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Updated: 14-Jun-2002 | NATO Speeches |
Senat de la |
Une EntrevueUne entrevue avec M. Paul-Henri SpaakQuestion.- Vous avez parlé,
hier, d'esprit de coopération politique. Estimez-vous que l'action française
en Tunisie est contraire à cet esprit de coopération politique ? M. SPAAK. - Vous n'hésitez pas à poser tout de suite les questions les plus facile.(sourires) Que voulez-vous dire exactement par votre question ? Voulez-vous savoir si les Français auraient dû nous consulter avant de faire uns action militaire ? C'est cela votre question ? (assentiment). La question étant ainsi posée, je ne crois pas que ce soit un reproche que l'on puisse faire aux Français, à savoir qu'avant d'engager une action militaire, ils doivent consulter l'O.T.A.N. La question étant posée comme cela, la réponse est non. Question. - L'article
premier du Traité de l'Atlantique Nord prévoit qu'on ne peut faire
une action militaire contraire aux principes du la Charte des Nations-Unies. M.
SPAAK. - J'avoue que je m'attendais à cette question, mais je ne m'attendais
pas à ce qu'elle soit posée comme cela, parce que la réponse
est influencée par la façon dont l'interrogation est faite. Vous m'avez demandé si j'estimais que c'était une entrave à la collaboration politique au sein de l'O.T.A.N. Je réponds que je ne crois pas que les Français avaient l'obligation de consulter les puissances de l'O.T.A.N. sur ces opérations militaires. Vous me demandez si c'est contraire aux principes de l'O. T. A.N. et je vais vous donner ce qui serait probablement la réponse française, à savoir que les Français estiment qu'il s'agit d'un acte de défense. II ne faut pas oublier tout d'abord que toutes les questions d'Afrique du Nord et spécialement d'Algérie n'ont pas été posées par les Français à l'O.T.A.N, estimant que c'était un conflit intérieur français. Telle est la position juridique dés Français. Dans cette affaire militaire, je crois que si on leur posait la question comme cela, les Français diraient que c'est un acte de défense, ce qui n'est pas contraire aux principes de la Charte. Je crois cependant que vous voulez me faire dire autre chose et que vous voulez poser ces questions de telle manière que je sois obligé de répondre ainsi. Tout le monde sait que c'est un incident qui a fait grand bruit, qui a ému le monde entier et l'opinion française C'est un incident dont on ne peut méconnaître la gravité. Comme Secrétaire général de l' O. T. A. N. je n'ai pas de déclaration à faire sur cet événement qui se situe en dehors de notre compétence directe. Personne ne conteste l'importance et la gravité de l'événement.
M. SPAAK. - Si un autre pays de l'O. T. A. N. prenait une autre attitude, cela deviendrait un problème tombant dans la compétence de l'O.T.A.N. , car il s'agirait alors d'une difficulté entre pays au sein de l'Alliance. Cela tombe alors dans la compétence de l'O.T.A.N. Question. - Dans la Charte de l'O.T.A.N. , il est dit que le Traité peu être révisé après 10 ans. M. de STAERCKE. - Après 20 ans. Question.
- Dans ces conditions, je n'insiste pas. Question, - Au cours de vos
entretiens, à Bruxelles, avez-vous abord le problème des frais de
stationnement des troupes belges en Allemagne M. SPAAK. - Nous avons examiné la question et vu comment elle pourrait éventuellement se poser. Question. - Vous avez parlé du stationnement des troupes belges, mais aussi des troupes anglaises ? M. SPAAK. - Je n'ai pas discuté avec le gouvernement belge de la position du gouvernement anglais. Question. - Vous êtes allé à Bonn ? M. SPAAK. - Oui, pour discuter avec les Allemands d'un problème qui était anglais. Le gouvernement belge ne m'a pas demandé de lui expliquer ce problème-la qu'il connaît d'ailleurs fort bien. Question. - Puis-je vous poser une question relative à votre visite à Bonn seulement ? Quelles sont les conclusions allemandes sur le stationnement des troupes alliées, soit belges, soit américaines et quels sont les résultats de ces pourparlers ? M. SPAAK. - La presse de dimanche soir les a annoncées. Mon voyage à Bonn n'a pas amené une solution au problème. Les résultats en sont peut-être moins définitivement défavorables que la presse ne l'a annoncé, parce qu'il s'agissait de poursuivre des pourparlers qui ne sont pas terminés, ils continuent entre l'Allemagne et la Grande-Bretagne, comme des pourparlers existent entre l'Allemagne et la France, mais la situation de chaque pays est différente, Cependant, des pourparlers continuent et je n'abandonne pas encore l'espoir de voir une solution intervenir, solution qui donnera satisfaction à la fois aux Britanniques, aux Français, et a l'OTAN. Question. - J'ai lu hier dans un journal, j'ai oublié lequel, que les Allemands sont tellement pauvres, qu'ils ne peuvent pas arriver à une conclusion financière. Le croyez-vous ? M. SPAAK. - On peut dire que vous êtes direct dans vos question (Sourires). Je ne peux vous dire que ce qui est réellement la position du gouvernement allemand. Celui-ci tient le raisonnement suivant: Je vais dépenser 10 milliards de Deutsch Mark pour ma défense, ce qui représente le maximum de ce qu'il est possible de faire cette année. La thèse du gouvernement allemand est que s'il doit payer une contribution importante pour les Forces Alliées, il ne pourrait le faire qu'en la prélevant sur le crédit inscrit à son budget et qu'il diminuerait ainsi d'autant les sommes qui peuvent être dépensées pour l'organisation de l'armée allemande. Telle est sa thèse. Maintenant, si la somme de 10 milliards de Deutsch Mark représente vraiment sa contribution définitive et totale, vous reconnaîtrez que c'est une question qui intéresse surtout les allemands et le Ministre des Finances d'Allemagne. Nous pouvons cependant dire que dans tous les pays, c'est la même chose, augmenter les crédits de la Défense Nationale, c'est toujours un problème politique d'abord, parce qu'il y a l'opposition qui ne le veut pas et parce que très souvent, il y a la majorité qui ne le veut pas non plus. C'est un problème qui est toujours politique, il faut le reconnaître. Les Allemands ont fixé 10 milliards, ils disent nous ne pouvons pas faire plus et la question est de savoir si nous allons prendre sur ces 10 milliards pour payer des sommes à certain autres pays, car dans ces conditions, nous serions forcés de faire moins pour les Forces Allemandes. Je ne puis pas prendre parti dans cette question, il y a du pour et du contre dans toute thèse, il s'agit là d'un problème compliqué qu'il n'est pas facile de régler. Question. - Avez-vous discuté avec le Gouvernement Belge, le projet de réorganisation de l'Armée Belge ? M. SPAAK. - La question ne se pose pas sous cette forme si directe. Nous avons reçu maintenant des documents que nous attendions des autorités militaires, ils sont distribués et en cours d'étude; ces documents seront officiellement présentés le 13 mars prochain parles autorités militaires de l'OTAN. Après quoi aura lieu très certainement, une conférence militaire, au niveau des Ministres de la Défense nationale. A ce moment-là, les Gouvernements pourront faire connaître leurs observations, leurs objections et on examinera la situation générale de la Défense au sein de l'OTAN. Question. - Le Ministre des Affaires Etrangères a souhaité hier que vous portiez un message de paix aux populations de l'Est. Croyez-vous que ce soit possible dans une perspective plus ou moins rapprochée ? M. SPAAK. - II faut savoir comment on le porte
et comment on le reçoit. Il y a là deux questions. Je puis vous
dire que ce n'est pas un projet auquel je pense actuellement. Question- Est-ce qu'au cours de vos pourparlers en Belgique, vous avez traité la question de l'établissement de rampes de lancement et de stockage éventuel des armes atomiques en Belgique ? M. SPAAK. - Vous avez entendu hier ma
conférence, si vous ne l'avez pas entendue, peut-être en avez vous
lu le compte-rendu, et vous savez ce que je pense du problème des armes
atomiques. A mon avis, c'est un problème qui, permettez-moi de vous le
dire, a été assez mal posé devant l'opinion publique et toute
cette agitation créée au sujet des armes atomiques provient d'une
grande confusion dans les idées. L'OTAN a répondu très clairement
à cette question par une décision qui a d'ailleurs été
unanime. Je ne veux pas improviser en la matière, je vais vous lire le
communiqué. Ce problème de la défense de l'OTAN a été
soigneusement examiné au cours de la conférence de septembre et
a fait l'objet d'une partie importante du communiqué qui a été
adopté. C'est un communiqué qui, dans la mesure où les communiqués
engagent les Gouvernements, les engage tous. Je vais vous en donner
lecture: "Tout en ............... II s'agit ici d'une décision qui engage tous les pays de l'OTAN, Dans ces conditions, je ne sais pas quelles peuvent être les difficultés d'interprétation. Nous n'avons pas décidé si c'est la question des rampes de lancement et des armes à longue et moyenne portée d'action, nous n'avons pas décide que ces rampes devaient être placées dans tous les pays, nous avons décidé qu'elles seraient placées conformément aux plans militaires et d'accord avec les Gouvernements intéressés. Cette date-là n'est pas déterminée, les autorités militaires n'ont pas encore, en ce qui concerne les rampes de lancement, déterminé d'un, manière exacte, l'endroit ou elles désirent voir ces rampes placée , et, dans tous les cas, aucun Gouvernement ne sera forcé de le faire sans son acquiescement et je suppose, sans l'acquiescement des Parlements. Il n'y a pas là, laissez-moi le dire, de problème et je dirais presque qu'il n'y a pas de difficulté. Question. - Si j'ai bien compris votre discours d'hier soir, l'OTAN estime souhaitable que la Belgique ou les pays de l'OTAN installent ou laissent installer ... M. SPAAK. - Vous avez très mal compris
mon discours, si c'est cela qui a été compris, comme j'aurai encore
l'occasion d'en refaire. il faudra que je sois plus clair. Je me vois donc forcé
de reprendre mon exposé, mais ce sera long. Question. - II parait que le Ministère de la Défense nationale belge... M. SPAAK. - Où le Ministre de la Défense nationale
a-t-il dit cela ? Question, - Si je me rappelle bien, la Belgique a décidé. . . M. de STAERCKE.- Il parle des rampes de lancement. M. SPAAK. - Nous parlions des missiles contre avion et non pas des rampes... Question. - Ne faut-il pas des rampes ? M. SPAAK. - Les rampes, c'est pour lance les armes à longue et moyenne portée d'action. Vous n'avez pas besoin de rampe pour faire partir une fusée qui doit vous défendre contre une attaque aérienne isolée ou en masse. Il n'y a plus un expert militaire qui dirait que la population des villes peut être défendue en tirant des obus du type utilisé pendant la deuxième guerre mondiale. Ils ne toucheront plus jamais un avion . C'est une comédie, il faut tirer des fusées et si vous êtes attaqué par des formations de 100 ou de 200 avions, comme on l'a vu pendant la dernière guerre, il faut tirer des fusées à tête atomique. Y a-t-il dans un pays quelconque de l'O.T.A.N. un ministre de la Défense nationale qui a déclaré refuser ces armes ? Aucun, dans aucun pays. Heureusement d'ailleurs, car ces ministres de la défense nationale prendraient de singulières responsabilités. Question, - Donc, la Belgique est prête à accepter. Question. - Et le stockage des armes atomiques ? M. SPAAK. - Oui, des têtes atomiques pour ces fusées-là. Question. - II y a une nuance que je ne saisis pas. M. SPAAK. - Vous devriez aller aux Etats-Unis. Croyez-vous qu'il y a encore une ville dans ce pays qui soit défendue avec un canon antiaérien ? Cela n'existe plus. Il n'y a plus un militaire qui pense que c'est une chose possible. Je le répète et j'accepte toutes les discussions, car elles m'amusent, on peut dire: il n'y a plus moyen de se défendre, il ne faut plus se défendre, il faut être neutre. Il faut même - je ne sais pas pourquoi on ne le ferait pas, ce n'est pas une théorie plus stupide qu'une autre - prêcher la défense passive et la résistance passive. C'est aussi une théorie, mais ce n'est pas celle de l'Occident. Aujourd'hui, nous croyons encore qu'il faut nous défendre contre attaque. Voulez-vous vous défendre contre une attaque avec des moyens que vous savez inutiles ou êtes-vous décidés à vous défendre et alors, vous demandez qu'on vous donne les armes qui sont utiles ? Question. - Si on savait le faire, mais si on est d'accord pour stocker les têtes atomiques. M. SPAAK. - En principe,
c'est tout le communiqué qui concerne ce type d'armes. La réponse
est oui. Les ministres ont dit oui. Mettons cela au point, il n'y a pas un ministre
des quinze pays de l'O.T.A.N. - je ne fais aucune exception - qui ait dit qu'il
ne voulait pas ce genre d'arme atomique. Pas un seul. La question est de savoir
où on mettra les stocks d'armes nécessaires, qui les garde et, éventuellement,
qui en ordonne l'usage. Cela, c'est une autre question, mais personne n'a refusé,
a ma connaissance, les fusées qui doivent empêcher, essayer d'empêcher
une attaque aérienne ou d'en limiter les dégâts. La deuxième
question est celle de l'artillerie moderne. Actuellement, on tire des obus atomiques.
La question qui se pose brutalement est celle-ci: dans le cas d'une guerre où
un adversaire disposerait d'une artillerie atomique, acceptez-vous de lui faire
la guerre avec l'artillerie conventionnelle ? C'est comme si vous me disiez; je
veux me battre en duel avec vous, j'aurai une épée, vous aurez un
revolver et nous nous battrons à 10 mètres de distance; vous n'aurez
aucune chance de me toucher avec votre épée et moi, bien que je
ne tire pas très bien, j'aurai des chances de vous toucher. C'est un
problème clair et net. Je me demande où est le ministre qui va déclarer
qu'il ne veut pas d'artillerie atomique. A ma connaissance, il n'en existe pas
dans les pays de l'O.T.A.N. Heureusement. Vous imaginez-vous la responsabilité
de ce malheureux qui en même temps, dirait aux jeunes gens de son pays;
vous devez entrer dans l'armée, faire votre service militaire, au besoin
servir dans l'artillerie, mais je vous annonce que ce que je mets entre vos mains
est un joujou et qu'avec ce joujou, vous devrez vous battre contre une artillerie
qui va vous écraser. Quel est le ministre qui oserait tenir ce langage
devant son parlement ? Restent les fusées à longue et moyenne portée,
I. R. B. M. et I.C.B- mais je refais ma conférence -d'où vient la
confusion. Un certain nombre personnes ont déclaré que c'était
des armes offensives et cela a suffi pour ameuter l'opinion publique, parce que
les gens ont dit qu'ils ne voulaient pas de ce genre d'armes, ils veulent seulement
se défendre. Il faut voir le système d'un peu plus près.
C'est entendu, nous voulons seulement nous défendre et la seule hypothèse
est de répondre à une agression. L'hypothèse est donc que
nous sommes attaqués, Je voudrais que quelqu'un me réponde. Nous
sommes attaqués, quel est le critère politique, militaire ou moral
qui, dans le cas d'une attaque, nous défendrait d'essayer de détruire
les bases d'où l'attaque part contre nous. Je voudrais maintenant, off
the record, de ma part aussi, demander si quelqu'un a réponse à
cette question. Si je me trompe, il est temps que je change mes discours. Question,
- II y a des pays qui, traditionnellement, n'ont jamais M. SPAAK, - La seule raison qui ait pu empêcher,
à supposer que ce soit vrai - et nous allons voir dans un instant s'il
en est ainsi -la Belgique d'avoir des armes stratégiques, c'est une question
financière, c'est qu'elle n'avait pas le moyen de se les payer. Parce que,
d'après vous, où commence l'arme stratégique ? Y a-t-il une
différence entre une rampe de lancement et un avion de bombardement ? En
quoi y a-t-il une différence militaire ou morale entre le fait de posséder
un avion de bombardement qui peut voler 5000 km et laisser tomber ses bombes ou
de posséder une base de lancement fixe qui lance sa fusée à
2500 km ? Où est la différence morale ? Déclarerez-vous,
alors que non seulement ces pays ne peuvent avoir de rampe de lancement, mais
qu'ils ne peuvent avoir des bombardier, parce que c'est une arme qui peut porter
la guerre au sein même du territoire de l'ennemi éventuel, alors
que vous savez que ce dernier possède des bombardiers lourds, des bombardiers
de tout genre et aussi des rampes de lancement. Où est le principe moral
qui nous empêcherait, en cas d'agression, d'essayer de détruire les
bases de l'ennemi. Moi, je ne le vois pas. Ceci ne veut pas dire qu'on a demandé
à la Belgique d'établir des rampes de lancement sur son territoire.
A mon avis, cela n'a pas encore été fait, par conséquent
elle n'a pas eu à le refuser. Certains disent que la Belgique a refusé.
Elle n'a rien refusé du tout, parce qu'on ne lui a rien demandé
du tout. C'est clair. Question. - Quand on dit que la Belgique a, en
principe, accepté, si on l'a demandé, on dit que ce n'est pas vrai
non plus. M. SPAAK. - Ce n'est pas vrai. C'est une question qui ne s'est pas posée, il ne faut pas sortir des termes du communiqué. Que pourrai il arriver suivant les termes du communiqué que je vous ai lu ? Que le commandement militaire pense qu'il faudrait établir une base en Belgique, A ce moment-là, la discussion s'entamerait et le gouvernement belge dirait si oui ou non il est d'accord. Question. - II n'y a pas d'acceptation préalable ? M. SPAAK. - Certainement non. Il n'y a pas de refus
préalable non plus. Supposez un instant qu'il y ait un refus préalable,
quelle aurait été la situation ? Les Occidentaux trouvent tout naturel
de dire aux Etats-Unis: s'il-vous-plaît, placez vos divisions sur l'Elbe
pour contribuer à former le bouclier de l'Europe, avec vous en première
ligne, mais nous, contribuer ou vous aider par des bombardier lourds ou par des
rampes, il n'en est pas question; si nous sommes attaqués, vous entrez
dans la bataille le premier jour avec toutes vos Question. - Vous parlez des problèmes en termes quasi-stratégiques mais on ne peut pas nier qu'il y a un courant très avancé dans l'opinion publique, un courant très massif en faveur de l'interdiction des armes nucléaires ce courant vient de toutes les opinions. M. SPAAK- Je suis aussi pour l'interdiction des armes nucléaires, de chaque côté, et contrôlée,
Question. - Que pensez-vous de ce courant qui se révèle au cours des sondages ? M. SPAAK. - J'ai
dit depuis des années, je l'ai dit hier et je le répète aujourd'hui
et je le répéterai encore un certain nombre de fois: il n'y a pas
de bonne politique étrangère si elle n'est pas basée sur
le désarmement, mais il n'y a pas de désarmement s'il n'est pas
contrôlé. Ce que nous devons essayer d'obtenir, c'est un désarmement
contrôlé. Quand nous l'aurons obtenu, nous pourrons changer toute
notre politique et notre stratégie. Tant que nous ne l'aurons pas obtenu,
nous sommes tenus par certains impératifs et notamment par celui de nous
défendre, mais il n'y a pas de distinction. Question. - Croyez-vous
que l'U.R.S.S. refuse tout contrôle ? M. SPAAK. - Je n'ai jamais dit cela et je ne le dis pas, au contraire. On peut dire que depuis quelques mois, bien qu'à mon avis, cela soit encore insuffisant, il y a un certain progrès. Il semble que l'U.R. S.S. accepterait, sous certaines conditions, ce sont des détails techniques assez difficiles à mettre au point, dans certaines régions, d'exercer un certain contrôle. Par conséquent, la réponse ainsi faite doit être nuancée. Mais bien entendu, pour moi, ce que les Soviets semblent vouloir accepter aujourd'hui, n'est pas suffisant et c'est pourquoi je répète ce que j'ai dit hier, que les propositions occidentales en matière de désarmement, sont beaucoup plus audacieuses et fondamentales que les propositions soviétiques. Et permettez-moi de le dire, la presse occidentale, au lieu de critiquer les .gouvernements, en leur disant: vous avez des positions négatives, devrait sans cesse dire que les positions occidentales sont beaucoup plus audacieuses que les propositions soviétiques. Si vous vouliez nous aider, l'opi- nion publique serait tout-à-fait différente, si vous vouliez l'informer complètement, elle saurait que ce n'est pas vrai que nous sommes négatifs, que ce n'est pas vrai que nous sommes moins audacieux que les Soviets. La seule chose qu'on peut nous reprocher, c'est que nous sommes peut-être trop audacieux et que nous cherchons à obtenir trop Je ne sais pas si on peut nous le reprocher. C'est un point de vue. Au cours de ma conférence d'hier, j'ai pris deux ou trois propositions pratiques qui montrent que chaque fois, l'Occident va beaucoup plus loin que les Soviets et que si les propositions occidentales étaient acceptées, nous serions dans une autre atmosphère que celle dans laquelle nous baignons aujourd'hui. Question. - Etes-vous toujours opposé au plan Rapacki comme base de discussion ? M. SPAAK, - Attention, dans votre question, il y a une équivoque. Vous me dites: êtes-vous toujours opposé au plan Rapacki pris comme basse de discussion, cela fait deux choses. II faut faire attention, parce que le plan Rapacki, tel que je le connais, et je le dis sans ironie, change toutes les semaines. M. Rapacki a fait un discours. M. Rapacki l'a corrigé. A l'O. N. U. il a donné 4 ou 5 interviews à des grands journaux qui ont spécifié et modifié ses positions. Je ne dis pas qu'il n'a pas le droit de le " faire, mais nous devons nous mettre d'accord pour savoir ce que c'est que le plan Rapacki. Ce plan a évolué depuis l'O. N. U. , d'une manière extraordinaire. Je ne le connais pas dans son dernier état, parce qu'il semble que Rapacki ait rencontré Gromyko à Moscou, qu'il en ait parlé et du dernier communiqué publié à l'issue des dernières conversations, il est impossible de savoir exactement où on en est , Par conséquent, je suis contre le plan Rapacki, tel qu'il a été révélé en sa forme première. J'ai dit pour quoi j'étais contre. C'est parce que j'y voyais et j'y vois encore toute une série de danger militaires et politiques.Maintenant, vous me dites; "comme base de discussion". C'est là que gît l'équivoque. L'idée qui est dans le plan Rapacki n'est pas une idée polonaise, elle est, permettez-moi, messieurs, de vous le dire, une idée occidentale. Oui. Qui est-ce qui le premier a proposé une zone géographique particulière, avec un contrôle particulier ? Ce n'est pas M. Rapacki . Une voix : C'est M. van Zeeland.
M. SPAAK, - Non, c'est M, Eisenhower, au cours de la conférence au sommet qui s'est tenue à Genève en 1954. C'est lui qui a lance l'idée d'une zone géographique sur laquelle s'exercerait un contrôle particulier. C'est une idée qui mérite d'être étudiée. Dès lors, ma réponse est celle-ci; je suis.-centre le plan Rapacki tel qu'il était au début. Si, bien entendu, il s'agit d'essayer d'élaborer quelque chose sur l'idée d'une zone géographique dans laquelle il y aurait un armement particulier et un contrôle particulier avec tout l'Occident, je suis pour. Question, - Certains ont prétendu
qu'une des principales raisons de se méfier du plan Rapacki tel qu'il a
été lancé, c'est que manifestement; il était inspiré;
d'autres, au contraire ont dit qu'une des principales raisons d'y attacher un
intérêt, c'est que manifestement il vient deVarsovie seule et qu'il
n'est pas inspiré par Moscou. Peut-on vous demander ce que vous en pensez
? M. SPAAK. - Je n'en pense rien de certain. Je n'en sais rien. Je sais
que les deux thèses existent. Personnellement, je crois, et d'ailleurs
M. Rapacki, lorsqu'il a parlé de son plan, dans sa forme première,
l'avait dit, il n'a pas fait ce plan sans prendre contact avec les pays membres
du pacte de Varsovie. Au sujet du plan Rapacki, je voudrais vous faire remarquer
qu'il n'y a pas de texte. On parle toujours du plan Rapacki, comme si nous étions
en présence d'un texte diplomatique qu'on nous aurait soumis. Qu'est-ce
que le plan Rapacki ? Sept lignes dans un discours de 17 ou 13 pages, je ne sais
pas combien, prononcé par M. Rapacki à l'O.N.U. Sept lignes et une
série d'interviews. J'ai le plus grand respect pour les interviews des
journaux, mais ce ne sont pas encore dès documents équivalents à
des notes diplomatiques. Il s'agit de 5 ou 6 interviews dans des journaux différents:
Le Monde, des journaux anglais, des journaux allemands. Tout le monde est allé
interviewer Rapacki, lui a posé des questions plus ou moins précises,
il y a répond d'une manière plus ou moins précise et chaque
fois qu'on lui pose une nouvelle question, il élabore une réponse
qui n'est pas toujours exactement celle qu'il a faite ailleurs la semaine avant
ou le jour avant. Mais il n'y a pas de plan Rapacki, au sens où on pourrait
dire que nous sommes devant un texte diplomatique. Comme je vous l'ai dit, et
vous le savez aussi bien que moi, c'est un plan qui évolue.Je veux vous
en donner un exemple et rectifier une déclaration que j'ai faite de bonne
foi et qui était juste au moment où je l'avais faite. Dans sa première
version, M. Rapacki avait parlé de la nécessité d'un accord
préalable entre les deux Allemagne. Cela a disparu dans la version actuelle.
Dans sa première version, M. Rapacki n'avait pas parlé du contrôle.
Aujourd'hui, il semble, bien que ce ne soit pas très précis, qu'il
admette l'idée d'un contrôle. Mais il1 n'y aura un plan Rapacki que
lorsque le ministre des affaires étrangères de Pologne aura pris
la peine de le rédiger et qu'il nous aura dit en 10 ou 15 articles, je
ne sais pas ce que c'est que son plan, avec toute ses implications, ce qu'il veut
exactement. Au début, il s'agissait d'interdire toutes les armes atomiques
sur certains territoires; dans la dernière version reprise par les Soviets,
on ne sait plus si toutes les armes atomiques sont visées ou non. Je crois
donc que si M. Rapacki se permet de dire cela, et s'il voulait vraiment donner
une grande importance à ses idées, la première chose à
faire, serait de remettre un texte et de ne pas se borner à faire des déclarations
et des interviews aux journaux. On verrait alors exactement devant quoi on se
trouve. L'idée même est une idée qui ne peut pas être Question. - Pour revenir sur le déploiement des armes nucléaires, pourriez-vous confirmer que les avions qui partent des bases anglaise et des autres bases européennes, sont armés de bombes atomiques ? M. SPAAK. - Que voulez-vous que j'ajoute aux déclaratifs formelles faites par M. Mac Millan ? Que je le contredise et que je déclare que ce qu'il a dit pour l'Angleterre n'est pas exact ? Question. - II n'a rien dit. Il a déclaré qu'il y avait des avions qui partent armés de bombes. M. SPAAK. - Qu'est-ce que vous demandez d'autre ? Question. - Est-ce que vous pouvez le confirmer pour les autres bases européennes ? M. SPAAK. - Quelles bases ? Question. - La France, M. SPAAK - Je ne crois pas qu'il y ait un stratégic Air command en France et en Allemagne. Question. - Rien que pour l'Angleterre ? M. SPAAK. - Vous me posez des questions
impossibles. Comment voulez-vous que je dise autre chose que ce que M. Mac Millan
a dit pour l'Angleterre. II n'y a pas de base, strategic Air command, en Europe
continentale, il n'y en a pas. Question. - Pourriez-vous dire quelles étaient les personnalités réunies à la conférence de cet après-midi et que pouvez-vous dire des délibérations ? M. SPAAK. - Les ministres des affaires étrangères,
de la défense nationale et de l'instruction publique. La présence
de ce dernier était justifiée, parce que nous avons examiné
la question de la collaboration scientifique. Il y avait encore des fonctionnaires
des différents départements et le Baron Snoy qui représentait
le ministère des affaires économiques. M, Fayat, ministre du commerce
extérieur y assistait également. Nous avons fait un tour d'horizon
général de toutes les questions qui se posent à l'heure actuelle
à l'O.T.A.N.: conférences, réunions, ordres du jour. On a
naturellement parlé des zones de désatomisation. On a surtout parlé
de l'ordre du jour en général. C'est le but de ces visites dans
les différentes capitales: me mettre directement en rapport avec les administrations,
avoir ces conversations bilatérales qui sont très importantes. Question. - Pourrions-nous avoir quelques détails sur les prochaines réunions du Conseil scientifique de l'O.T.A.N. à propos duquel vous avez tant discuté. M. SPAAK. - Comme vous le savez, le professeur Ramsaya été nommé. conseiller scientifique du Secrétaire général. Presque tous les pays ont désigné leur représentant au Comité scientifique et je pense que la première réunion se tiendra à une date qui n'est pas encore tout à fait fixée, mais que nous espérons proche. Je n'aime pas trop parler de cette question. Je ne sais pas encore ce que cela va donner, c'est un début, cela peut être extraordinairement important, comme toute chose qui commence, mais cela peut être aussi un échec. Si c'est important, cela peut réaliser dans le cadre de l'O.T.A.N. quelque chose de nouveau et d'essentiel. C'est une collaboration scientifique qui peut même, un jour ou l'autre, avoir des répercussions dans la collaboration économique, mais ce que je vous dis, ce sont des espoirs. Nous allons voir ce que cela va donner. Question. - Est-ce que le groupe A.G.A.R.D. ... ? M. SPAAK. - Le groupe A.G.A.R.D. sera certainement en rapport avec ce groupe scientifique. C'est un développement qui peut être certainemerit très intéressant dans l'O.T.A.N. et auquel j'attache une grand. importance, mais comme nous sommes au début, il faut être prudent. Question. - Vous avez dit que le conseil permanent discutait des questions à l'ordre du jour d'une éventuelle conférence au sommet; d'autre part, dans la lettre à Boulganine, M. Mac Millan fait une proposition dans ce sens, proposant, de reprendre l'ordre du jour suggéré par Eisenhower et celui proposé par Boulganine, Est-ce que cette tendance a été exposée à l'O.T.A.N, et y a rencontré un certain accueil ? M. SPAAK (s'adressant à M. de STAERCKE). - Est-ce que M. Mac Millan a suggéré un ordre du jour qui serait une addition ? (assentiment). En tout cas, cela n'a pas été discuté à l'O.T.A.N. Je doute que cela puisse être accepté par les Russes, car il y est question des états satellites et de la réunification de l'Allemagne. D'ailleurs, le président Boulganine a répondu assez durement à un certain nombre de propositions d'Eisenhower, en disant qu'il ne voulait pas les accepter comme des points d'un ordre du jour, mais cela n'a pas encore été -examiné par l'O. T. A.N. L'O.T.A.N. marque certaine hésitation. M. de STAERCKE. - C'est dans la dernière lettre de Mac Millan... Il a fait la suggestion d'additionner les deux ordres du jour. M. SPAAK. - II y a eu tant de lettres ces derniers temps qu'on a quelque fois un peu de peine à s'y retrouver. Question. - Dans
le cas de mise en commun de découvertes scientifiques des pays de l'O.T.A.N.,
puis-je vous demander ce qui serait éventuellement prévu pour la
Belgique dans le domaine, notablement, d'une usine atomique internationale ? M. SPAAK. - Vous allez trop vite. Ce sont des questions auxquelles je ne peux pas répondre. Tout cela doit être examiné. Je crois, je n'en suis pas sûr, que ce comité scientifique va devoir commencer par faire une sorte d'inventaire de ce qui existe dans différents pays Cela prendra un certain temps. C'est seulement quand il sera en présence d'un tableau exact ou à peu près, de l'effort scientifique de chacun, qu'il pourra voir comment on pourrait l'organiser mieux et les intégrations, etc... Vous allez trop vite, ce sont des conclusions, alors que nous sommes aux prémices. C'est pourquoi, tout en attachant à la chose une énorme importance, je dois être prudent Quant aux possibilités des résultats, j'espère, je ne suis pas sûr. Question. - Une question d'ordre général. Vous avez dit souvent au parlement belge que vous ne croyiez pas que l'U.R.S.S, voulait attaquer militairement l'Occident. Votre sentiment a-t-il évolué à cet égard ? M. SPAAK. - Je ne crois pas. J'ai dit hier encore que je ne croyais pas à la possibilité d'une guerre mondiale dans un avenir prévisible" pour différentes raisons que j'ai déjà expliquées un certain nombre de fois. Ceci ne veut pas dire, bien entendu, que nous devons relâcher notre effort de défense, parce que dans ce cas, toutes les conditions qui sont à la base de mon raisonnement seraient changées. Il faut toujours être prudent, parce que je ne veux pas qu'on tire de ce que je dis, une certaine confiance, l'idée qu'il faut relâcher l'effort de défense. C'est précisément parce que nous avons établi dans le monde un certain équilibre qui, d'ailleurs, est loin d'être l'équilibre parfait, cela s'ajoute à toutes les autres conditions qui font qu'à mes yeux, l'U.R.S.S. n'a vraiment aucune raison valable de tenter une troisième guerre mondiale qui serait catastrophique pour elle comme pour le reste de l'humanité, puisque les possibilités de représailles sont énormes. J' ai expliqué cela hier. Le problème n'est pas, pour un agresseur, de jeter un certain nombre de bombes sur ses ennemis. Le problème, pour un agresseur, c'est de pouvoir détruire pour ainsidire, au même instant, toutes les bases de représailles possibles qui existent. Rendez-vous compte que c'est d'ailleurs un argument en faveur de l'acceptation de certaines rampes de lancement que, plus il y a de bases de représailles possibles, plus elles sont dispersées, plus le problème qui se pose a l'agresseur est compliqué, parce que; s'il laissa intact un certain nombre de bases desquelles la représaille peut partir, rendez-vous compte que l'agresseur par surprise, recevra des coups absolument terribles. Question. - C'est dans l'hypothèse où il y aurait une volonté d'agression. Il y a là une contradiction. Vous affirmez que l'URSS n'aurait pas l'intention de déclencher une guerre dans l'immédiat. M. SPAAK. - Non, il n'y a pas contradiction. Question. - Vous parlez d'agression massive. M. SPAAK. - Je dirai que l'U.R.S.S. n'a pas l'intention de déclencher une guerre pour plusieurs raisons, dont l'une est que la base de représailles existe. Je m'empresse de dire que ce n'est pas la seule raison mais c'en est uns qui rend l'agression impossible. J'ajoute que si, par un geste de folie insensée, nous faisions disparaître toutes les bases de représailles, y compris par exemple les, bases américaines, toutes les conditions du problème international seraient changées et alors, je ne saurais pas du tout ce qui arriverait de la paix. C'est pourquoi je dis que cette politique d'avoir des bases représente-en cas d'attaque, rien que dans un sentiment défensif, un élément de paix. Si nous y renoncions, bien loin de servir la paix, nous rendrions possibles certaines aventures, impossibles actuellement grâce aux possibilités de représailles. Question. - Pour en revenir aux bases de lancement, vous avez dit tout à l'heure qu'il était prématuré dû dire que la Belgique accepterait ou refuserait leur installation sur son territoire, que la question ne lui avait au fond pas encore été posée, qu'il n'y avait ni refus, ni consentement préalable. Mais alors pourquoi des pays comme la Hollande, ont-ils déjà, par l'intermédiaire de leur gouvernement, fait des déclarations officielles disant qu'ils les accepteraient. N'est-ce pas aussi prématuré ? M. SPAAK. - Je crois pouvoir dire qu'on ne le leur a pas encore offert d'une manière précise, mais ils ont estimé, pour des raisons de politique générale sans doute oet de défense, qu'il fallait faire une déclaration dans ce sens. Ces pays ont dit que si on le leur offrait, ils. étaient prêts à l'accepter. C'est une position qui est acceptable aussi. Question. - Est-ce que l'O.T.A.N. pourrait accepter que certains pays les refusent ? Ne serait-ce pas créer des pays plus courageux les uns que les autres et créer des distinctions entre les partenaires ? M. SPAAK - II existe des pays plus courageux, mais l'O.T.A.N. est une organisation où il n'y a pas de pouvoir autoritaire. Tout d'abord, à l'O.T.A.N., tout doit être voté à l'unanimité. L'organisation n'a pas le droit de dire à un pays; vous ferez ceci ou vous ne ferez pas cela, par conséquent, un pays pourrait refuser. Il pourrait arriver QUE les autorités militaires estiment qu'une base de lancement devrait être installée là et que le pays intéressé réponde qu'il n'en veut pas. Question, - Sans manquer aux engagements souscrits par le Pacte ? M. SPAAK. Oui, bien sûr. Question. - Va-t-on, dans ces conditions, révéler l'emplacement des rampes de lancement ? M. SPAAK. - II est certain qu'on révèle un certain nombre de choses dans les pays démocratiques, c'est dommage, mais je suis devenu très philosophe. Notre situation est difficile. En présence d'une unité de commandement et d'action, nous présentons un éventail de 15 pays qui tous, croyez-moi, du plus petit au plus grand, tiennent énormément à leur individualité et à leur souveraineté. Cela pose incontestablement de gros problèmes et cela nous met dans une difficulté technique incontestable, aussi bien au point de vue militaire que diplomatique. Il ne faut pas se faire d'illusion. Malgré ces difficultés, je reste convaincu que nous sommes capables de faire aussi bien et même mieux que les adversaires éventuels, et c'est difficile. A la longue, cela paye d'être libre, Question. - Pouvez-vous confirmer formellement qu'on n'a pas encore offert de rampe de lancement à la Hollande ? M. SPAAK. - Je crois que oui. M. de STAERCKE. - C'est dans le communiqué officiel. M. SPAAK. - A ma connaissance, le commandement militaire n'a pas encore fait de recommandation. Je vous ai lu un texte et je vous ai dit que le commandement devait faire ses recommandations. Celles-ci n'ayant pas été faites jusqu'à présent, aucun pays n'a été sollicité d'accepter une rampe de lancement. Il est vrai, je crois que j'ai lu, que le gouvernement hollandais a dit: si nous sommes sollicités, nous dirons oui. C'est une attitude admissible et même, comme quelqu'un, l'a dit hier, courageuse, parce qu'elle va à l'encontre d'un courant de l'opinion publique que je m'efforce de détruire, mais qui me parait assez fort.. Je vous pose la question, quelqu'un ne peut-il pas me dire pourquoi il faut renoncer à ces rampes de lancement. ? Vous êtes tous des représentants de l'opinion publique, pourquoi vos lecteurs veulent-ils que nous renoncions ? Question. - Parce que cela tombe chez les autres. M. SPAAK. - Voilà ce qu'il faut répondre. Je connais un des arguments: nous sommes contre les rampes de lancement; je ne dis pas que c'est une position d'un courage fantastique, parce que la rampe de lancement est devenue un objectif obligé, c'est-à-dire qu'en cas de guerre, il est clair que l'adversaire essaiera de détruire la rampe de lancement. Bon, c'est vrai. Mais cet argument n'aurait de valeur que si c'était le seul objectif qui allait être attaqué atomiquement Si c'était un moyen d'éviter l'attaque atomique, on pourrait dire soit, il y a là encore vaguement quelque chose. Mais croyez-vous que les grands ports, les grandes capitales, les grandes villes où se trouvent les gouvernements et les concentrations de militaires, les adversaires éventuels vont les attaquer à la mitrailleuse et qu'en Belgique la bombe soit lancée sur une rampe de lancement ou sur un grand port ? Question. - La raison principale pour établir des rampes de lancement en Occident était de pouvoir détruire les rampes de lancement de l'autre côté. Dès lors, - je suis Hollandais - étant donné que mes compatriotes montrent un courage que les Belges n'affichent pas, n'est-on pas en droit de dire que c'est un peu excessif de leur part ? M. SPAAK. - Personnellement, je ne le crois pas, parce que je penses que l'existence de rampes de lancement sur un territoire ne changera pas grand chose aux résultats sur le pays même, de la guerre atomique s'il y a une guerre atomique, et que l'adversaire a décidé d'attaquer l'Europe, car on n'attaquera pas un pays, ce ne sera pas une guerre entre un adversaire éventuel que je ne nomme jamais, et la Hollande, cette guerre-là n'est pas concevable, ce sera une guerre entre l'adversaire éventuel et l'ensemble des pays de l'OTAN. Si c'est une guerre atomique, il y a peu de chance de croire que seuls recevront des bombes atomiques, ceux qui auront des rampes de lancement et des objectifs militaires importants. Je prends par exemple, les ports. Je ne veux pas faire peur aux Anversois, mais les ports sont des objectifs militaires aussi importants que les rampes de lancement, Pourquoi celles-ci seraient-elles les seuls objectifs obligés ? Je me trompe peut-être, mais je ne comprends pas. Question - Les autres adversaires des rampes de lancement - je ne parle pas des communistes - partent généralement du postulat que l'installation des rampes de lancement détériorerait en quelque sorte leur situation diplomatique qui n'est déjà pas si intéressante actuellement. M.
SPAAK. - Ceci est tout à fait autre chose. Il s'agit de savoir s'il faut
aujourd'hui - c'est peut-être un peu fort optimiste - au moment ou en parle
de négociations avec les Russes, s'il faut choisir ce moment pour établir
des rampes de lancement. C'est une question qu'on peut discuter. Permettez-moi
de dire que ce moment n'est pas encore arrivé, puisqu'il faut savoir quel
est l'avis des autorités militaires et il y aura encore beaucoup de choses
à faire avant que les rampes de lancement soient établies. Question. - Par quel moyen le commandement militaire sera-t-il averti qu'ils demandent l'installation de rampes de lancement ? M. SPAAK. - Rien ne l'arrête, le commandement
militaire est prié de faire des propositions aussi rapidement que possible. Question. - II a déjà-été prié ? On avait parlé du mois de mars. M. SPAAK. - Non, le mois de mars, c'est autre chose, c'est le mois des conférences militaires- Je ne sais pas si à ce moment-la nous aurions des propositions précises du commandement supérieur pour l'installation des rampes de lancement. Question. - Pour en revenir
à la question des frais de stationnement, serait-il préférable,
à votre avis, de régler cette question au sein de l'O.T.A.N. même,
c'est-à-dire par négociations communes ou plutôt par des négociations
entre l'Allemagne et les états intéressés ? M. SPAAK. - Là-dessus, la position est précise. Cela doit être règle au sein de l'O.T.A. N. Ce n'est pas un problème germano-britannique c'est un problème 0. T.A. N. Question. - Peut-on s'attendre à la création d'une caisse commune à laquelle chaque pays membre verse sa cotisation ? M. SPAAK. - Je ne peux pas vous répondre qu'on peut s'y attendre. Ce serait une solution, Question. - La solution ? M. SPAAK. - II y en a bien d'autres. Je ne peux pas vous dire qu'on Voilà,
messieurs" je vous remercie. - La séance est levée
à 18 h. 20.
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