Devant les
commissions
d'Affaires
trangres
et de la dfense
du parlement
franais

Mercredi 8 avril

Discours

de M. Javier Solana, Secrtaire gnral de l'OTAN

Messieurs les Prsidents, Mesdames et Messieurs les Dputs,

C'est un grand plaisir pour moi d'tre avec vous aujourd'hui pour vous prsenter les changements en cours au sein de l'OTAN, et la nouvelle architecture de scurit en Europe que nous sommes en train de construire.

Permettez-moi tout d'abord de remercier la France pour sa participation active de ces dernires annes. Votre pays, comme le montre son engagement en Bosnie, est un alli loyal et respect qui joue un rle cl, notamment en contribuant assurer la paix dans l'ex-Yougoslavie. Cette opration de l'OTAN en Bosnie, qui runit trente-six pays Allis et non-Allis, est une manifestation tangible de la nouvelle architecture de scurit en Europe, fonde sur le principe de la coopration entre nations, marque de fabrique de la nouvelle OTAN dont je suis venu m'entretenir avec vous aujourd'hui.

Vous parler de cette nouvelle OTAN, c'est bien entendu vous parler de son largissement. Certes, rsumer la nouvelle OTAN son largissement serait un raccourci par trop rducteur. Mais, tant donn que vous devrez ratifier cet largissement dans les prochains mois, et que c'est le sujet au centre des dbats sur l'OTAN dans les mdias, je suis sr que vous ne m'en voudrez pas de commencer par l.

L'largissement de l'Alliance, donc, est une rponse naturelle aux changements intervenus dans l'environnement de scurit en Europe depuis la fin de la Guerre Froide. Il n'est pas le fruit du hasard. Bien au contraire, il repose sur la transformation profonde des structures politiques et militaires de l'Alliance pour crer un nouveau rseau de relations dans la zone euro-atlantique bases sur la coopration et le partenariat avec tous les pays qui le souhaitent.

En invitant la Pologne, la Rpublique Tchque et la Hongrie entrer dans l'Alliance Madrid, nos Chefs d'Etats et de Gouvernements n'ont pas voulu faire un coup. Ils ont voulu engager un processus long terme. C'est pourquoi ils ont raffirm que la porte de l'Alliance resterait ouverte d'autres candidats.

Ce sont d'ailleurs certains de ces pays qui ont demand devenir membres de l'Alliance. Pourquoi, me direz-vous ? A ce propos, permettez-moi de vous raconter une brve anecdote. Lors d'une de mes visites en Pologne, au cours d'une runion qui se tenait dans la salle o avait t sign le Pacte de Varsovie, le Prsident qui tait mon hte m'a dit : "Vous savez pourquoi mon pays veut adhrer l'Alliance et l'Union? Pour la mme raison que leurs membres ne veulent pas quitter ces institutions". Je crois que ces paroles se passent de commentaires.

En effet, bien qu'au centre de l'Europe, ces pays se sont vus, durant plus de quarante ans, interdire autoritairement le libre choix de leur destine. Ils n'ont pu bnficier des avantages de l'appartenance l'Union Europenne et l'Alliance Atlantique. Or, pendant toute cette priode, ces institutions ont considrablement accru la scurit et le bien-tre conomique de leurs membres, permettant ainsi l'Europe de transcender son pass, souvent troubl.

C'est pourquoi l'appartenance ces institutions signifie bien plus que signer des traits ou faire partie d'un nouveau club. L'enjeu est d'une tout autre dimension : il s'agit de participer au projet engag par l'Europe et ses Allis nord-Amricains pour assurer la stabilit et la prosprit long terme dans l'ensemble de la zone euro-atlantique.

L'largissement va galement rendre l'Alliance plus forte. En intgrant trois nouveaux pays, l'OTAN augmentera ses capacits oprationnelles : tant sa prparation la dfense commune que sa disponibilit assurer ses nouvelles missions, telles que les oprations de maintien de la paix. Dans le mme temps, nous tendrons une communaut de valeurs partages.

Mais quel cot, penseront certains en proie des anticipations draisonnables? La rponse est simple. Comme le Prsident Chirac l'avait soulign Madrid, le cot de l'largissement restera tout fait abordable. Il correspond aux cots communs auxquels contribuent tous les Allis, et qui reprsentent les besoins militaires minimums pour garantir l'interoprabilit des futurs membres avec les Allis. Ces contributions sont trs faibles par rapport aux dpenses de dfense nationales. Les trois pays invits se sont engags en payer leur juste part, value d'un commun accord hauteur de leurs capacits.

Il ne s'agit pas, comme cela a pu tre dit, de les pousser se surquiper mais plutt de leur demander un effort de formation de leurs troupes et de mise niveau de leurs quipements, en particulier en matire de communications. A ce jour, non seulement les trois pays ont dmontr un grand degr de prparation, mais l'OTAN les y aide en les associant troitement aux activits de l'Alliance.

Le terrain est ainsi prt pour l'accession de la Pologne, la Rpublique Tchque et la Hongrie l'Alliance, en principe lors du Sommet de Washington en avril 1999.

Cependant, le Sommet de Washington ne se limitera pas uniquement l'largissement de l'OTAN. Il sera aussi l'occasion pour nous de prsenter la nouvelle OTAN dans sa globalit.

Le cinquantime anniversaire de l'OTAN qui sera clbr cette occasion ne sera pas le moment de nous pencher sur le pass mais plutt une occasion de regarder vers l'avenir.

En particulier, tous les lments de cette nouvelle OTAN devraient tre reflts dans le Concept Stratgique de l'Alliance, revu et mis jour en tenant compte de l'volution du contexte international et des nouvelles missions de l'Alliance. Les discussions sur l'examen de l'actuel Concept Stratgique, qui remonte 1991, ont dj commenc.

Pendant les mois venir, les Allis vont mettre en commun leurs contributions cette rflexion commune. C'est le moment, pour chacun d'eux, de formuler sa vision de l'Alliance pour le prochain sicle. Il faut saisir cette opportunit.

L'une des choses que l'on peut d'ores et dj dire avec une quasi-certitude est que l'Alliance aura une dimension europenne plus importante. Le travail dans ce domaine a dj beaucoup progress.

L'OTAN a, tout d'abord, dans la continuit des dcisions prises lors de la runion ministrielle de Berlin en juin 1996, renforc ses relations institutionnelles avec l'Union de l'Europe Occidentale. De futures missions de l'UEO avec le soutien de l'OTAN sont devenues une vritable possibilit, suivant des modalits en cours d'laboration et d'exprimentation. Dans le mme temps, l'OTAN donne corps au concept des Groupes de Forces Interarmes Multinationales, qui joueront dans ce contexte un rle essentiel.

La France y est associe et, si la rflexion sur l'Identit Europenne de Scurit et de Dfense a jusqu'ici t surtout conceptuelle, les discussions sur la mise en oeuvre des concepts avancent grands pas; des exercices sont en prparation.

Je sais que certains d'entre vous pensent que, pour l'instant, cette nouvelle OTAN, c'est surtout des mots et des bonnes intentions. Eh bien, permettez-moi de ne pas tre d'accord : la nouvelle OTAN, ce sont aussi des faits, des choses concrtes.

Prenons le cas de la Bosnie. L, l'IFOR et la SFOR ont montr la capacit des Allis mener bien une importante mission de maintien de la paix avec leurs partenaires. Cette opration ne rassemble pas seulement de nombreux pays mais galement diffrentes organisations, au premier rang desquelles l'OSCE et l'Union Europenne, qui, dans une coopration exemplaire et en parfaite complmentarit, ont pu jouer chacune un rle unique et capital en fonction de leur spcificit.

Parmi les pays partenaires contributeurs en Bosnie, se trouvent notamment la Russie et l'Ukraine. Leur association prouve dans les faits que ces pays jouent un rle actif et positif dans la construction d'une architecture europenne de scurit. De mme, ils ont dvelopp leur coopration avec l'Alliance, respectivement dans le cadre du Conseil Permanent Conjoint OTAN-Russie, cr Paris le 27 mai dernier, et de la Commission OTAN-Ukraine fonde lors du Sommet de Madrid.

Au sein de ces forums, nous ne nous bornons pas la consultation abstraite, mais nous dcidons ensemble de mesures concrtes de coopration. L encore, dans un laps de temps trs court, les progrs sont considrables. Nos consultations rgulires renforceront, j'en suis sr, la confiance entre nous. L'avance des travaux du Conseil Permanent Conjoint tmoigne, cet gard, de la srnit de nos relations.

Au dbut de cette brve intervention, je vous parlais du rseau de coopration entre nations que nous avons cr: le Partenariat pour la Paix est la manifestation de cette coopration pratique avec nos partenaires. Depuis sa cration en 1994, ce programme a acquis une importance essentielle pour promouvoir la transparence et la coopration militaire dans l'ensemble de l'Europe. Le Conseil du Partenariat Euro-Atlantique constitue le cadre privilgi de consultation permanente entre les Allis de l'OTAN et leurs Partenaires sur ces activits communes. L encore, les applications pratiques se multiplient.

Par exemple, l'OTAN assiste l'Albanie dans son effort de reconstruction de ses forces armes. De mme, suite aux vnements du Kosovo, l'Albanie a t le premier pays demander, voici peine 3 semaines, sur la base du Document Cadre du Partenariat pour la Paix, des consultations d'urgence avec le Conseil de l'Atlantique Nord. En rponse, l'OTAN va renforcer sa coopration militaire avec l'Albanie dans le domaine de la gestion de crises.

Tout ceci montre bien que la nouvelle OTAN n'est plus une vision mais une ralit. L' Alliance s'est prpare faire face aux dfis du sicle prochain. C'est trs prcisment cette Alliance laquelle la Pologne, la Rpublique Tchque et la Hongrie vont adhrer.

Mesdames et Messieurs, merci de votre attention. Je suis prt rpondre vos questions.


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