Prague
6 Septembre
1990
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Construire
une Europe nouvelle
Discours
du Secrétaire générale, Manfred Wörner
au Ministère des Affaires Etrangères
de la République Tchèque et Slovaque
II y a un an, il eût semblé inimaginable qu'un Secrétaire
général de l'OTAN se rende en Tchécoslovaquie en
qualité d'invité officiel de votre gouvernement. Pourtant,
aujourd'hui, la naissance d'une Europe nouvelle fait que ce qui était
naguère impossible paraît maintenant tout à fait naturel;
cette Europe est réunie par une aspiration, sans entraves, à
la liberté, à la démocratie et à la prospérité
économique.
Votre fière nation, toujours fidèle aux traditions de Thomas
Masaryk et Edouard Benès, a joué son rôle dans la
réalisation de ce changement historique. En 1968, le Printemps
de Prague a prouvé que l'amour de vos compatriotes pour la liberté
ne pouvait être étouffé, malgré les années
sombres qui l'ont suivi. Charte 77 et d'autres groupes courageux ont soutenu
avec ténacité les principes de l'Acte Final de la CSCE et
ses dispositions humanitaires, créant ainsi autour d'eux, même
aux pires moments de la répression exercée par l'Etat, une
zone de liberté.
Aujourd'hui, la Tchécoslovaquie s'est engagée dans un audacieux
processus de renouveau démocratique et économique. Nous
savons tous que la tâche ne sera pas facile, mais votre pays a un
long héritage démocratique et une tradition d'entreprise
industrielle qui est de bon augure pour votre succès final. Car
votre nation, par son histoire et sa culture, appartient, dans sa quintessence,
au monde occidental. Avec dynamisme et prévoyance, vos nouveaux
dirigeants apportent la preuve que la Tchécoslovaquie entend également
jouer un rôle clé dans l'édification du nouvel ordre
européen. Leurs propositions visant une nouvelle structure de sécurité
en Europe et leur défense résolue des droits de l'homme
et des libertés sont une source d'inspiration pour nous tous.
Ce n'est pas, bien entendu, seulement dans les relations entre le gouvernement
et le peuple que la Guerre froide est terminée. Nous voyons aussi
dans les rapports entre nations un nouvel esprit de coopération,
un désir commun de ne pas être prisonnier des craintes et
des suspicions auxquelles se sont heurtées toutes les précédentes
tentatives de création d'une famille de nations européenne.
Je dirais même que l'Europe n'a jamais eu une occasion aussi tangible
de sortir du cycle infernal de la paix et de la guerre et de créer
un ordre durable de paix et de prospérité. Notre génération
a le privilège de voir s'offrir à elle cette occasion, unique
dans l'histoire, de prendre un nouveau départ.
Nous, les membres de l'Alliance, sommes résolus à saisir
cette occasion. Certes, et même avec tous les changements auxquels
nous assistons, les craintes et les suspicions du fond des âges,
les images stéréotypées et les idées fausses
ancrées dans la mémoire populaire ne vont pas disparaître
du jour au lendemain. Il est cependant possible d'en triompher, comme
l'a dit avec tant d'éloquence le président Havel. La participation
active de la Tchécoslovaquie à l'Initiative pentagonale
et le rôle qu'elle joue dans la réunion des nouvelles démocraties
de l'Europe centrale montrent également avec quelle rapidité
on peut jeter des ponts surmontant les vieilles divisions. Nous avons
à présent une chance de consacrer notre énergie,
notre imagination et nos ressources financières à l'édification
de ces sociétés démocratiques à économie
de marché qui, nous le savons, sont pacifiques par nature, et nous
offrent ainsi la meilleure garantie d'une stabilité, d'une sécurité
et d'une prospérité durables.
Je suis venu à Prague aujourd'hui porteur d'un message très
simple, celui-là même que j'ai porté à Moscou
au mois de juillet et que je porterai à Varsovie la semaine prochaine;
car il s'agit d'un message que nous adressons avec une égale conviction
à tous nos anciens adversaires, qui sont désormais nos amis
et nos partenaires. Nous vous offrons notre amitié. Nous souhaitons
coopérer avec vous. Le temps de la confrontation est révolu.
Il faut enterrer l'hostilité et la méfiance du passé.
Nous devons travailler ensemble. C'est de cette façon seulement
que nous pourrons édifier la maison commune européenne,
ou la confédération européenne, ou le nouvel ordre
européen - peu importe le nom qu'on lui donne. Nous savons tous
ce que nous entendons par là : une Europe de la démocratie,
des droits de l'homme et du partenariat, dans laquelle le tout renforce
les parties et les parties renforcent le tout. Nous devons avancer ensemble;
sinon, nous serons condamnés à reculer séparément.
Il existe une voie qui nous conduit, au-delà de la confrontation,
vers une Europe entière et libre:
- par l'édification de nouvelles structures de coopération,
d'une nouvelle architecture européenne qui englobe chacun de
nous;
- par des négociations sur la maîtrise des armements en
vue de réduire au maximum nos arsenaux et d'accroître la
stabilité et la confiance mutuelle;
- par une coopération entre nous dans tous les domaines - politique,
économique, scientifique, culturel.
Nous devons considérer d'un oeil nouveau nos objectifs et nos
tâches. C'est ce que notre Alliance atlantique a fait, et continuera
de faire. Lors du Sommet que nous avons tenu à Londres au début
du mois de juillet, nous avons décidé de modifier notre
Alliance de la façon la plus profonde depuis sa création,
il y a quarante et un ans. Un système de confrontation n'offre
pour nous aucun intérêt. Car l'OTAN a un rôle nouveau,
encore plus important, à jouer : celui de pilier d'un ordre de
coopération européen nouveau et pacifique. Dans le cadre
d'un tel ordre, la puissance militaire jouera un rôle moindre; elle
sera moins prépondérante, ne menacera personne et aura pour
vocation de fournir des assurances contre les risques et de prévenir
la guerre.
Comment l'OTAN a-t-elle changé, me demanderez-vous? Quelles mesures
concrètes avons-nous prises?
- Nous réduisons nos budgets de la défense et le niveau
de nos forces;
- nous réexaminons nos structures de forces et modifions notre
stratégie militaire;
- nous abaissons le niveau de préparation de nos unités
d'activé, en réduisant les normes d'entraînement
et le nombre des exercices;
- nous tablons moins sur les forces nucléaires en Europe; nous
avons proposé à l'Union soviétique l'élimination
de toutes les ogives d'artillerie nucléaire présentes
sur ce continent;
- nous avons offert de négocier sur les forces nucléaires
à courte portée en Europe lorsqu'un traité sur
les FCE aura été signé; nous avons déjà
prévu une réunion du Groupe consultatif spécial
de notre Alliance pour élaborer un mandat en vue de ces pourparlers;
- nous avons également offert de passer, dès la conclusion
d'un accord sur les FCE, à de nouvelles négociations dans
le prolongement de cet accord, notamment sur des mesures de limitation
des effectifs en Europe.
Ces changements interviendront à mesure que les forces soviétiques
quitteront le territoire de la Tchécoslovaquie et de la Hongrie,
comme l'URSS l'a déjà accepté, ainsi que le territoire
de l'actuelle RDA au cours de la période de transition qui suivra
la réunification de l'Allemagne. Ces changements dépendront
également de la mise en oeuvre d'un traité sur les FCE qui
offrira à tous les Etats participants de solides garanties contre
l'agression et l'intimidation militaires. L'Alliance atlantique n'entend
pas seulement éliminer les tensions par la réduction des
armements : elle veut aussi accroître la confiance et la transparence.
C'est pourquoi nous mettons tout en oeuvre pour obtenir la conclusion
d'un accord sur le régime du "Ciel ouvert"; nous proposons
l'ouverture de discussions sur la stratégie et la doctrine militaires.
Nous souhaitons avant toute chose que la sécurité soit débattue
et définie en commun.
Aucun pays ne peut aujourd'hui assurer sa sécurité à
lui seul ou en s'isolant de ses voisins. Les pays qui recherchent une
sécurité absolue par des efforts individuels ne font que
créer l'insécurité autour d'eux. Nous ne devons donc
plus jamais ramener la sécurité européenne au niveau
purement national. La véritable sécurité ne peut
d'ailleurs s'obtenir que par la coopération et le partage.
Il ne faut pas en déduire, évidemment, que les pays de
l'OTAN ou tout autre pays européen doivent rester sans défense.
Nous vivons, en effet, dans un monde fait d'incertitudes, qui comporte
de nombreux risques et facteurs d'instabilité. La crise actuelle
dans le Golfe persique nous le rappelle pour de bon. Elle ne s'apparente
pas aux précédents conflits régionaux où seuls
les intérêts de quelques pays étaient directement
en cause; il ne s'agit pas davantage d'une crise dont le pétrole
est l'enjeu exclusif ni même essentiel. Si notre objectif commun
- à savoir la restauration du gouvernement légitime du Koweït
et la libération de tous les otages - n'est pas atteint, c'est
l'ensemble de la communauté internationale qui se trouvera exposée
à un grave danger, celui du précédent créé
par un pays, grand et puissant, qui annexe avec cynisme un pays voisin
plus petit, et aussi - ce qui est plus inquiétant encore - d'une
agression victorieuse qui ne manquera pas de nourrir les ambitions de
dictatures qui ont de plus en plus accès aux technologies de destruction
massive.
Il est donc crucial, non seulement pour le Koweït et la paix au
Proche-Orient, mais aussi pour notre action commune qui vise à
instaurer un ordre international plus durable et plus juste au lendemain
de la Guerre froide, que les sanctions imposées par les Nations
Unies à l'encontre de l'Irak soient suivies d'effets. Tous les
pays de l'Alliance sont déterminés à préserver
leur solidarité, et nous mettrons tout en oeuvre pour unir toujours
plus nos efforts à ceux de l'Organisation des Nations Unies, qui
a retrouvé son efficacité comme garant du droit international
et de la stabilité à l'échelle mondiale. Je salue
la ferme attitude que la Tchécoslovaquie a adoptée face
à la crise, et je ne doute pas que nous pourrons continuer d'oeuvrer
ensemble pour prouver à l'Irak - et à tous les autres belligérants
potentiels - que l'agression brutale est vouée à l'échec.
Notre Alliance doit maintenir une défense solide, et nous n'en
attendons pas moins des autres pays. L'OTAN conservera en Europe une combinaison
de forces conventionnelles et nucléaires qui sera l'ultime garant
de la paix. Notre objectif est cependant clair : nous voulons réduire
les forces armées en Europe à un niveau minimum, de telle
sorte qu'aucun pays ne doive plus en menacer d'autres pour se sentir en
sécurité. Il est possible de concevoir un dispositif militaire
qui offre les meilleures assurances de sécurité mutuelle.
Notre Alliance en a d'ailleurs fait l'expérience positive avec
sa structure de défense intégrée; qui parmi vous
pourrait sérieusement imaginer que seize Etats souverains et démocratiques
puissent un jour décider de lancer une attaque ou de la soutenir?
Notre objectif est une Europe dans laquelle l'agression ou la menace
militaires deviendront matériellement impossibles et politiquement
dénuées de sens. A la réunion au sommet de l'OTAN,
nous sommes allés résolument de l'avant pour mettre en place
les structures propres à garantir cette sécurité
de l'Europe.
Tout d'abord, nous voulons instaurer un nouveau dialogue avec votre pays
et avec tous les autres membres de l'Organisation du Traité de
Varsovie. Nous avons invité le président Gorbatchev à
prendre la parole devant le Conseil de l'Atlantique Nord à Bruxelles;
j'ai eu le plaisir de lui transmettre personnellement cette invitation
à Moscou au mois de juillet, et il l'a volontiers acceptée.
A la suite de la récente visite de votre ministre des Affaires
étrangères, M. Dientsbier, au siège de l'OTAN, nous
espérons vivement pouvoir y accueillir le président Havel.
Nous avons proposé l'établissement de liaisons diplomatiques
avec l'OTAN, et la Tchécoslovaquie a répondu favorablement
à cette proposition. Nous comptons également multiplier
les contacts et les échanges militaires aussi bien que diplomatiques.
Nous avons proposé la signature d'une déclaration commune
de non-agression entre les pays membres de l'OTAN et ceux de l'Organisation
du Traité de Varsovie.
Ensuite, nous poursuivons le processus de maîtrise des armements
avec vigueur et détermination. La conclusion d'un accord sur la
maîtrise des armements conventionnels permettra aux anciens adversaires
des deux alliances de se débarrasser du syndrome de la confrontation.
Il constituera donc la première étape indispensable vers
l'édification d'une Europe entière et libre; aussi, je compte
sur le gouvernement tchécoslovaque pour qu'il nous apporte toute
son aide afin que nous puissions maintenant conclure ce Traité.
Cet accord jettera les bases de la coopération et de la confiance
mutuelle grâce auxquelles nous pourrons construire une paix durable
en Europe. Il sera le fondement solide sur lequel devra nécessairement
reposer le nouvel ordre européen si l'on veut en assurer la pérennité.
Le processus de maîtrise des armements conventionnels, combiné
avec des pourparlers sur les forces nucléaires à courte
portée et avec un accord sur des mesures de confiance supplémentaires,
donnera à tous les pays européens la garantie que le changement
et le renouveau ne porteront atteinte aux intérêts légitimes
de personne en matière de sécurité. Ceci est particulièrement
important pour l'Union soviétique, qui est votre voisin. On peut
comprendre que ce pays craigne de se voir exclu de l'Europe nouvelle,
et il subit d'une manière particulièrement aiguë les
effets du changement. Il est donc essentiel que nous nous servions du
processus de maîtrise des armenents pour convaincre l'Union soviétique
qu'elle n'a rien à craindre, mais au contraire tout à gagner
d'un processus de changement dont elle est d'ailleurs l'un des principaux
initiateurs et qu'elle peut aider à conduire vers sa destination
naturelle : une Europe entière et libre.
Enfin, la réunion au sommet de l'OTAN à Londres nous a
permis d'exposer nos idées concernant un resserrement des liens
entre tous les pays d'Europe par la mise en place de structures de coopération
nouvelles ou élargies dans le cadre de la CSCE. La Tchécoslovaquie,
elle aussi, accorde bien évidemment une importance cruciale à
l'accroissement du rôle de la CSCE dans l'avènement d'un
nouvel ordre européen. A cet égard, votre gouvernement a
fait un certain nombre de propositions importantes et intéressantes.
Au cours des semaines qui nous séparent du Sommet de la CSCE, nous
nous efforcerons de faire la synthèse de ces idées dans
un concept cohérent.
Pour être efficace, la CSCE doit permettre avant tout de protéger
la démocratie et la liberté dans l'Europe tout entière,
et s'attaquer aux problèmes liés au passage à des
économies de marché performantes. Aussi l'OTAN a-t-elle
proposé une série d'initiatives pour renforcer les principes
contenus dans l'Acte final d'Helsinki et pour établir de nouvelles
formes de coopération. Ces initiatives concernent notamment le
droit à des élections libres et loyales, l'engagement de
maintenir la primauté du droit, et des directives pour la coopération
dans les domaines de l'économie et de l'environnement. En présentant
sa demande d'adhésion au Conseil de l'Europe, la Tchécoslovaquie
a montré qu'elle attache à ces valeurs la même importance
que notre Alliance.
Pour permettre à la CSCE d'accomplir ces tâches, et pour
élargir et structurer davantage le dialogue politique, l'OTAN a
proposé de nouvelles formes institutionnelles pour la CSCE, et
tout particulièrement un programme de consultations régulières
de haut niveau entre les gouvernements des Etats membres, des conférences-bilans
de la CSCE tous les deux ans, un secrétariat léger pour
la CSCE, un centre CSCE pour la prévention des conflits et une
assemblée parlementaire de l'Europe. Nous souhaitons que la CSCE
soit le lieu où tous les pays d'Europe centrale et orientale puissent
participer pleinement avec nous à l'édification du nouvel
ordre européen.
Je voudrais cependant, si vous me le permettez, faire une mise en garde
s'agissant de la CSCE. Nombreux sont ceux, parmi les pays d'Europe centrale
et orientale engagés sur la voie de la démocratie, et aussi
parmi les pays membres de l'Alliance, qui considèrent que la CSCE
est appelée à se substituer aux organisations de sécurité
existantes. Je m'abstiendrai de parler de l'Organisation du Traité
de Varsovie, dont le maintien dépend naturellement du libre choix
de ses membres. Mais je tiens à souligner que l'OTAN, pour ce qui
la concerne, demeurera un pilier essentiel sur lequel la CSCE devra fonder
sa réussite.
La CSCE peut certainement accroître la sécurité.
Mais elle ne saurait remplacer l'Alliance atlantique. Elle n'a pas les
moyens de prendre des sanc-tions, ni d'en assurer l'application. Les intérêts
de chacun de ses membres, leurs structures sociales et leurs systèmes
de valeurs resteront trop divers, au moins dans l'avenir prévisible,
pour qu'ils puissent agir collectivement afin de préserver la sécurité
en cas de crise. Cela ne diminue en rien l'importance de la CSCE comme
cadre de l'instauration de la confiance et de la promotion de la coopération.
Elle peut, par exemple, contribuer au règlement pacifique des différends
qui peuvent surgir entre Etats à la suite de problèmes concernant
des minorités nationales. Et, de fait, nous voyons déjà
à quel point de tels différends peuvent engendrer l'instabilité
en Europe centrale et orientale. A cet égard, l'introduction dans
les textes de loi des engagements sur les droits de l'homme contenus dans
l'Acte final d'Helsinki peut marquer un progrès. Dans le même
temps, nous allons, car nous le pouvons, élaborer des mesures de
confiance et développer des échanges d'informations qui
nous permettront de vivre ensemble dans une plus grande harmonie. Mais,
en dernière analyse, la CSCE ne tiendra ses promesses que si elle
est complémentaire d'une Alliance atlantique forte, sur laquelle
elle puisse se reposer. Ainsi, ses chances de succès seront d'autant
plus grandes si nous n'y plaçons pas, dès le départ,
des espoirs irréalistes.
L'existence d'une nouvelle Alliance atlantique forte et cohérente
est de l'intérêt de la Tchécoslovaquie tout autant
que de n'importe quel autre pays européen. Elle permet le changement
dans la stabilité, et maintient le lien transatlantique avec les
Etats-Unis d'Amérique et le Canada. C'est indispensable à
la paix, et à la liberté et à la sécurité
de l'ensemble de l'Europe.
Cependant, même une institution aussi solidement établie
et aussi capable d'adaptation que l'OTAN ne peut supporter à elle
seule la charge qu'il faut endosser pour assurer la coopération,
la prospérité et le progrès pacifique à travers
l'Europe. Heureusement, il y a aussi, pour cela, la Communauté
européenne. C'est l'autre composante essentielle de notre cadre
institutionnel occidental, et elle connaît, elle aussi, une période
de changement et de renouveau dans l'action qu'elle mène pour parvenir
à une union encore plus étroite entre ses membres. Si l'OTAN
apporte la stabilité et le lien transatlantique, la Communauté
européenne apporte le dynanisme, la créativité, et
la base d'une interdépendance économique toujours plus fructueuse.
De même qu'une CSCE dotée d'un rôle élargi,
une Alliance atlantique forte et une Communauté européenne
forte sont les conditions préalables à une Europe de progrès
et de prospérité. Aucune ne peut réussir sans les
autres.
A un moment où nous voyons se transformer l'ensemble du système
international, aucun gouvernement, aucune alliance ne peut parfaitement
maîtriser les puissantes forces qui rendent le changement inévitable.
Mais, en oeuvrant ensemble, nous pouvons orienter ce changement de manière
que, à son terme, il n'y ait pas de perdants, et que tous gagnent.
Je suis infiniment plus optimiste à cet égard maintenant
qu'il y a accord sur l'appartenance d'une
Allemagne unie à notre Alliance. Cette solution est de nature à
accroître la stabilité pour tous. Elle ouvre la voie à
l'élimination de la division et à l'établissement
d'un partenariat entre l'Europe occidentale et les nations ayant récemment
engagé un processus de démocratisation, partenariat qui
sera un facteur clé dans la modernisation économique et
sociale de ces pays.
En bref, l'OTAN voit son rôle futur comme consistant à mettre
en place, dans toute l'Europe, de nouvelles structures de coopération
qui rendront impossible le retour à une situation semblable à
celle de la Guerre froide. Nous voulons travailler avec vous à
la gestion des deux tâches cruciales qui s'imposent à l'Europe
d'aujourd'hui :
- promouvoir un changement constructif;
- assurer la stabilité pour que ce changement puisse se dérouler
dans des conditions optimales, avec un moindre risque de retours en
arrière ou de revirements.
Il n'est guère besoin que je souligne ici, à Prague, les
bénéfices qu'apportera la coopération entre nos pays.
Le 21ème siècle nous placera devant de nouveaux défis,
dont certains pourraient menacer notre survie encore plus gravement que
ne l'avait fait près d'un demi-siècle de Guerre froide.
La dégradation de l'environnement est l'un des périls dont
votre gouvernement s'inquiète tout particulièrement; le
terrorisme est un autre sujet de préoccupation, qui a donné
lieu, ces dernières semaines, à des discussions fructueuses
entre la Tchécoslovaquie et des pays membres de l'Alliance. Vous
mesurez tout aussi bien que nous les risques de déstabilisation
que comportent des fléaux tels que la drogue, la faim, la croissance
démographique et la prolifération dans le Tiers monde de
technologies militaires à énorme pouvoir de destruction.
Ainsi, une Europe dynamique, composée de pays industriellement
avancés et technologiquement interdépendants, est indispensable,
non seulement à notre prospérité matérielle,
mais aussi à notre sécurité et à notre stabilité
à l'intérieur de nos frontières comme à l'extérieur.
Sans une telle cohésion, l'Europe risque bien d'être dépassée
par ces défis mondiaux; ensemble, nous pouvons contribuer à
y répondre.
La visite que je fais aujourd'hui à Prague, grande cité
européenne, symbolise une ère nouvelle; mais c'est aussi
une invitation concrète à mettre en commun nos ressources
et notre génie propre pour bâtir un monde nouveau, un monde
de coopération où aucun d'entre nous ne se sentira menacé.
Nous ne pouvons nous dérober à la responsabilité
que cette chance exceptionnelle nous impose. La Tchécoslovaquie,
qui a tant contribué à notre culture politique et intellectuelle
européenne, est un partenaire clé dans l'édification
d'une Europe nouvelle et d'un ordre mondial fait de plus de justice et
de plus d'égalité. Faisons donc d'aujourd'hui le début
de cette nouvelle relation entre nous, et employons-nous ensemble, avec
confiance et imagination, à préparer cet avenir meilleur.
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