Bruxelles
17 mai
1990
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L'Alliance
Atlantique et la Sécurité Européenne dans les années
1990
Discours
du Secrétaire générale, Manfred Wörner
prononcé devant le Bremer Tabaks Collegium
L'Histoire n'est pas un long fleuve tranquille. Elle passe par des phases
de ralentissement et d'accélération, des phases au cours desquelles
les événements se pressent et vont même, parfois, jusqu'à
s'emballer. Nous vivons actuellement l'une de ces phases où l'Histoire
se fait plus dense. Le visage de l'Europe se transforme radicalement. L'Europe
est à la recherche d'une forme nouvelle. Nous n'en connaissons encore
aucun élément définitif, mais ses premiers contours
se dessinent pourtant déjà.
Comme toujours dans de telles périodes de transition, on voit
s'ouvrir des chances et des perspectives nouvelles et audacieuses, mais
des risques et des dangers nouveaux nous guettent au bord de la route.
Les chances
Concrétiser notre vision d'une Europe libre et unie, dotée
d'une plus grande sécurité et durablement plus pacifique.
En fait, il importe peu de trouver une appellation : ordre de paix européen,
maison commune européenne, confédération européenne.
Ce qui importe c'est le contenu proprement dit, à savoir : droits
de l'homme et droit à des élections libres pour tous les
citoyens, égalité devant la loi, ouverture des frontières,
autodétermination, démocratie et protection des minorités.
C'est sur ces points que nous devons insister. Les discussions actuelles
sur un nouvel ordre de sécurité se polarisent trop sur des
questions de procédure et de structure. En réalité,
il serait plus important de mettre l'accent sur le fond même d'un
tel ordre. Sa substance est déjà présente dans les
trois Corbeilles de la CSCE qu'il faut encore enrichir et rendre juridiquement
contraignantes.
Il s'agit des valeurs universelles sur lesquelles s'est construite notre
communauté de valeurs atlantique dès son origine. Ces valeurs
viennent d'entamer - et vont, espérons le, poursuivre longtemps
- leur marche triomphale à travers le monde. L'élan vers
la liberté, la démocratie et un ordre économique
libéral et ouvert aux forces du marché est le moteur du
processus historique que nous traversons. La mission historique qui incombe
à notre génération est d'encourager cette dynamique,
d'adapter le cours de l'Histoire à notre vision et de lui donner
la stabilité nécessaire. Elle définit le rôle
fondamental de notre Alliance atlantique, communauté de destin
et d'action devenue une référence dans le monde libre.
Les risques
Mais les risques de bouleversement des Etats en Europe sont incalculables.
L'instabilité de l'évolution tant intérieure qu'extérieure
peut aller jusqu'au danger d'effondrement. L'instauration de la démocratie
et l'introduction des réformes économiques en Europe du
Centre et de l'Est posent d'énormes problèmes. D'anciennes
rivalités nationales et ethniques que l'on croyait dépassées
depuis longtemps se réveillent, et des problèmes de frontières
et de minorités éclatent à nouveau. Nul ne sait ce
qui se passera demain en Union soviétique, avec en toile de fond
un potentiel militaire toujours impressionnant. A cela s'ajoutent, dans
le tiers monde, les dangers résultant de la diffusion de la technologie
des missiles, des armes chimiques et nucléaires. Un monde éternellement
en paix reste une illusion séduisante. Pourtant, la politique de
puissance continue à déterminer le cours des choses. L'autre
partie de notre mission actuelle est d'agir sur ces dangers et d'atténuer
les risques, voire de les supprimer.
Les deux grandes organisations de concertation mises en place dans le
monde occidental - l'Alliance atlantique et la Communauté européenne
- sont absolument indispensables à l'accomplissement des deux parties
de notre mission historique. Dans cette phase de notre histoire, nous
avons besoin plus que jamais d'union, de stabilité et de coopération
avec les Etats-Unis. Sans l'Alliance atlantique, il n'y a ni cohésion
ni unité du monde libre, il n'y a pas non plus d'association transatlantique,
ni de sécurité et de stabilité. Sans la Communauté
européenne, il n'y a pas de croissance harmonieuse de l'Europe,
pas de prospérité économique, pas de dynamique.
L'OTAN et la Communauté européenne
II n'y a aucune rivalité entre l'Alliance atlantique et la Communauté
européenne. Elles se complètent l'une l'autre et agissent
ensemble. Les points sur lesquels leurs domaines de compétences
se recoupent appellent une coor-dination, mais pas d'institutions nouvelles.
Cette coordination se fait par les Etats membres des deux Organisations
et par des contacts informels entre la Commission de la Communauté
et le Secrétariat international de l'OTAN.
L'Alliance atlantique a intérêt à voir une Europe
plus forte et plus unie - allant jusqu'à l'uni on politique et
englobant même la sécurité - se développer
dans un cadre de sécurité atlantique. Et cela d'autant plus
que nous devons faire face à d'énormes tâches qui
exigent le regroupement et non l'éparpillement des forces du monde
libre occidental comprenant l'Amérique du Nord.
Les tâches à accomplir
Les tâches les plus importante sont les suivantes :
- Apporter notre concours aux pays d'Europe du Centre et de l'Est pour
la mise en place de la démocratie et de l'économie. Sans
nous, ils n'y parviendront pas.
- Aider Gorbatchev et les forces réformistes à poursuivre
les réformes dans la voie de la démocratie, la liberté,
le pluralisme et l'économie de marché.
- Construire un ordre de sécurité paneuropéen.
- Ancrer solidement une Allemagne unie dans cet ordre de sécurité,
ainsi que dans les structures de l'Ouest - Communauté européenne
et OTAN.
- Elargir le processus du désarmement et l'accélérer.
- Continuer d'exclure l'éventualité de la guerre et rendre
inutile toute menace de recours à la force.
Comment pourrions-nous faire face à ces tâches, si nous
abandonnons l'Alliance atlantique et si nous la laissons se dissoudre
? Ce serait une erreur historique fatale.
En effet, l'Alliance atlantique :
- a sorti les Etats-Unis de l'isolationnisme pour les amener à
prendre un engagement durable envers la paix et la stabilité
en Europe, conduite qu'elle maintiendra à l'avenir;
- a réussi à tenir en échec la supériorité
militaire de l'Union soviétique en Europe;
- a transformé les armes nucléaires en instruments de
dissuasion. On peut certes réduire les armes nucléaires
par le désarmement, mais il est impossible de nier leur existence;
c'est pourquoi les Européens seraient bien avisés de conserver
la structure de contrôle que représente l'Alliance.
Modèle de gestion de la sécurité : du maintien de
la paix à l'organisation de la paix
L'Alliance atlantique est devenue un modèle exceptionnel de gestion
collective de la sécurité réalisé entre pays
libres. Elle a établi une association à la fois politique
et militaire entre des Etats souverains. C'est là une des raisons
essentielles de son succès dans l'instauration de la paix. Il s'agit
maintenant de passer du maintien de la paix à l'organisation de
la paix.
Le cadre stabilisateur de l'Alliance a également joué un
rôle à l'extérieur en protégeant les Etats
européens neutres; les nouveaux Etats démocratiques d'Europe
du Centre et de l'Est reconnaissent d'ailleurs que, sans l'OTAN, ils n'auraient
pu regagner leur indépendance et leur liberté et qu'ils
ne pourraient pas non plus les conserver.
Sans la stabilité qu'offre notre Alliance, l'Europe pourrait à
nouveau se montrer sensible aux renversements des alliances et à
la politique de puissance du passé. La sécurité se
trouverait "renationalisée". Mais les enseignements de
l'histoire européenne sont sans équivoque, s'agissant de
la recherche d'une sécurité isolée par des Etats
individuels.
Le défi que nous avons à relever est d'élargir le
champ de la sécurité sans la diminuer. Ni la Communauté
européenne ni la CSCE ne peuvent, isolément ou ensemble,
se substituer à l'Alliance atlantique pour garantir la stabilité
et la liberté de l'Europe tout entière. Seule l'Alliance
atlantique peut lier les Etats-Unis et le Canada à l'Europe, elle
seule peut assurer que le changement s'instaurera sans crainte de revers
ou de volte-face. Elle seule peut coordonner la stratégie globale
de l'Occident pour la paix et la garantie des valeurs démocratiques
dans une Europe nouvelle. Elle seule peut ancrer à l'Ouest une
Allemagne unie dans des conditions de sécurité maximales
pour ce pays et pour ses voisins.
Ordre de sécurité européen
La tâche primordiale de la prochaine décennie est la mise
en place d'un ordre de sécurité européen qui englobe
l'Union soviétique et les Etats du pacte de Varsovie. L'Union soviétique
aura un rôle important à jouer dans la con-struction de cet
ordre de sécurité. Si l'on considère la situation
de l'Union soviétique, qui se retrouve pratiquement sans alliés
véritables, il est compréhensible et justifié qu'elle
ne souhaite pas être écartée de l'Europe.
Dans ce cadre européen, l'une des tâches à accomplir
est d'organiser une association de sécurité des Etats européens
qui aille au-delà de l'affrontement de la guerre froide pour passer
de la confrontation à la coopération. Deux solutions sont
en présence : une structure de sécurité collective
qui absorbera les alliances existantes, et une organisation de sécurité
en coopération qui se fondera sur les structures existantes - l'Alliance
atlantique et la Communauté européenne pour se surimposer
à elles, les relier et les compléter.
Pour nous, cette dernière solution est la seule valable, l'Histoire
nous ayant enseigné qu'un système de sécurité
collective ne fonctionne que lorsqu'il y a concordance d'intérêts
entre les Etats en présence. Si chacun est le garant de la sécurité
de tous, en cas de conflit il n'y a plus de garantie pour personne. Un
système de sécurité collective repose sur l'hypothèse
d'une bonne volonté durable de toutes les parties. Il ne fonctionne,
en fait, que jusqu'au moment où
il est véritablement mis à l'épreuve, et il s'effondre
alors dans l'affrontement des alliances et des pactes. La Société
des nations nous en a fourni un excellent exemple. Il s'agit donc de construire
le futur ordre de sécurité européen sur les structures
existantes et de perfectionner les formes de coopération dont nous
disposons.
Divers éléments permettront la mise en place d'un tel ordre
:
- La CSCE
La CSCE nous offre les grandes lignes d'une future architecture de sécurité.
Sous son égide, les 35 Etats participants peuvent façonner
leurs relations dans un esprit de communauté et de collaboration
concrète. Il faut donc l'étoffer, l'enrichir de nouveaux
éléments - tels ceux du droit à des élections
libres - et institutionnaliser le processus. La CSCE pourrait alors servir
de cadre à des consultations régulières sur la politique
de sécurité, les mesures de confiance, la prévention
des crises et le règlement pacifique des conflits.
Aussi faut-il élargir le processus de désarmement et le
poursuivre de telle sorte qu'aucun Etat ou groupe d'Etats en Europe ne
se trouvent plus jamais en mesure d'exercer une menace militaire, ou n'aient
même de chances de lancer une attaque avec succès.
- La Communauté européenne
C'est le modèle le plus porteur d'avenir et le plus prestigieux
d'une intégration d'Etats ayant pour objectif l'union politique
et pour perspective l'association d'autres Etats européens, voire
la réalisation d'une confédération européenne.
- L'Alliance atlantique
Nous avons là le modèle exemplaire d'une alliance de seize
Etats libres et souverains, engagés dans la défense collective
de leur sécurité. Cette alliance, solidaire et unie, pourra,
même dans l'avenir, accomplir sa mission. Ce n'est pas le cas de
la CSCE, qui n'a pas les moyens de décréter et de faire
exécuter des sanctions. Chacun des 35 Etats dispose d'un droit
de veto. L'éventail des intérêts, la structure des
sociétés et les systèmes de valeur de ces pays sont
trop différents pour qu'ils puissent, en cas de crise, garantir
conjointement la sécurité et l'imposer, surtout si un ou
plusieurs d'entre eux sont parties à ce conflit. L'importance de
la CSCE, comme cadre propre à créer la confiance n'en est
en rien diminuée. Mais la CSCE ne peut se substituer à l'Alliance
atlantique, qui restera un pilier essentiel de la future structure européenne
de sécurité.
Appartenance de l'Allemagne
L'autre tâche primordiale consiste à ancrer solidement une
Allemagne unie dans les structures d'alliance de l'Occident, c'est-à-dire
la Communauté européenne et l'OTAN.
La politique de notre Alliance repose sur trois principes :
- Nous n'accepterons pas qu'une Allemagne unie soit neutre ou indépendante
des blocs. Cette formule entraînerait la déstabilisation
de l'Europe, qu'elle rejetterait à l'ère de la politique
des équilibres entre les Etats-nations et du système d'alliances
et de contre-alliances.
- L'Allemagne unie ne devra pas faire l'objet de discriminations qui
pourraient ultérieurement conduire au désastre. Là
aussi, le spectre de l'histoire se profile.
- II s'agit de trouver des solutions qui respectent les intérêts
de sécurité légitimes de tous les participants,
y compris des Soviétiques. J'insiste : tous les participants
- c'est-à-dire pas seulement l'URSS. L'Union soviétique
est en mesure et en droit d'attendre que le processus d'unification
et l'appartenance de toute l'Allemagne à l'Alliance atlantique
ne portent pas atteinte à sa sécurité. Mais il
est tout aussi vrai qu'elle ne peut pas attendre que nous mettions l'OTAN
en sommeil, lui accordant ainsi ce qu'elle n'a jamais pu obtenir, même
à l'apogée de sa puissance. L'Occident ne peut pas, pour
compenser l'érosion du Pacte de Varsovie, amputer l'Alliance
atlantique ou la dissoudre, mais seulement adopter des mesures de sécurité
qui dépassent l'Alliance, c'est-à-dire intégrer
l'Union soviétique dans une Europe de la coopération.
Nous procédons actuellement à un examen de notre stratégie,
de notre potentiel nucléaire et conventionnel et des missions de
l'Alliance, en vue de les adapter aux nouvelles circonstances. Nul ne
peut cependant escompter que nous dépouillerons l'OTAN de la pièce
maîtresse de sa sécurité et de sa capacité
de prévenir la guerre. Notre stratégie, comme notre alliance,
sont exclusivement défensives. Elles ne menacent ni ne menaceront
personne. Nous n'utiliserons jamais nos armes en premier. Nous sommes
favorables à un désarmement d'envergure, allant jusqu'au
minimum inaliénable pour notre propre sécurité. Cela
vaut aussi pour une Allemagne unie, membre de l'OTAN. Cette affirmation
et l'assurance que les troupes de l'OTAN ne dépasseront pas le
territoire de la République fédérale d'Allemagne,
offrent à l'Union soviétique de solides garanties de sécurité.
On peut en outre imaginer que, pendant une période de transition,
des troupes soviétiques, en nombre réduit, resteront stationnées
sur le territoire de l'actuelle RDA. Cette formule répondra au
souhait de l'Union soviétique de ne pas voir modifié le
rapport des forces. Il est faux de prétendre, comme le font les
hommes politiques soviétiques, que l'appartenance de l'Allemagne
à l'OTAN serait facteur d'instabilité. C'est l'inverse qui
est vrai. L'Europe - et donc aussi l'Union soviétique - y gagne
en stabilité. Qui plus est, cette dernière trouve également
à l'Ouest de véritables partenaires prêts à
coopérer. Nous ne pensons plus en termes d'ami-ennemi et de confrontation.
Nous n'avons pas besoin d'ennemi, nous n'avons pas besoin de cette image.
Nous ne voyons pas dans l'Union soviétique l'ennemi - nous souhaitons
qu'elle devienne pour nous un partenaire dans les questions de sécurité.
A l'inverse, nous attendons qu'elle ne considère pas notre Alliance
comme un bloc militaire dirigé contre elle ou même menaçant
sa sécurité mais comme un instrument de stabilité
sans exclusive et ouvert à la coopération, dans un futur
ordre de sécurité supérieur. Nous n'exigeons rien
de l'Union soviétique qui puisse lui causer un préjudice.
Ce que nous lui proposons est dans son intérêt. Je suis certain
que cette conception fera son chemin à Moscou, d'autant que les
autres pays du pacte de Varsovie partagent notre vision de la situation.
Rôle politique
Tout ceci montre bien l'importance du rôle politique de l'OTAN
dans l'avenir. Ce rôle ne doit pas être inventé de
toutes pièces. Depuis sa création, l'Alliance atlantique
est plus qu'une simple alliance militaire, même si le militaire
a pris le pas sur le politique au temps de la guerre froide. Elle était
déjà une communauté de valeurs et une communauté
de destin d'Etats libres. Elle l'est aujourd'hui plus que jamais. De ce
fait, de nouvelles tâches politiques surgissent, face aux bouleversements
actuels.
- Communauté de destin, l'Alliance doit coordonner la politique
des Etats membres :
- Façonner les relations Est-Ouest.
- Contribuer à l'instauration d'une nouvelle Europe, démocratique
et consacrant l'état de droit.
- Orienter la maîtrise des armements et en vérifier l'application.
- Communauté de valeurs, elle doit :
- Façonner les relations entre les pays occidentaux, c'est-à-dire
préserver le lien transatlantique.
- Harmoniser les divers intérêts des Etats membres et
leur trouver un dénominateur commun.
- Aborder les nouveaux problèmes qui se posent dans le domaine
de la sécurité et mettre au point des solutions communes.
- En bref : organiser la paix.
Si important que soit l'élément politique dans le caractère
et les tâches de l'Alliance atlantique, on ne peut et on ne doit
pas se cacher que le maintien de la paix reste la pierre angulaire des
efforts à déployer pour organiser la paix.
Défense
Ni la politique de détente, ni la maîtrise des armements,
ni la diplomatie ne peuvent à elles seules prévenir la guerre.
L'effort militaire, que traduit une défense cohérente et
crédible, est indispensable. C'est pourquoi l'Alliance atlantique
demeure aussi une alliance défensive. Même si la menace d'une
attaque directe de l'Union soviétique ne se profile pas actuellement,
il subsiste des risques non négligeables, dont nous devons nous
protéger. La situation en Union soviétique est extrêmement
instable. Nous ne pouvons pas fonder notre
sécurité uniquement sur les bonnes intentions d'un dirigeant
soviétique. Les personnes et les intentions peuvent changer. L'Union
soviétique conserve un potentiel militaire énorme, et quoi
qu'il puisse arriver, elle restera la puissance militaire dominante du
continent eurasiatique. Si nous baissions notre garde ou si nous laissions
notre Alliance se dissoudre, la tentation serait forte, en cas de crise,
d'employer la force contre nous ou du moins de nous en menacer. Qui prendrait
une telle responsabilité ?
Parce qu'il est le garant de la paix et un élément nécessaire
de la gestion de crise, notre dispositif de défense reste inaliénable.
La guerre, à la fin du 20ème siècle, serait un tel
cataclysme que nous ne pouvons pas nous employer moins sérieusement
à la prévenir sous prétexte qu'elle est moins vraisemblable.
D'ailleurs, la modification de la menace et le désarmement nous
permettent d'adapter aux nouvelles circonstances notre dispositif, nos
plans et notre stratégie de défense. Nous avons déjà
commencé. Nos réunions ministérielles - qui culmineront,
cet été, avec l'organisation d'un Sommet au début
du mois de juillet - montreront la voie à suivre.
Nous allons réexaminer notre stratégie et l'adapter à
l'évolution des circonstances. Nous allons réduire sensiblement
le type et le nombre de nos armes nucléaires et nous allons prendre
l'initiative également dans le domaine du désarmement nucléaire.
Nous pourrons désormais prévenir la guerre et assurer notre
défense en réduisant le nombre des soldats et les armes,
le niveau de préparation, notre présence mais en faisant
une plus large part à la mobilisation. Nous modifierons les modalités
de mise en oeuvre de notre principe stratégique de défense
en avant. Les moyens électroniques de reconnaissance et de commandement
seront plus déterminants. Les groupements multinationaux prendront
plus d'importance. Nous nous efforcerons, dans la poursuite des négociations
sur le désarmement avec les Soviétiques, de parvenir à
un accord sur un concept de dissuasion minimale. Cependant, un minimum
d'armes nucléaires sera toujours indispensable à l'avenir
pour prévenir la guerre. La dénucléarisation de l'Allemagne
ou même de toute l'Europe nous exposerait au chantage nucléaire
et rendrait une guerre conventionnelle de nouveau possible. L'élimination
totale des armes nucléaires ne reviendrait pas à accroître
la sécurité, mais à la diminuer.
Il est en effet particulièrement important que nous maintenions
- et ce, avec l'Allemagne - une défense et une planification de
la défense cohérentes et intégrées. Il ne
serait pas bon que chacun réduise à sa guise, sans concertation
avec l'Alliance et les Alliés.
En conclusion, l'OTAN n'est nullement dépassée. Elle est,
au contraire, irremplaçable dans son triple rôle :
- Dans son rôle d'alliance politique et de communauté de
valeurs du monde libre, comme instrument du changement et de l'organisation
de la paix
- Dans son rôle d'alliance transatlantique,
comme lien et fondement de la communauté de destin des pays d'Amérique
du Nord et d'Europe
- Dans son rôle d'alliance sécuritaire, comme instrument
du maintien de la paix et comme cadre de stabilité pour le changement.
Transformation de l'Alliance
II est vrai que notre Alliance est en mutation. Elle évolue dans
le temps et avec le temps. Depuis deux ans déjà, elle s'adapte
à la nouvelle donne de la définition des tâches, des
questions de fond et de la politique. Ce processus se poursuit. Le centre
de gravité de notre Alliance se déplace, passant :
- de la confrontation à la coopération,
- du militaire au politique,
- de la dissuasion à la protection contre le risque et à
la garantie de la stabilité,
- du maintien de la paix à l'organisation de la paix,
- du leadership des Etats-Unis à un authentique partenariat,
dans lequel les Européens assument des responsabilités
égales.
Le prochain sommet de l'OTAN entérinera notre nouvelle conception
des rôles et lancera une stratégie élargie pour l'Europe
nouvelle des années 90.
Quelle alternative pour l'Europe
?
L'Europe se trouve de vant une alternative fondamentale : ou elle retombe
dans l'ancien système politique de puissance et d'équilibre
des siècles passés, ou elle avance sur la voie d'un nouvel
ordre de paix et de liberté résultant d'une coopération
internationale ou supranationale. Notre choix est clair : nous allons
de l'avant. Notre Alliance est, avec la Communauté européenne,
le modèle le plus accompli de ce partenariat entre Etats. Elle
est et demeure notre meilleure garante d'un avenir sûr et libre.

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