Discours
de M. Javier Solana, Secrtaire gnral de l'OTAN
Messieurs les Prsidents,
Mesdames et Messieurs les Dputs,
C'est un grand plaisir pour moi d'tre avec vous aujourd'hui pour
vous prsenter les changements en cours au sein de l'OTAN, et la
nouvelle architecture de scurit en Europe que nous sommes en train
de construire.
Permettez-moi tout d'abord de remercier la France pour sa
participation active de ces dernires annes. Votre pays, comme le
montre son engagement en Bosnie, est un alli loyal et respect qui
joue un rle cl, notamment en contribuant assurer la paix dans
l'ex-Yougoslavie.
Cette opration de l'OTAN en Bosnie, qui runit trente-six pays
Allis et non-Allis, est une manifestation tangible de la nouvelle
architecture de scurit en Europe, fonde sur le principe de la
coopration entre nations, marque de fabrique de la nouvelle OTAN
dont je suis venu m'entretenir avec vous aujourd'hui.
Vous parler de cette nouvelle OTAN, c'est bien entendu vous parler de
son largissement. Certes, rsumer la nouvelle OTAN son
largissement serait un raccourci par trop rducteur. Mais, tant
donn que vous devrez ratifier cet largissement dans les prochains
mois, et que c'est le sujet au centre des dbats sur l'OTAN dans les
mdias, je suis sr que vous ne m'en voudrez pas de commencer par l.
L'largissement de l'Alliance, donc, est une rponse naturelle aux
changements intervenus dans l'environnement de scurit en Europe
depuis la fin de la Guerre Froide. Il n'est pas le fruit du hasard.
Bien au contraire, il repose sur la transformation profonde des
structures politiques et militaires de l'Alliance pour crer un
nouveau rseau de relations dans la zone euro-atlantique bases sur
la coopration et le partenariat avec tous les pays qui le
souhaitent.
En invitant la Pologne, la Rpublique Tchque et la Hongrie entrer
dans l'Alliance Madrid, nos Chefs d'Etats et de Gouvernements n'ont
pas voulu faire un coup. Ils ont voulu engager un processus long
terme. C'est pourquoi ils ont raffirm que la porte de l'Alliance
resterait ouverte d'autres candidats.
Ce sont d'ailleurs certains de ces pays qui ont demand devenir
membres de l'Alliance. Pourquoi, me direz-vous ? A ce propos,
permettez-moi de vous raconter une brve anecdote. Lors d'une de mes
visites en Pologne, au cours d'une runion qui se tenait dans la
salle o avait t sign le Pacte de Varsovie, le Prsident qui
tait mon hte m'a dit : "Vous savez pourquoi mon pays veut adhrer
l'Alliance et l'Union? Pour la mme raison que leurs membres ne
veulent pas quitter ces institutions". Je crois que ces paroles se
passent de commentaires.
En effet, bien qu'au centre de l'Europe, ces pays se sont vus, durant
plus de quarante ans, interdire autoritairement le libre choix de
leur destine. Ils n'ont pu bnficier des avantages de
l'appartenance l'Union Europenne et l'Alliance Atlantique. Or,
pendant toute cette priode, ces institutions ont considrablement
accru la scurit et le bien-tre conomique de leurs membres,
permettant ainsi l'Europe de transcender son pass, souvent
troubl.
C'est pourquoi l'appartenance ces institutions signifie bien plus
que signer des traits ou faire partie d'un nouveau club. L'enjeu est
d'une tout autre dimension : il s'agit de participer au projet engag
par l'Europe et ses Allis nord-Amricains pour assurer la stabilit
et la prosprit long terme dans l'ensemble de la zone
euro-atlantique.
L'largissement va galement rendre l'Alliance plus forte. En
intgrant trois nouveaux pays, l'OTAN augmentera ses capacits
oprationnelles : tant sa prparation la dfense commune que sa
disponibilit assurer ses nouvelles missions, telles que les
oprations de maintien de la paix. Dans le mme temps, nous tendrons
une communaut de valeurs partages.
Mais quel cot, penseront certains en proie des anticipations
draisonnables? La rponse est simple. Comme le Prsident Chirac
l'avait soulign Madrid, le cot de l'largissement restera tout
fait abordable. Il correspond aux cots communs auxquels contribuent
tous les Allis, et qui reprsentent les besoins militaires minimums
pour garantir l'interoprabilit des futurs membres avec les Allis.
Ces contributions sont trs faibles par rapport aux dpenses de
dfense nationales. Les trois pays invits se sont engags en payer
leur juste part, value d'un commun accord hauteur de leurs
capacits.
Il ne s'agit pas, comme cela a pu tre dit, de les pousser se
surquiper mais plutt de leur demander un effort de formation de
leurs troupes et de mise niveau de leurs quipements, en
particulier en matire de communications. A ce jour, non seulement
les trois pays ont dmontr un grand degr de prparation, mais
l'OTAN les y aide en les associant troitement aux activits de
l'Alliance.
Le terrain est ainsi prt pour l'accession de la Pologne, la
Rpublique Tchque et la Hongrie l'Alliance, en principe lors du
Sommet de Washington en avril 1999.
Cependant, le Sommet de Washington ne se limitera pas uniquement
l'largissement de l'OTAN. Il sera aussi l'occasion pour nous de
prsenter la nouvelle OTAN dans sa globalit.
Le cinquantime anniversaire de l'OTAN qui sera clbr cette
occasion ne sera pas le moment de nous pencher sur le pass mais
plutt une occasion de regarder vers l'avenir.
En particulier, tous les lments de cette nouvelle OTAN devraient
tre reflts dans le Concept Stratgique de l'Alliance, revu et mis
jour en tenant compte de l'volution du contexte international et
des nouvelles missions de l'Alliance. Les discussions sur l'examen
de l'actuel Concept Stratgique, qui remonte 1991, ont dj
commenc.
Pendant les mois venir, les Allis vont mettre en commun leurs
contributions cette rflexion commune. C'est le moment, pour chacun
d'eux, de formuler sa vision de l'Alliance pour le prochain sicle.
Il faut saisir cette opportunit.
L'une des choses que l'on peut d'ores et dj dire avec une
quasi-certitude est que l'Alliance aura une dimension europenne plus
importante. Le travail dans ce domaine a dj beaucoup progress.
L'OTAN a, tout d'abord, dans la continuit des dcisions prises lors
de la runion ministrielle de Berlin en juin 1996, renforc ses
relations institutionnelles avec l'Union de l'Europe Occidentale. De
futures missions de l'UEO avec le soutien de l'OTAN sont devenues une
vritable possibilit, suivant des modalits en cours d'laboration
et d'exprimentation. Dans le mme temps, l'OTAN donne corps au
concept des Groupes de Forces Interarmes Multinationales, qui
joueront dans ce contexte un rle essentiel.
La France y est associe et, si la rflexion sur l'Identit
Europenne de Scurit et de Dfense a jusqu'ici t surtout
conceptuelle, les discussions sur la mise en oeuvre des concepts
avancent grands pas; des exercices sont en prparation.
Je sais que certains d'entre vous pensent que, pour l'instant, cette
nouvelle OTAN, c'est surtout des mots et des bonnes intentions. Eh
bien, permettez-moi de ne pas tre d'accord : la nouvelle OTAN, ce
sont aussi des faits, des choses concrtes.
Prenons le cas de la Bosnie. L, l'IFOR et la SFOR ont montr la
capacit des Allis mener bien une importante mission de maintien
de la paix avec leurs partenaires. Cette opration ne rassemble pas
seulement de nombreux pays mais galement diffrentes organisations,
au premier rang desquelles l'OSCE et l'Union Europenne, qui, dans
une coopration exemplaire et en parfaite complmentarit, ont pu
jouer chacune un rle unique et capital en fonction de leur
spcificit.
Parmi les pays partenaires contributeurs en Bosnie, se trouvent
notamment la Russie et l'Ukraine. Leur association prouve dans les
faits que ces pays jouent un rle actif et positif dans la
construction d'une architecture europenne de scurit. De mme, ils
ont dvelopp leur coopration avec l'Alliance, respectivement dans
le cadre du Conseil Permanent Conjoint OTAN-Russie, cr Paris le
27 mai dernier, et de la Commission OTAN-Ukraine fonde lors du
Sommet de Madrid.
Au sein de ces forums, nous ne nous bornons pas la consultation
abstraite, mais nous dcidons ensemble de mesures concrtes de
coopration. L encore, dans un laps de temps trs court, les
progrs sont considrables. Nos consultations rgulires
renforceront, j'en suis sr, la confiance entre nous. L'avance des
travaux du Conseil Permanent Conjoint tmoigne, cet gard, de la
srnit de nos relations.
Au dbut de cette brve intervention, je vous parlais du rseau de
coopration entre nations que nous avons cr: le Partenariat pour la
Paix est la manifestation de cette coopration pratique avec nos
partenaires. Depuis sa cration en 1994, ce programme a acquis une
importance essentielle pour promouvoir la transparence et la
coopration militaire dans l'ensemble de l'Europe. Le Conseil du
Partenariat Euro-Atlantique constitue le cadre privilgi de
consultation permanente entre les Allis de l'OTAN et leurs
Partenaires sur ces activits communes. L encore, les applications
pratiques se multiplient.
Par exemple, l'OTAN assiste l'Albanie dans son effort de
reconstruction de ses forces armes. De mme, suite aux vnements
du Kosovo, l'Albanie a t le premier pays demander, voici peine
3 semaines, sur la base du Document Cadre du Partenariat pour la
Paix, des consultations d'urgence avec le Conseil de l'Atlantique
Nord. En rponse, l'OTAN va renforcer sa coopration militaire avec
l'Albanie dans le domaine de la gestion de crises.
Tout ceci montre bien que la nouvelle OTAN n'est plus une vision
mais une ralit. L' Alliance s'est prpare faire face aux dfis
du sicle prochain. C'est trs prcisment cette Alliance laquelle
la Pologne, la Rpublique Tchque et la Hongrie vont adhrer.
Mesdames et Messieurs, merci de votre attention. Je suis prt
rpondre vos questions.
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