Kosovo ?

Alain RICHARD : Sur le premier point, la cohrence de la position de la France, qui est de reconnatre la responsabilit politique duonseil de Scurit signifie que, au sein du Conseil de Scurit, il y a un dbat politique, dans lequel tous les membres, les membres permanents mais aussi les autres, apportent leurs propositions et leur bonne volont pour trouver un mandat politique qui soit quilibr.

Nous apporterons nos arguments, j'en ai donn une brve ide tout--l'heure, et nous tiendrons compte de l'approche des autres membres du Conseil. Nous croyons simplement que, devant la situation grave qui est cre aujourd'hui au Kosovo du fait de la violence de la rpression serbe, il ne faut pas que ce mandat soit paralys. Il faut qu'il permette, en effet, d'arrter la violence. C'est le rle mme du Conseil de Scurit. Nous sommes convaincus que tous les membres permanents feront un usage rflchi de leurs droits dans le dbat.

Quant au deuxime point, il ne serait pas logique de demander au autorits serbes de retirer toute prsence arme dans le Kossovo , qui fait partie de leur territoire et dans lequel se posent des problmes rels de scurit. J'ai insist tout--l'heure sur le fait qu'un comportement offensif existait aussi de la part des lments les plus radicaux, les plus extrmistes de la communaut kosovare, mme si nous reconnaissons le souci de responsabilit d'action pacifique de la majorit aujourd'hui de la communaut kosovare.

Ce que nous mettons en cause n'est pas le choix de la Serbie de maintenir la scurit dans cette partie du territoire de la Fdration yougoslave, mais la disproportion entre les moyens rpressifs et le risque prsent par les actions de petits groupes de Kosovars et la dmarche de pression sur l'ensemble de la communaut kosovare qui caractrise la Rpublique serbe et qui, hlas, fait penser des priodes particulirement tragiques du conflit bosniaque, il y a quelques annes.


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