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Updated: 12-Mar-2001 NATO Speeches

Prague
6 Septembre
1990

Construire une Europe nouvelle

Discours du Secrétaire générale, Manfred Wörner
au Ministère des Affaires Etrangères
de la République Tchèque et Slovaque

II y a un an, il eût semblé inimaginable qu'un Secrétaire général de l'OTAN se rende en Tchécoslovaquie en qualité d'invité officiel de votre gouvernement. Pourtant, aujourd'hui, la naissance d'une Europe nouvelle fait que ce qui était naguère impossible paraît maintenant tout à fait naturel; cette Europe est réunie par une aspiration, sans entraves, à la liberté, à la démocratie et à la prospérité économique.

Votre fière nation, toujours fidèle aux traditions de Thomas Masaryk et Edouard Benès, a joué son rôle dans la réalisation de ce changement historique. En 1968, le Printemps de Prague a prouvé que l'amour de vos compatriotes pour la liberté ne pouvait être étouffé, malgré les années sombres qui l'ont suivi. Charte 77 et d'autres groupes courageux ont soutenu avec ténacité les principes de l'Acte Final de la CSCE et ses dispositions humanitaires, créant ainsi autour d'eux, même aux pires moments de la répression exercée par l'Etat, une zone de liberté.

Aujourd'hui, la Tchécoslovaquie s'est engagée dans un audacieux processus de renouveau démocratique et économique. Nous savons tous que la tâche ne sera pas facile, mais votre pays a un long héritage démocratique et une tradition d'entreprise industrielle qui est de bon augure pour votre succès final. Car votre nation, par son histoire et sa culture, appartient, dans sa quintessence, au monde occidental. Avec dynamisme et prévoyance, vos nouveaux dirigeants apportent la preuve que la Tchécoslovaquie entend également jouer un rôle clé dans l'édification du nouvel ordre européen. Leurs propositions visant une nouvelle structure de sécurité en Europe et leur défense résolue des droits de l'homme et des libertés sont une source d'inspiration pour nous tous.

Ce n'est pas, bien entendu, seulement dans les relations entre le gouvernement et le peuple que la Guerre froide est terminée. Nous voyons aussi dans les rapports entre nations un nouvel esprit de coopération, un désir commun de ne pas être prisonnier des craintes et des suspicions auxquelles se sont heurtées toutes les précédentes tentatives de création d'une famille de nations européenne. Je dirais même que l'Europe n'a jamais eu une occasion aussi tangible de sortir du cycle infernal de la paix et de la guerre et de créer un ordre durable de paix et de prospérité. Notre génération a le privilège de voir s'offrir à elle cette occasion, unique dans l'histoire, de prendre un nouveau départ.

Nous, les membres de l'Alliance, sommes résolus à saisir cette occasion. Certes, et même avec tous les changements auxquels nous assistons, les craintes et les suspicions du fond des âges, les images stéréotypées et les idées fausses ancrées dans la mémoire populaire ne vont pas disparaître du jour au lendemain. Il est cependant possible d'en triompher, comme l'a dit avec tant d'éloquence le président Havel. La participation active de la Tchécoslovaquie à l'Initiative pentagonale et le rôle qu'elle joue dans la réunion des nouvelles démocraties de l'Europe centrale montrent également avec quelle rapidité on peut jeter des ponts surmontant les vieilles divisions. Nous avons à présent une chance de consacrer notre énergie, notre imagination et nos ressources financières à l'édification de ces sociétés démocratiques à économie de marché qui, nous le savons, sont pacifiques par nature, et nous offrent ainsi la meilleure garantie d'une stabilité, d'une sécurité et d'une prospérité durables.

Je suis venu à Prague aujourd'hui porteur d'un message très simple, celui-là même que j'ai porté à Moscou au mois de juillet et que je porterai à Varsovie la semaine prochaine; car il s'agit d'un message que nous adressons avec une égale conviction à tous nos anciens adversaires, qui sont désormais nos amis et nos partenaires. Nous vous offrons notre amitié. Nous souhaitons coopérer avec vous. Le temps de la confrontation est révolu. Il faut enterrer l'hostilité et la méfiance du passé. Nous devons travailler ensemble. C'est de cette façon seulement que nous pourrons édifier la maison commune européenne, ou la confédération européenne, ou le nouvel ordre européen - peu importe le nom qu'on lui donne. Nous savons tous ce que nous entendons par là : une Europe de la démocratie, des droits de l'homme et du partenariat, dans laquelle le tout renforce les parties et les parties renforcent le tout. Nous devons avancer ensemble; sinon, nous serons condamnés à reculer séparément.

Il existe une voie qui nous conduit, au-delà de la confrontation, vers une Europe entière et libre:

  • par l'édification de nouvelles structures de coopération, d'une nouvelle architecture européenne qui englobe chacun de nous;

  • par des négociations sur la maîtrise des armements en vue de réduire au maximum nos arsenaux et d'accroître la stabilité et la confiance mutuelle;

  • par une coopération entre nous dans tous les domaines - politique, économique, scientifique, culturel.

Nous devons considérer d'un oeil nouveau nos objectifs et nos tâches. C'est ce que notre Alliance atlantique a fait, et continuera de faire. Lors du Sommet que nous avons tenu à Londres au début du mois de juillet, nous avons décidé de modifier notre Alliance de la façon la plus profonde depuis sa création, il y a quarante et un ans. Un système de confrontation n'offre pour nous aucun intérêt. Car l'OTAN a un rôle nouveau, encore plus important, à jouer : celui de pilier d'un ordre de coopération européen nouveau et pacifique. Dans le cadre d'un tel ordre, la puissance militaire jouera un rôle moindre; elle sera moins prépondérante, ne menacera personne et aura pour vocation de fournir des assurances contre les risques et de prévenir la guerre.

Comment l'OTAN a-t-elle changé, me demanderez-vous? Quelles mesures concrètes avons-nous prises?

  • Nous réduisons nos budgets de la défense et le niveau de nos forces;

  • nous réexaminons nos structures de forces et modifions notre stratégie militaire;

  • nous abaissons le niveau de préparation de nos unités d'activé, en réduisant les normes d'entraînement et le nombre des exercices;

  • nous tablons moins sur les forces nucléaires en Europe; nous avons proposé à l'Union soviétique l'élimination de toutes les ogives d'artillerie nucléaire présentes sur ce continent;

  • nous avons offert de négocier sur les forces nucléaires à courte portée en Europe lorsqu'un traité sur les FCE aura été signé; nous avons déjà prévu une réunion du Groupe consultatif spécial de notre Alliance pour élaborer un mandat en vue de ces pourparlers;

  • nous avons également offert de passer, dès la conclusion d'un accord sur les FCE, à de nouvelles négociations dans le prolongement de cet accord, notamment sur des mesures de limitation des effectifs en Europe.

Ces changements interviendront à mesure que les forces soviétiques quitteront le territoire de la Tchécoslovaquie et de la Hongrie, comme l'URSS l'a déjà accepté, ainsi que le territoire de l'actuelle RDA au cours de la période de transition qui suivra la réunification de l'Allemagne. Ces changements dépendront également de la mise en oeuvre d'un traité sur les FCE qui offrira à tous les Etats participants de solides garanties contre l'agression et l'intimidation militaires. L'Alliance atlantique n'entend pas seulement éliminer les tensions par la réduction des armements : elle veut aussi accroître la confiance et la transparence. C'est pourquoi nous mettons tout en oeuvre pour obtenir la conclusion d'un accord sur le régime du "Ciel ouvert"; nous proposons l'ouverture de discussions sur la stratégie et la doctrine militaires. Nous souhaitons avant toute chose que la sécurité soit débattue et définie en commun.

Aucun pays ne peut aujourd'hui assurer sa sécurité à lui seul ou en s'isolant de ses voisins. Les pays qui recherchent une sécurité absolue par des efforts individuels ne font que créer l'insécurité autour d'eux. Nous ne devons donc plus jamais ramener la sécurité européenne au niveau purement national. La véritable sécurité ne peut d'ailleurs s'obtenir que par la coopération et le partage.

Il ne faut pas en déduire, évidemment, que les pays de l'OTAN ou tout autre pays européen doivent rester sans défense. Nous vivons, en effet, dans un monde fait d'incertitudes, qui comporte de nombreux risques et facteurs d'instabilité. La crise actuelle dans le Golfe persique nous le rappelle pour de bon. Elle ne s'apparente pas aux précédents conflits régionaux où seuls les intérêts de quelques pays étaient directement en cause; il ne s'agit pas davantage d'une crise dont le pétrole est l'enjeu exclusif ni même essentiel. Si notre objectif commun - à savoir la restauration du gouvernement légitime du Koweït et la libération de tous les otages - n'est pas atteint, c'est l'ensemble de la communauté internationale qui se trouvera exposée à un grave danger, celui du précédent créé par un pays, grand et puissant, qui annexe avec cynisme un pays voisin plus petit, et aussi - ce qui est plus inquiétant encore - d'une agression victorieuse qui ne manquera pas de nourrir les ambitions de dictatures qui ont de plus en plus accès aux technologies de destruction massive.

Il est donc crucial, non seulement pour le Koweït et la paix au Proche-Orient, mais aussi pour notre action commune qui vise à instaurer un ordre international plus durable et plus juste au lendemain de la Guerre froide, que les sanctions imposées par les Nations Unies à l'encontre de l'Irak soient suivies d'effets. Tous les pays de l'Alliance sont déterminés à préserver leur solidarité, et nous mettrons tout en oeuvre pour unir toujours plus nos efforts à ceux de l'Organisation des Nations Unies, qui a retrouvé son efficacité comme garant du droit international et de la stabilité à l'échelle mondiale. Je salue la ferme attitude que la Tchécoslovaquie a adoptée face à la crise, et je ne doute pas que nous pourrons continuer d'oeuvrer ensemble pour prouver à l'Irak - et à tous les autres belligérants potentiels - que l'agression brutale est vouée à l'échec.

Notre Alliance doit maintenir une défense solide, et nous n'en attendons pas moins des autres pays. L'OTAN conservera en Europe une combinaison de forces conventionnelles et nucléaires qui sera l'ultime garant de la paix. Notre objectif est cependant clair : nous voulons réduire les forces armées en Europe à un niveau minimum, de telle sorte qu'aucun pays ne doive plus en menacer d'autres pour se sentir en sécurité. Il est possible de concevoir un dispositif militaire qui offre les meilleures assurances de sécurité mutuelle. Notre Alliance en a d'ailleurs fait l'expérience positive avec sa structure de défense intégrée; qui parmi vous pourrait sérieusement imaginer que seize Etats souverains et démocratiques puissent un jour décider de lancer une attaque ou de la soutenir?

Notre objectif est une Europe dans laquelle l'agression ou la menace militaires deviendront matériellement impossibles et politiquement dénuées de sens. A la réunion au sommet de l'OTAN, nous sommes allés résolument de l'avant pour mettre en place les structures propres à garantir cette sécurité de l'Europe.
Tout d'abord, nous voulons instaurer un nouveau dialogue avec votre pays et avec tous les autres membres de l'Organisation du Traité de Varsovie. Nous avons invité le président Gorbatchev à prendre la parole devant le Conseil de l'Atlantique Nord à Bruxelles; j'ai eu le plaisir de lui transmettre personnellement cette invitation à Moscou au mois de juillet, et il l'a volontiers acceptée. A la suite de la récente visite de votre ministre des Affaires étrangères, M. Dientsbier, au siège de l'OTAN, nous espérons vivement pouvoir y accueillir le président Havel.

Nous avons proposé l'établissement de liaisons diplomatiques avec l'OTAN, et la Tchécoslovaquie a répondu favorablement à cette proposition. Nous comptons également multiplier les contacts et les échanges militaires aussi bien que diplomatiques. Nous avons proposé la signature d'une déclaration commune de non-agression entre les pays membres de l'OTAN et ceux de l'Organisation du Traité de Varsovie.

Ensuite, nous poursuivons le processus de maîtrise des armements avec vigueur et détermination. La conclusion d'un accord sur la maîtrise des armements conventionnels permettra aux anciens adversaires des deux alliances de se débarrasser du syndrome de la confrontation. Il constituera donc la première étape indispensable vers l'édification d'une Europe entière et libre; aussi, je compte sur le gouvernement tchécoslovaque pour qu'il nous apporte toute son aide afin que nous puissions maintenant conclure ce Traité. Cet accord jettera les bases de la coopération et de la confiance mutuelle grâce auxquelles nous pourrons construire une paix durable en Europe. Il sera le fondement solide sur lequel devra nécessairement reposer le nouvel ordre européen si l'on veut en assurer la pérennité.

Le processus de maîtrise des armements conventionnels, combiné avec des pourparlers sur les forces nucléaires à courte portée et avec un accord sur des mesures de confiance supplémentaires, donnera à tous les pays européens la garantie que le changement et le renouveau ne porteront atteinte aux intérêts légitimes de personne en matière de sécurité. Ceci est particulièrement important pour l'Union soviétique, qui est votre voisin. On peut comprendre que ce pays craigne de se voir exclu de l'Europe nouvelle, et il subit d'une manière particulièrement aiguë les effets du changement. Il est donc essentiel que nous nous servions du processus de maîtrise des armenents pour convaincre l'Union soviétique qu'elle n'a rien à craindre, mais au contraire tout à gagner d'un processus de changement dont elle est d'ailleurs l'un des principaux initiateurs et qu'elle peut aider à conduire vers sa destination naturelle : une Europe entière et libre.

Enfin, la réunion au sommet de l'OTAN à Londres nous a permis d'exposer nos idées concernant un resserrement des liens entre tous les pays d'Europe par la mise en place de structures de coopération nouvelles ou élargies dans le cadre de la CSCE. La Tchécoslovaquie, elle aussi, accorde bien évidemment une importance cruciale à l'accroissement du rôle de la CSCE dans l'avènement d'un nouvel ordre européen. A cet égard, votre gouvernement a fait un certain nombre de propositions importantes et intéressantes. Au cours des semaines qui nous séparent du Sommet de la CSCE, nous nous efforcerons de faire la synthèse de ces idées dans un concept cohérent.

Pour être efficace, la CSCE doit permettre avant tout de protéger la démocratie et la liberté dans l'Europe tout entière, et s'attaquer aux problèmes liés au passage à des économies de marché performantes. Aussi l'OTAN a-t-elle proposé une série d'initiatives pour renforcer les principes contenus dans l'Acte final d'Helsinki et pour établir de nouvelles formes de coopération. Ces initiatives concernent notamment le droit à des élections libres et loyales, l'engagement de maintenir la primauté du droit, et des directives pour la coopération dans les domaines de l'économie et de l'environnement. En présentant sa demande d'adhésion au Conseil de l'Europe, la Tchécoslovaquie a montré qu'elle attache à ces valeurs la même importance que notre Alliance.

Pour permettre à la CSCE d'accomplir ces tâches, et pour élargir et structurer davantage le dialogue politique, l'OTAN a proposé de nouvelles formes institutionnelles pour la CSCE, et tout particulièrement un programme de consultations régulières de haut niveau entre les gouvernements des Etats membres, des conférences-bilans de la CSCE tous les deux ans, un secrétariat léger pour la CSCE, un centre CSCE pour la prévention des conflits et une assemblée parlementaire de l'Europe. Nous souhaitons que la CSCE soit le lieu où tous les pays d'Europe centrale et orientale puissent participer pleinement avec nous à l'édification du nouvel ordre européen.

Je voudrais cependant, si vous me le permettez, faire une mise en garde s'agissant de la CSCE. Nombreux sont ceux, parmi les pays d'Europe centrale et orientale engagés sur la voie de la démocratie, et aussi parmi les pays membres de l'Alliance, qui considèrent que la CSCE est appelée à se substituer aux organisations de sécurité existantes. Je m'abstiendrai de parler de l'Organisation du Traité de Varsovie, dont le maintien dépend naturellement du libre choix de ses membres. Mais je tiens à souligner que l'OTAN, pour ce qui la concerne, demeurera un pilier essentiel sur lequel la CSCE devra fonder sa réussite.

La CSCE peut certainement accroître la sécurité. Mais elle ne saurait remplacer l'Alliance atlantique. Elle n'a pas les moyens de prendre des sanc-tions, ni d'en assurer l'application. Les intérêts de chacun de ses membres, leurs structures sociales et leurs systèmes de valeurs resteront trop divers, au moins dans l'avenir prévisible, pour qu'ils puissent agir collectivement afin de préserver la sécurité en cas de crise. Cela ne diminue en rien l'importance de la CSCE comme cadre de l'instauration de la confiance et de la promotion de la coopération. Elle peut, par exemple, contribuer au règlement pacifique des différends qui peuvent surgir entre Etats à la suite de problèmes concernant des minorités nationales. Et, de fait, nous voyons déjà à quel point de tels différends peuvent engendrer l'instabilité en Europe centrale et orientale. A cet égard, l'introduction dans les textes de loi des engagements sur les droits de l'homme contenus dans l'Acte final d'Helsinki peut marquer un progrès. Dans le même temps, nous allons, car nous le pouvons, élaborer des mesures de confiance et développer des échanges d'informations qui nous permettront de vivre ensemble dans une plus grande harmonie. Mais, en dernière analyse, la CSCE ne tiendra ses promesses que si elle est complémentaire d'une Alliance atlantique forte, sur laquelle elle puisse se reposer. Ainsi, ses chances de succès seront d'autant plus grandes si nous n'y plaçons pas, dès le départ, des espoirs irréalistes.

L'existence d'une nouvelle Alliance atlantique forte et cohérente est de l'intérêt de la Tchécoslovaquie tout autant que de n'importe quel autre pays européen. Elle permet le changement dans la stabilité, et maintient le lien transatlantique avec les Etats-Unis d'Amérique et le Canada. C'est indispensable à la paix, et à la liberté et à la sécurité de l'ensemble de l'Europe.

Cependant, même une institution aussi solidement établie et aussi capable d'adaptation que l'OTAN ne peut supporter à elle seule la charge qu'il faut endosser pour assurer la coopération, la prospérité et le progrès pacifique à travers l'Europe. Heureusement, il y a aussi, pour cela, la Communauté européenne. C'est l'autre composante essentielle de notre cadre institutionnel occidental, et elle connaît, elle aussi, une période de changement et de renouveau dans l'action qu'elle mène pour parvenir à une union encore plus étroite entre ses membres. Si l'OTAN apporte la stabilité et le lien transatlantique, la Communauté européenne apporte le dynanisme, la créativité, et la base d'une interdépendance économique toujours plus fructueuse. De même qu'une CSCE dotée d'un rôle élargi, une Alliance atlantique forte et une Communauté européenne forte sont les conditions préalables à une Europe de progrès et de prospérité. Aucune ne peut réussir sans les autres.

A un moment où nous voyons se transformer l'ensemble du système international, aucun gouvernement, aucune alliance ne peut parfaitement maîtriser les puissantes forces qui rendent le changement inévitable. Mais, en oeuvrant ensemble, nous pouvons orienter ce changement de manière que, à son terme, il n'y ait pas de perdants, et que tous gagnent. Je suis infiniment plus optimiste à cet égard maintenant qu'il y a accord sur l'appartenance d'une
Allemagne unie à notre Alliance. Cette solution est de nature à accroître la stabilité pour tous. Elle ouvre la voie à l'élimination de la division et à l'établissement d'un partenariat entre l'Europe occidentale et les nations ayant récemment engagé un processus de démocratisation, partenariat qui sera un facteur clé dans la modernisation économique et sociale de ces pays.

En bref, l'OTAN voit son rôle futur comme consistant à mettre en place, dans toute l'Europe, de nouvelles structures de coopération qui rendront impossible le retour à une situation semblable à celle de la Guerre froide. Nous voulons travailler avec vous à la gestion des deux tâches cruciales qui s'imposent à l'Europe d'aujourd'hui :

  • promouvoir un changement constructif;

  • assurer la stabilité pour que ce changement puisse se dérouler dans des conditions optimales, avec un moindre risque de retours en arrière ou de revirements.

Il n'est guère besoin que je souligne ici, à Prague, les bénéfices qu'apportera la coopération entre nos pays. Le 21ème siècle nous placera devant de nouveaux défis, dont certains pourraient menacer notre survie encore plus gravement que ne l'avait fait près d'un demi-siècle de Guerre froide. La dégradation de l'environnement est l'un des périls dont votre gouvernement s'inquiète tout particulièrement; le terrorisme est un autre sujet de préoccupation, qui a donné lieu, ces dernières semaines, à des discussions fructueuses entre la Tchécoslovaquie et des pays membres de l'Alliance. Vous mesurez tout aussi bien que nous les risques de déstabilisation que comportent des fléaux tels que la drogue, la faim, la croissance démographique et la prolifération dans le Tiers monde de technologies militaires à énorme pouvoir de destruction. Ainsi, une Europe dynamique, composée de pays industriellement avancés et technologiquement interdépendants, est indispensable, non seulement à notre prospérité matérielle, mais aussi à notre sécurité et à notre stabilité à l'intérieur de nos frontières comme à l'extérieur. Sans une telle cohésion, l'Europe risque bien d'être dépassée par ces défis mondiaux; ensemble, nous pouvons contribuer à y répondre.

La visite que je fais aujourd'hui à Prague, grande cité européenne, symbolise une ère nouvelle; mais c'est aussi une invitation concrète à mettre en commun nos ressources et notre génie propre pour bâtir un monde nouveau, un monde de coopération où aucun d'entre nous ne se sentira menacé. Nous ne pouvons nous dérober à la responsabilité que cette chance exceptionnelle nous impose. La Tchécoslovaquie, qui a tant contribué à notre culture politique et intellectuelle européenne, est un partenaire clé dans l'édification d'une Europe nouvelle et d'un ordre mondial fait de plus de justice et de plus d'égalité. Faisons donc d'aujourd'hui le début de cette nouvelle relation entre nous, et employons-nous ensemble, avec confiance et imagination, à préparer cet avenir meilleur.

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