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Updated: 12-Mar-2001 | NATO Speeches |
Londres 29 Novembre
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Discours Prononcé à la 36ème Session Annuelle de l'Assemblée de l'Atlantique NordDiscours du Secrétaire générale, Manfred WörnerLors de notre dernière rencontre, à Rome, le mur de Berlin
ne s'était pas encore effondré, l'unification allemande
restait une Londres perspective séduisante, mais lointaine, l'Union
soviétique ne paraissait pas prête à se retirer bientôt
de sa position stratégique au coeur de l'Europe, et un accord sur
les FCE donnait toujours lieu à des marchandages très serrés.
Mon premier souci était alors de déterminer comment l'Alliance
pourrait promouvoir ces premiers objectifs essentiels en atteignant son
but ultime : une Europe entière et libre, prospère et sûre.
Tous ont maintenant été réalisés, plus vite
et plus facilement que nous n'aurions osé l'imaginer. A notre Sommet
de Londres, l'OTAN a tiré les conséquences de ces changements
sismiques. Notre Alliance rénovée a inauguré une
ère nouvelle de coopération, grâce à des mesures
concrètes. Les pays d'Europe centrale et orientale ont accepté
l'amitié que nous leur offrions à tous. L'Europe retrouve
rapidement son unité politique, mais aussi son unité stratégique.
Chacun se demande à présent : quelle sera l'étape
suivante ? Quel est le nouveau programme ? Comment, au niveau conceptuel,
l'Alliance atlantique s'insère-t-elle dans une nouvelle architecture
qui ne doit pas faire face à une seule menace, collective et redoutable
? Dans le débat sur l'avenir de l'OTAN, trois conceptions sont fréquemment
exprimées. La première présente l'Alliance comme la victime de son
propre succès. Elle a réalisé un vieux rêve,
la construction d'une Europe dans laquelle les alliances politico-militaires,
comme l'OTAN, ne seraient plus nécessaires. La plupart ne vont
naturellement pas jusqu'à prétendre que la sécurité
n'est plus une nécessité fondamentale, mais ils pensent
qu'il est devenu plus facile et moins coûteux de l'obtenir, ou qu'elle
n'a plus besoin décomposante militaire, de sorte qu'elle peut être
assurée tout aussi bien par un organisme comme la CSCE, qui n'a
pas de structure de défense commune. La deuxième thèse est que notre Alliance va perdre de son
importance politique, et devenir davantage un organisme technique appelé
à gérer la structure de défense intégrée
et à surveiller la mise en oeuvre et la vérification des
accords de maîtrise des armements. Dans cet esprit, l'OTAN devrait
s'en tenir à ce qu'elle connaît et à ce qu'elle fait
le mieux : promouvoir la coopération militaire entre ses seize
membres. La haute politique - le développement des relations transatlantiques,
la coordination des politiques occidentales envers l'Europe centrale et
orientale et envers l'Union soviétique, la mise en place d'une
nouvelle architecture européenne et la conduite à tenir
face aux nouveaux défis mondiaux - se déplacerait alors,
soit vers la CSCE ou les mécanismes bilatéraux qui se créent
entre la Communauté européenne et les Etats-Unis, soit vers
une combinaison des deux. Les tenants de cette thèse pensent souvent
qu'une union européenne politique et de défense plus étroite
n'est pas compatible avec une Alliance atlantique forte. Pour survivre,
l'OTAN devrait donc adopter un profil bas, et privilégier sa dimension
militaire. La troisième conception est que notre Alliance joue, et devrait
jouer, non seulement un rôle militaire, mais aussi un rôle
politique plus important. Elle devrait s'adapter à l'évolution
de la situation et relever les nouveaux défis pour la sécurité
de ses pays membres. Qui a raison ? Les partisans d'un rôle minimal pour l'OTAN, ou
les tenants d'un rôle accru, axé sur la gestion du changement
et le maintien de la stabilité ? Pour répondre à
cette question, il faut se demander, d'une part, quelles sont les tâches
de sécurité qui subsistent maintenant que la Guerre froide
est terminée, et, d'autre part, qui peut le mieux les assumer.
Est-ce l'OTAN, ou d'autres organisations peuvent-elles se montrer plus
efficaces? Nous devons maintenant nous adapter à la transformation du paysage
de la sécurité en Europe, dans laquelle la menace directe
d'une agression massive de l'Union soviétique a disparu et la prévention
d'un danger imminent est devenue moins urgente. A présent que le
souci quotidien du maintien de la paix n'occupe plus toutes nos pensées,
nous avons la possibilité de jeter les bases d'une paix plus sûre,
plus durable et plus constructive. Les conditions politiques du succès
sont claires : nous devons maintenir et renforcer le partenariat entre
les démocraties d'Europe et d'Amérique du Nord, nous devons
aider les pays d'Europe centrale et orientale à édifier
des démocraties solides et des économies de marché
viables, nous devons ancrer l'Union soviétique à l'Europe
par de nouvelles structures de coopération, et nous devons mettre
en place un nouveau système de sécurité qui donne
à tous les Etats des garanties fermes contre l'agression. Une nouvelle
architecture européenne qui ne permettrait pas de gérer
ces quatre tâches simultanément et de manière égale
ne servirait pas nos intérêts. Un monde plus pacifique signifie une économie mondiale plus interdépendante
et plus prospère, dans laquelle nos sociétés se livreront
une concurrence économique fructueuse et renonceront à une
confrontation militaire stérile. Mais un monde plus interdépendant
est aussi plus fragile, plus vulnérable aux menaces et au chantage.
La crise du Golfe montre bien que l'Ouest est presque aussi vulnérable
aujourd'hui à une crise pétrolière prolongée
qu'hier à une menace militaire en Europe; les pays d'Europe centrale
et orientale se trouvent dans une situation plus précaire encore.
Il est clair, dans ces conditions, que nous avons besoin d'une politique
de sécurité pour recueillir les fruits de l'interdépendance
sans en courir les risques. Si la sécurité n'est pas assurée,
nul ne consentira les investissements ou l'effort de prospective dont
dépend le maintien de notre prospérité. Ensuite, il est évident que la fin de la Guerre froide et de ses
confrontations n'a pas balayé les incertitudes. Où va l'Union
soviétique ? Nous le savons moins que jamais. Malgré le
soutien actif que nous apportons au double processus de démocratisation
et de réforme du marché en Europe centrale et orientale,
nous ne pouvons pas dire si ces réformes aboutiront. Nous devons
considérer les charges énormes qu'une telle transformation
va imposer à ces pays. L'instabilité au plan intérieur
et une nouvelle division de l'Europe fondée sur la richesse pourraient
rouvrir des options nationalistes et fomenter des luttes ethniques jusqu'à
un point d'explosion. Déjà, le spectre de flux migratoires
massifs de ces zones de tension vers l'Ouest a été évoqué.
Il faudra beaucoup de temps, et aussi des efforts de réforme soutenus
de la part de ces pays, accompagnés d'une aide soutenue de l'Occident,
pour que les niveaux de vie des deux moitiés de l'Europe se rapprochent.
Nous devons, ensemble, veiller à ce que l'enthousiasme populaire
et les espoirs mis dans l'avenir ne soient pas entamés par les
dures épreuves que la transition implique inévitablement. De même, il est encore trop tôt pour faire table rase de
la puissance militaire de l'Union soviétique. Quoi qu'il advienne
demain dans ce pays, il restera le plus puissant d'Europe sur le plan
militaire. Qui lui fera contrepoids ? Car nous savons que les liens diplomatiques,
économiques ou même institutionnels ne peuvent, à
eux seuls, contrebalancer la puissance. S'il y a bien eu des réductions,
les modernisations ont été significatives, notamment dans
le domaine nucléaire. La production pour la défense est
en baisse, mais reste à un niveau qui est supérieur aux
besoins raisonnables de la défense de l'URSS et qui dépasse
de loin ce que font les pays de l'OTAN, ensemble ou séparément.
Je ne mets pas en doute les intentions pacifiques de M. Gorbatchev. Nous
ne fondons d'ailleurs plus nos plans sur les pires hypothèses,
car nous sommes convaincus que les intérêts à long
terme des Soviétiques résident dans la stabilité,
la coopération et une interaction pacifique avec les pays de notre
Alliance. Nous faisons confiance à la direction actuelle de l'Union
soviétique, et nous l'aidons dans son cheminement vers la réforme.
Mais cela ne veut pas dire qu'il ne pourra pas y avoir de retours en arrière
et de revirements en cours de route. Aussi nos relations avec l'Union
soviétique demeurer ont-elles nécessairement, dans l'avenir
prévisible, placées sous le signe de la dualité.
Notre offre est sincère : nous voulons que l'URSS devienne un partenaire,
et même un ami, avec qui organiser sécurité et protection.
Cependant, elle mettra longtemps à trouver une forme nouvelle et
stable, et il faudra faire équilibre à son énorme
masse stratégique. Dans l'intervalle, le risque résiduel
que la puissance militaire soviétique représente pour la
sécurité va faire subsister la nécessité de
prendre des assurances et d'observer une certaine vigilance. Enfin, nous sommes désormais plus conscients de l'importance des
défis extérieurs au territoire de notre Alliance. Des risques
peuvent venir de direc-tions nouvelles et inattendues. En outre, la tendance
au désarmement et à la réduction des dépenses
militaires dans les pays industrialisés ne donne que plus de poids
aux arsenaux des pays du Tiers monde, où entrent aussi maintenant
des missiles balistiques et des technologies de destruction massive, et
elle offre aux Etats plus petits des moyens de pression nouveaux et peu
souhaitables. Nous ne pouvons donc pas, en Occident, renoncer à
une défense cohérente. Le long du périmètre
sud de l'Europe existe, dans une certaine mesure, un arc de tension qui
va du Maghreb au Moyen-Orient. Les tensions sont exacerbées, non
seulement par les ambitions de dictateurs comme Saddam Hussein, mais aussi
par la croissance démographique, les conflits qu'engendré
le problème des ressources, les migrations, le sous-développement,
le fondamentalisme religieux et le terrorisme. A l'évidence, on
ne saurait minimiser les menaces pour l'intégrité territoriale
de l'OTAN qui ont leur origine au delà de l'Europe en les considérant
comme des menaces hors zone. La Turquie est directement menacée,
et notre région Sud est une zone où sont en jeu les intérêts
collectifs de tous les Alliés. La sécurité garde donc son importance, car des risques
et des facteurs d'instabilité subsistent - certains se manifestent
déjà, tandis que d'autres, à l'état latent,
menacent. Notre Alliance devra de plus en plus intégrer ces risques
dans ses plans de défense. Nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre
sans rien faire que ces risques et ces facteurs d'instabilité dégénèrent
en menace directe capable de déclencher des conflits militaires.
La plupart de ces risques ne peuvent être gérés par
les seules politiques nationales de défense. Ils exigent une riposte
collective et une relance de la prévention des crises à
long terme. La nécessité d'une approche collective de la sécurité
est également dictée par une autre raison. La structure
de défense intégrée a été l'une des
réussites historiques et exceptionnelles de l'OTAN. Elle a donné
aux pays de notre Alliance une sécurité qu'ils n'auraient
jamais pu obtenir séparément. Elle a L'autre solution consisterait à renationaliser la sécurité.
L'Europe courrait alors le risque de revenir aux renversements des alliances,
aux rivalités et à la politique de puissance du passé.
Il ne serait certainement pas question que les démocraties nord-américaines
fournissent une force de sécurité si l'Europe devait revenir
à une situation comme celle qui existait avant 1914. Si nous laissions se défaire la structure de défense intégrée,
comment pourrions-nous la rétablir en cas de nécessité
? A grand-peine, ou même pas du tout. En outre, nous aurions sacrifié
inutilement la capacité de cette structure de prévenir les
conflits, et pas uniquement d'y réagir. L'approche collective de
la sécurité n'est donc pas seulement la plus rentable; elle
est aussi la plus sûre et la plus juste - la seule façon
de partager équitablement les rôles, les risques et les responsabilités
au sein de notre Alliance. A une époque où il nous est impossible
d'évaluer avec précision les risques futurs, la sécurité
collective de l'OTAN est de loin l'assurance la plus raisonnable contre
toute forme d'incertitude. D'autres institutions sont-elles en mesure de gérer ce nouveau
concept de là sécurité aussi bien que l'OTAN, ou
même mieux ? Une identité européenne dans le domaine
de la défense, résultant de l'intégration politique
européenne, ou un système paneuropéen de sécurité
collective comme le processus institutionnalisé de la CSCE, peuvent-ils
par exemple remplacer l'OTAN ? Ces deux formules vont dans le sens des
intérêts de l'OTAN, mais l'une et l'autre sont loin de pouvoir
offrir de solides garanties de sécurité. Elles ne sauraient
se substituer à l'Alliance atlantique. L'affirmation d'une identité européenne dans le domaine
de la politique et de la sécurité est depuis longtemps un
objectif de notre Alliance. Grâce au dynamisme dont fait preuve
actuellement la Communauté européenne, nous sommes, à
l'évidence, plus proches aujourd'hui de la conception d'une Alliance
à deux piliers, à laquelle le président Kennedy songeait
au début des années soixante. La coopération entre
les douze pays de la Communauté européenne dans le domaine
de la sécurité est revenue en force à l'ordre du
jour de cette institution. Des propositions spécifiques ont été
formulées concernant la façon dont l'Europe devrait organiser
une politique de sécurité commune. Je le répète,
cette évolution est naturelle et souhaitable. Cependant, une identité européenne dans le domaine de la
sécurité et de la défense doit absolument être
organisée dans le cadre de notre Alliance. Il ne serait ni réaliste
ni rationnel que l'Europe cherche à se doter d'un potentiel de
défense entièrement indépendant. Si les Européens
décident de faire cavalier seul, les démocraties d'Amérique
du Nord y verront un message signifiant que leur contribution n'est pas
nécessaire et n'est plus souhaitée. Il serait dès
lors difficile d'empêcher un retrait total des forces nord-américaines
d'Europe, retrait dont nous savons qu'il aurait un effet déstabilisateur,
d'autant que le dispositif de dissuasion nucléaire avancé
de l'Amérique ne serait probablement pas maintenu non plus. Ce
qui a permis le maintien de la paix en Europe pendant près d'un
demi-siècle et favorisé le changement, c'est autant la réalité
physique de la présence de forces des Etats-Unis et du Canada en
Europe que l'engagement politique de ces deux pays, dont l'un est la plus
grande puissance industrielle du monde, en faveur de la démocratie
et de la stabilité sur notre continent. Une organisation de sécurité
purement européenne ne pourrait ni contrebalancer militairement
l'Union soviétique ni apporter le même genre de stabilité
politique. Néanmoins, ceux qui affirment qu'il ne peut y avoir d'Europe unie
sans une défense européenne commune ont raison. Il est donc
important pour l'OTAN et pour la Communauté européenne que
nous prenions maintenant les mesures appropriées et que nous établissions
un concept permettant d'intégrer harmonieusement le pilier européen
dans la structure de l'Alliance. Une relation binaire qui mettrait l'Amérique
du Nord et l'Europe face à face, ou qui empêcherait la totalité
des seize pays membres de participer pleinement aux activités de
l'Alliance est inacceptable. En effet, si nous ne pouvons maintenir un
sens de la communauté transatlantique, l'Alliance est vouée
à l'échec. Si les Etats-Unis en viennent à penser
qu'on leur demande de jouer un rôle uniquement de contrepoids militaire
en Europe, leur engagement pourrait disparaître aussi vite que la
menace soviétique s'éloigne. Il doit exister entre l'Amérique
du Nord et l'Europe un sens de la "communauté de destin et
de valeurs" semblable à celui que notre Alliance a fait naître
dès sa fondation et qu'elle n'a cessé de nourrir depuis
lors. Cette identité européenne qui commence à s'affirmer
ne devrait donc pas tendre vers une différenciation, mais contribuer
à donner plus d'harmonie, plus de cohésion et plus d'influence
à notre Alliance. Nous pouvons gérer cette évolution
de façon pragmatique, grâce à des contacts étroits
entre l'OTAN, la Communauté européenne et l'UEO, en évitant
de nous poser en concurrents les uns des autres. Nos institutions sont
complémentaires. Mais, si nous ne coordonnons pas nos politiques
dès le départ, nous courons le risque d'affaiblir nos organisations
au lieu de les renforcer. L'autre institution dont on entend parfois dire qu'elle pourrait remplacer
notre Alliance est la Conférence sur la sécurité
et la coopération en Europe, la CSCE. Depuis la signature de l'Acte final d'Helsinki, il y a quinze ans, le
processus de la CSCE a connu un développement remarquable et unique
en son genre. Le bilan extrêmement riche du Sommet de Paris, la
semaine dernière, et les engagements communs pris par les signataires
de la Charte de Paris pour une nouvelle Europe en faveur de la démocratie
et de l'économie de marché ont permis à la CSCE de
franchir une étape décisive et en ont fait un élément
clé de toute structure européenne future. La CSCE est appelée
sans nul doute à assumer de nombreuses responsabilités essentielles
en matière de sécurité, du fait aussi de la dissolution
probable de l'Organisation du Traité de Varsovie. Accroître
l'institutionnalisation du processus de la CSCE est depuis un certain
temps un but commun à tous les Alliés. En dotant la CSCE
d'un nouveau système de consultation politique et en lui conférant
des fonctions paneuropéennes, nous avons atteint les objectifs
de notre Déclaration de Londres et ouvert un nouveau chapitre institutionnel
dans l'évolution politique de notre continent tout entier. En déduire que le système de sécurité collective
de l'Alliance atlantique deviendra superflu - même à long
terme - serait toutefois une erreur. L'établissement de nouvelles
structures dans le cadre de la CSCE peut permettre de surmonter de vieux
antagonismes et d'arriver à de nouveaux concepts communs touchant
le renforcement de la paix et du partenariat. Mais la CSCE fonctionne
selon la règle du consensus, consensus qui paraît difficile
à réaliser tant que chacun des 34 Etats membres dispose
d'un droit de veto et que, comme maintenant, ces Etats n'ont pas tous
en commun les mêmes valeurs et les mêmes systèmes sociaux.
Il n'existe pas non plus le moindre mécanisme permettant de faire
exécuter les décisions. Aussi la CSCE ne sera-t-elle pas,
dans l'avenir prévisible, en mesure de garantir à elle seule
la stabilité et le nécessaire degré d'assurance contre
les risques qui ne peuvent être apportés que par le potentiel
de défense collectif de notre Alliance. La relation entre l'Alliance et la CSCE doit être une relation
de complémentarité, et non pas d'exclusion mutuelle. L'OTAN
servira d'appoint et de soutien à la CSCE. Nous chercherons à
établir des liens d'interaction dynamique avec la CSCE dans l'exécution
de ses activités courantes. L'OTAN, en effet, a non seulement pour
fonction de pourvoir à la défense directe de ses membres,
mais elle aura également celle, indirecte, de stabiliser le système
de la CSCE. Les pays d'Europe centrale et orientale ont d'ailleurs reconnu,
de façon plus explicite que bon nombre de personnalités
influentes dans nos propres pays, l'importance de ce rôle futur
de notre Alliance. Ceci m'amène à évoquer l'Assemblée de l'Atlantique
Nord. Depuis de nombreuses années, l'Assemblée a contribué
de façon exemplaire à renforcer la cohésion de notre
Alliance et à faire réagir l'opinion publique à son
action, surtout en étant le gage et l'incarnation du lien transatlantique,
mais elle a aussi été le pionnier des relations avec les
pays d'Europe centrale et orientale. Avant même que des élections
libres ne puissent être organisées dans ces pays, elle a
noué des liens avec ceux qui combattaient pour la liberté
et la démocratie et elle les a encouragés à poursuivre
leur lutte. Lorsque des élections ont finalement pu avoir lieu,
elle a établi une coopération avec les parlementaires de
ces nouvelles républiques, auxquels est maintenant accordé
le statut de "délégué associé".
Votre Assemblée a ensuite ouvert la voie à ce qui va devenir
notre Europe commune et elle a aidé à faire entrer cette
aspiration dans la conscience collective. Cette tâche restera d'une
grande actualité, et je ne vois pour ma part ni concurrence ni
conflit entre ce que fera l'Assemblée parlementaire de tous les
Etats de la CSCE, proposée au Sommet de Paris, et les travaux que
poursuit votre institution. Certes, si les parlementaires de tous les
pays de la CSCE répondent à l'appel que les gouvernements
de leurs pays ont lancé au sommet, l'Assemblée de la CSCE,
dont les diverses fonctions restent à définir, aura un travail
important à faire. Mais, là comme dans les autres domaines
de la CSCE, votre Assemblée, qui se préoccupe des problèmes
de sécurité de notre Alliance et de l'Europe élargie,
continuera d'infléchir le cours du débat par la grande qualité
de ses rapports, la haute tenue des délibérations de ses
groupes de travail spécialisés et l'esprit de coopération
et d'amitié qui s'est instauré depuis tant d'années
entre ses membres et les personnalités qu'elle invite régulièrement
à ses sessions en qualité d'orateur ou d'observateur. Je
suis certain qu'une nouvelle assemblée parlementaire de la CSCE
appréciera la contribution que l'Assemblée de l'Atlantique
Nord ne cessera d'apporter en remplissant sa tâche avec une telle
compétence. Il n'y a donc pas, ici ou ailleurs, de crise d'identité de l'OTAN,
et nous ne sommes pas non plus désespérément à
la recherche de tâches nouvelles maintenant que la menace traditionnelle
a disparu. Nous avons devant nous un nouveau paysage européen,
riche de possibilités, mais aussi lourd de risques et d'incertitudes.
La bataille pour la liberté et le redressement économique
n'est pas encore définitivement gagnée. Il suffit d'écouter
les dirigeants d'Europe centrale et orientale pour savoir que les années
les plus difficiles, qui décideront du sort de la démocratie
et de la prospérité, sont encore à venir. Ce qu'il
faut dans une telle situation c'est, d'une part, la volonté d'agir
pour promouvoir et gérer le changement, de mettre à profit
les possibilités qui se présentent, de façonner l'histoire
et, d'autre part, la capacité de faire face aux risques et de donner
au processus de changement la stabilité nécessaire, en empêchant
tout recours à la force. Qui pourrait le faire si ce n'est notre
Alliance, communauté politique et militaire de loin la plus soudée,
la plus solide et la plus puissante de la planète ? Ainsi, l'OTAN est indispensable : (a) parce qu'elle est la seule structure de sécurité et
de défense collective qui fonctionne effectivement et qui peut
assurer la stabilité et garantir ses pays membres contre les menaces
et les risques, quelle qu'en soit l'origine, qui viseraient leur sécurité
et leur intégrité territoriale; (b) parce qu'elle représente pour seize nations souveraines et
démocratiques, de part et d'autre de l'Atlantique, une forme de
partenariat politique et une communauté de valeurs qui ont fait
leur preuve et qui permettent aux Alliés de définir et de
mettre en place de nouvelles relations avec l'Union soviétique
et avec les nouvelles démocraties d'Europe orientale, ainsi que
de déterminer quel système européen ils souhaitent
voir apparaître et quelles devraient être les relations de
la nouvelle Europe, aussi bien sur le plan interne qu'avec l'Amérique
du Nord; (c) parce qu'elle constitue le seul cadre institutionnel où se
trouvent liées l'Amérique du Nord et l'Europe, en même
temps que l'instrument le plus important et le plus approprié pour
gérer l'évolution future de leurs relations. Il va de soi que l'OTAN des armés quatre-vingt-dix n'est pas l'OTAN
des années quatre-vingts, tout comme l'OTAN d'aujourd'hui n'est
pas l'OTAN d'hier. Notre Alliance est en train se transformer : nous nous
adaptons à la nouvelle conjoncture et nous continuerons de le faire
tout en nous attachant à façonner l'histoire de l'Europe.
Notre Alliance fera passer l'accent, dans ses activités futures,
du côté militaire au côté politique, du maintien
de la paix à la construction de la paix, de la prévention
d'un danger imminent à l'assurance contre les risques futurs, d'une
Alliance dirigée par les Etats-Unis à un partenariat sur
un pied d'égalité entre l'Amérique du Nord et une
Europe plus unie. Nous nous employons actuellement à remodeler notre stratégie
militaire comme le prescrivait la Déclaration du sommet de Londres.
Il est clair que dans l'Europe d'aujourd'hui, garder en place un énorme
dispositif de défense n'est plus aussi nécessaire qu'avant.
Il nous faudra plutôt pouvoir reconstituer des forces aussi rapidement
que pourraient apparaître de nouvelles menaces. Une défense
cohérente exigera donc des forces moins nombreuses, mais encore
importantes, avec parmi elles davantage d'unités multinationales.
Certes, en organisant une défense future selon ce schéma,
il sera possible de réduire aussi les budgets de la défense.
Encore faudrait-il que ces réductions s'opèrent de telle
façon que la planification de notre défense puisse rester
cohérente. Trop de hâte à toucher les dividendes de
la paix pourrait compromettre les possibilités d'économies
réelles, et même nous exposer à des dangers. Parallèlement,
nous réduirons encore dans des proportions sensibles le nombre
de nos armes nucléaires et nous chercherons à moins tabler
sur elles, en en faisant véritablement l'arme du dernier recours.
Mais nous devons continuer à faire entrer dans la stratégie
de l'Alliance ces armes représentant l'ultime et indispensable
garantie de la paix. Un autre changement important marquera notre Alliance, c'est ce que j'appellerais
: une plus nette européanisation. C'est là, naturellement,
une question qui n'intéresse pas seulement les Alliés européens,
mais bien une question que tous les Alliés auront à examiner
ensemble. Elle pose, d'abord, le problème du rééquilibrage
interne de l'Alliance; les Européens ne pourront avoir une part
accrue dans le processus de décision que s'ils assument une part
accrue des responsabilités, des risques et des charges. Ensuite,
il s'agit de savoir comment traiter le problème de la structure
européenne de défense dès lors que les Européens
auront décidé de la créer. Il nous incombe de faire
en sorte que l'évolution dans ce sens se déroule dans les
meilleures conditions possibles, sans que l'OTAN en subisse le moindre
préjudice. En nous consultant à un stade précoce,
nous devons ainsi concevoir des formules qui permettent à une structure
de sécurité européenne naissante de trouver sa place
dans les structures militaires et politiques globales de l'Alliance. Je
suis persuadé, et même tout à fait persuadé,
que cela est possible. Il y a cependant deux points essentiels auxquels nous devons absolument
veiller à travers tous ces changements. Je veux parler du rôle
politique de notre Alliance et de son rôle militaire. Notre Alliance
ne pourra se perpétuer ni comme organisation exclusivement militaire
ni comme organe consultatif exclusivement politique. Les deux éléments
sont vitaux. Nous devons aborder toutes les questions politiques liées
à la sécurité en nous plaçant dans un contexte
plus large et nous devons maintenir notre structure militaire intégrée. Quelles sont donc les principales tâches auxquelles notre Alliance
doit s'attaquer au cours de la prochaine décennie? La première de ces tâches est de promouvoir la démocratie
et la prospérité dans toute l'Europe. Comme le soulignait
Alexis de Tocqueville il y a 150 ans, les démocraties sont pacifiques
par nature, et donc plus prévisibles et plus rassurantes pour leurs
voisins. Une politique d'assistance économique et technique aux
pays d'Europe centrale et orientale engagés dans la voie des réformes
est notre meilleure politique de sécurité à long
terme. Il n'incombe pas au premier chef à l'OTAN de fournir une
telle assistance, mais en aidant à l'établissement de nouvelles
structures multinationales de coopération en Europe, et en élargissant
le processus de maîtrise des armements à l'ensemble des 34
Etats participant à la CSCE, l'OTAN peut créer le climat
de stabilité et de confiance qui encouragera la réalisation
par les Occidentaux d'un programme dynamique d'aide et d'investissement
dans toutes les nouvelles démocraties qui seront disposées
à créer les conditions nécessaires. Il y a ensuite la nouvelle tâche, découlant naturellement
de la fin de la Guerre froide, qui consiste à édifier un
nouveau système de sécurité pour l'Europe. A la différence
de ce qui se passait au temps de la confrontation, les membres d'une telle
communauté considèrent la sécurité comme un
bien commun dont aucun d'eux ne saurait jouir aux dépens des autres. Pour établir un futur système de sécurité
européen, il faut d'abord concevoir de nouvelles relations politiques
et stratégiques avec l'Union soviétique et les pays d'Europe
centrale et orientale, que ceux-ci restent ou non les alliés de
Moscou dans le cadre du Pacte de Varsovie. Ce processus est déjà
bien engagé. A notre Sommet de Londres, en juillet dernier, nous
avons annoncé l'émergence d'une Alliance rénovée,
offrant son amitié et sa coopération à ses anciens
adversaires. Des diplomates de ces pays entretiennent des liaisons avec
le siège de l'OTAN, où ils assistent régulièrement
à des exposés et à des échanges de vues; nos
responsables se rendent à Moscou et dans d'autres capitales, et
les leurs nous rendent visite. A Paris, il y a quelques jours, nous avons
signé une déclaration commune sur des relations pacifiques
avec les pays du Pacte de Varsovie. Par la poursuite de négociations
sur la maîtrise des armements au-delà des FCE et la tenue
de séminaires sur les doctrines militaires, nous entendons donner
une autre dimension au facteur militaire dans les relations Est-Ouest,
pour les placer toujours davantage sous le signe de la coopération
et de la confiance. Nous devons établir un nouveau genre d'équilibre
militaire, qui se situe à des niveaux plus bas, mais qui offre
les mêmes possibilités d'endiguer toute concentration, individuelle
ou collective, de forces armées en Europe, La maîtrise des
armements doit stabiliser un équilibre à des niveaux plus
bas, et accroître l'efficacité de la défense tout
en éliminant progressivement les risques d'attaque. Cela prendra
du temps, mais nous allons de l'avant. La coopération dans le domaine de la sécurité sera
aussi un autre moyen d'attirer l'Union soviétique dans l'Europe,
en l'aidant à surmonter son senti-ment d'isolement et de marginalisation
économique et culturelle. Nous pourrons également aplanir
les difficultés en continuant à tirer parti de la bonne
coopération que nous avons établie avec l'URSS dans le cadre
des Nations Unies, spécialement pendant la crise du Golfe. Comme
cette crise le montre, les intérêts des Soviétiques
sont mis en jeu autant que les nôtres par la prolifération
des technologies militaires dangereuses, ou par toute perturbation des
économies occidentales et des réformes économiques
en Europe centrale et orientale provoquée par un nouveau choc pétrolier. Ceci nous amène à la question de savoir comment se présenterait
un futur système de sécurité paneuropéen.
Nous ne pouvons pas encore envisager la forme précise d'un tel
système, car elle évoluera avec le temps comme varie l'architecture
dans l'édification d'une cathédrale, plutôt qu'elle
ne sera imposée au départ. Cependant, certains des principes
de cette construction apparaissent déjà clairement. Si l'OTAN demeure notre unique possibilité réelle d'assurer
le maintien de la paix, elle ne peut faire face, à elle seule,
à l'autre tâche fondamentale qui est aujourd'hui la nôtre
en matière de sécurité : je veux parler, bien entendu,
de la construction de la paix. Il s'agit, évidemment, d'une tâche
beaucoup plus complexe. Elle ne peut être accomplie par une "superinstitution"
unique qui aborderait à la fois les aspects financiers, économiques
et militaires, et ceux qui concernent la maîtrise des armements,
les droits de l'homme et le domaine culturel. Notre architecture européenne
future reposera donc sur un système composé d'organisations
différentes, dont les activités se chevaucheront parfois,
mais qui s'imbriqueront et dont chacune sera axée sur un domaine
différent. J'envisage quatre grands piliers pour une telle architecture
: la Communauté européenne, en tant que source du dynamisme
économique et de l'intégration politique, y compris l'organisation
des intérêts de sécurité de ses membres, le
Conseil de l'Europe, pour mettre en relief la dimension humaine et sociale,
la CSCE, qui est l'instance de coopération paneuropéenne,
et, dernier élément, mais non le moindre, l'OTAN, cadre
de la stabilité et lien avec les Etats-Unis et le Canada. Notre
tâche consistera à développer entre ces quatre piliers
institutionnels des relations de plus en plus marquées par la complémentarité,
de façon à leur permettre de se renforcer mutuellement et
de stabiliser l'architecture globale elle-même. Une autre tâche importante que nous ne pouvons nous permettre de
négliger consiste à répondre efficacement aux défis
mondiaux qui touchent directement la sécurité de nos pays
membres et la stabilité du système paneuropéen. Je voudrais mettre ici en lumière deux de ces défis. L'un concerne les risques venant de zones adjacentes. D'aucuns ont critiqué,
injustement à mon sens, la contribution de l'Alliance à
l'effort international mené dans le Golfe. Les Alliés ont
fait preuve, en la circonstance, d'une solidarité plus grande que
dans n'importe lequel des conflits hors zone antérieurs, et les
Européens ont apporté une contribution matérielle
plus importante. En fait, tous les Alliés ont joué un rôle.
Les Etats-Unis ne sont nullement isolés. Pourtant, on s'accorde
à considérer que certains Alliés, et l'Alliance dans
son ensemble, peuvent et doivent faire davantage. Nous procéderons
à un débat une fois la crise du Golfe terminée -
mais, je l'espère, pas avant, étant donné que nous
devons maintenant nous concentrer sur le maintien de notre solidarité
bien établie. Lorsque ce débat s'ouvrira, nous devrons tirer les leçons
de la crise du Golfe afin d'améliorer les mécanismes dont
nous disposons aussi bien pour la gestion des crises que pour leur prévention.
Naturellement, il n'est pas question que l'OTAN cherche à devenir
un "gendarme du monde" ou prenne en main tous les problèmes
de sécurité. Une telle démarche imposerait à
nos structures En même temps, nous devons être conscients du fait qu'il
existe, pour notre sécurité, une nouvelle menace née
de la prolifération des armes de destruction massive et des technologies
associées aux missiles balistiques au delà du traditionnel
axe Est-Ouest. Il nous faut absolument faire plus pour empêcher
cette prolifération et établir un code de conduite plus
rationnel pour les transferts d'armes et de technologie au Tiers monde.
C'est là un domaine où notre Alliance, en coopération
avec l'Union soviétique et en étroite collabora-tion avec
les Nations Unies, peut utilement jouer un rôle. L'Alliance n'est donc pas moins importante qu'à l'époque de la Guerre froide. D'une part, ses fonctions du passé, comme celles consistant à contrebalancer la puissance soviétique et à maintenir le lien transatlantique, demeurent essentielles. D'autre part, ce n'est qu'avec et par l'Alliance que nous pourrons faire face aux nouvelles tâches de sécurité découlant de la fonte des glaces de la confrontation en Europe et aux défis que laisse entrevoir l'établissement d'un nouvel ordre mondial, plus juste et plus stable. C'est grâce à l'OTAN que les nations occidentales sont en mesure d'exercer leur responsabilité et de saisir cette occasion historique de promouvoir le changement et d'assurer la stabilité qu'exigé la réussite à long terme de ce processus.
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