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Mise à jour : 8-février-2001 | Revue de l'OTAN |
Edition Web
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Quel avenir pour la Bosnie?Gerald Knaus et Marcus Cox dressent
un bilan de la paix en Bosnie cinq ans aprs la fin des combats et analysent
les perspectives d'un processus autonome.
Le cinquime anniversaire de l'Accord de Dayton arrive un moment particulirement heureux pour la rgion des Balkans. Les rgimes de Slobodan Milosevic et Franjo Tudjman, les dirigeants nationalistes qui avaient cherch faire natre par la force une Grande Serbie et une Grande Croatie des ruines de l'ex-Yougoslavie, ont t rejets sans appel par leurs propres peuples et remplacs par des gouvernements souhaitant ramener les deux Etats au sein de l'Europe. La Bosnie-Herzgovine (la Bosnie) n'est ds lors plus pige par des voisins prdateurs et fauteurs de troubles, et les perspectives d'une paix long terme n'y ont apparemment jamais t meilleures. La Bosnie vit pourtant dans un climat de pessimisme. Un rcent sondage d'opinion a indiqu que 70 pour cent des jeunes quitteraient le pays s'ils en avaient la possibilit. Bien que les Bosniaques fassent de plus en plus passer les problmes d'emploi avant les conflits ethniques, les grands partis continuent, eux, faire passer des programmes politiques courte vue et souvent exclusifs avant les multiples besoins criants de la population. Les lections de novembre 2000, dont une partie de la communaut internationale avait espr qu'elles prendraient la forme d'une opposition entre modrs rformateurs et nationalistes conservateurs, se sont en fait traduites par une sanction contre les personnalits en place, indpendamment de leur appartenance politique. Le Parti social-dmocrate (SDP), modr, a remplac le Parti d'action dmocratique, longtemps au pouvoir, en tant que force politique dirigeante dans les rgions du pays domines par les Bosniaques musulmans (les Bosniaques). Cependant, dans les parties du pays domines par les Serbes, o un gouvernement appuy par les Occidentaux et dirig par le premier ministre Milorad Dodik tait au pouvoir depuis 1998, le parti fond par Radovan Karadzic, accus de crimes de guerre, le Parti serbe dmocratique, nationaliste, est parvenu rebondir et remporter les lections. La Mission de paix internationale se trouve prsent devant un certain nombre de choix extrmement dlicats. Comment peut-elle adapter ses politiques un environnement o les principaux partis continuent contester la lgitimit de base des institutions pour lesquelles les lections sont organises? Que peut-elle conclure de l'chec rpt de l'action visant soutenir tel ou tel favori? Et comment les rformes constitutionnelles et administratives graduelles et long terme ncessaires pour stabiliser le systme politique peuvent-elles se poursuivre alors que les recettes publiques sont menaces d'effondrement et que la volont de la communaut internationale de centrer son attention sur la Bosnie est en recul? Est-il possible de fondre les forces politiques rivales en un Etat suffisamment efficace temps pour conjurer une crise conomique grandissante et les dfis auxquels se heurte l'ide mme d'un Etat bosniaque? Jusqu'ici, le double dfi consistant redresser le pays aprs une guerre dvastatrice et faire passer un systme communiste une conomie de march a dpass les possibilits des fragiles institutions de l'Etat. Malgr l'octroi d'une aide internationale la reconstruction de plus de USD 5 milliards, le PIB de la Bosnie est encore infrieur la moiti de ce qu'il tait avant le conflit. Le taux de chmage reste lev, et, avec des salaires moyens se situant nettement en dessous des besoins de subsistance des familles, plus de 60 pour cent de la population vit dans la pauvret. Les investisseurs trangers gardent leurs distances, dcourags par la lenteur de la privatisation, la faiblesse du systme juridique et l'existence d'une foule de rglements inutiles. Certains gouvernements, dont celui de la Republika Srpska, parviennent peine assurer le service de leur dette extrieure d'un mois sur l'autre. Les efforts dploys pour stopper la rcession conomique ont t rendus vains par la faiblesse des institutions publiques aux nombreux niveaux de gouvernement de la Bosnie. Ds le dpart, l'Accord de Dayton a t considr comme un difficile compromis, qui la fois crait un Etat ayant tout juste assez de fonctions centrales pour tre digne de ce nom et garantissait l'autonomie des trois communauts par un systme complexe de partage du pouvoir entre ethnies. Les fonctions de l'Etat sont parpilles entre deux entits, dix cantons fdraux, 149 municipalits et le district sous administration internationale de Brcko. La plupart de ces niveaux de gouvernement constituent des innovations et souffrent cruellement d'un manque de fonctionnaires et d'organes excutifs comptents. L'ensemble de la structure est si complexe et si peu efficace que, trop souvent, personne ne prend la responsabilit d'aborder les problmes sociaux et conomiques de premire urgence. Etant donn la faiblesse des organes constitutionnels, le vritable pouvoir est exerc en coulisse, loin des regards de l'opinion et de tout processus dmocratique. L'exemple le plus flagrant de ce pouvoir parallle est celui de la rpublique bosno-croate autoproclame d'Herzeg-Bosna, qui, bien qu'officiellement dissoute en 1994, continue exercer un contrle de facto sur les institutions et les finances publiques croates. En novembre 2000, l'Assemble populaire croate, organisme dpourvu d'existence constitutionnelle, a lanc un rfrendum sur le statut du peuple croate, en menaant de se constituer en gouvernement parallle si ses exigences taient rejetes par la communaut internationale. Dans la Fdration de Bosnie-Herzgovine, des institutions prsentes comme multiethniques sont en fait scindes en lments bosniaques et croates, qui ne communiquent gure entre eux. Au niveau de l'Etat, les reprsentants lus mnent une action qui a souvent pour seul but d'empcher l'Etat de jouer un vritable rle politique. Aussi longtemps que persistera la faiblesse des structures administratives
de base, les lections ne pourront pas vraiment permettre la mise en place
de gouvernements responsables. Au cours des cinq dernires annes, la
communaut internationale a organis six sries de scrutins, comme si
elle relanait constamment les ds dans l'espoir d'arriver un meilleur
rsultat. Les efforts qu'elle a dploys pour trouver des modrs ont
t vains, et des candidats qui avaient sa faveur, comme le Premier ministre
de la Republika Srpska, Milorad Dodik, se sont rvls dcevants une fois
arrivs au pouvoir. Chez les Bosniaques, le SDP multiethnique de Zlatko
Lagumdzija jouit d'une popularit grandissante. Cependant, sa base lectorale
se situe principalement au niveau des municipalits et des cantons, et
il ne dispose que d'un appareil administratif extrmement faible et fragment,
de sorte qu'il est mal plac pour raliser des rformes substantielles
bref dlai. Dans les rgions prdominance serbe et croate, malgr
le dsenchantement largement suscit par le processus politique, l'lectorat
continue de ramener au pouvoir les partis nationalistes de l'poque des
conflits. Devant les pitres rsultats obtenus par les institutions du pays, la Mission internationale a occup une plus large place, au point que le Bureau du Haut Reprsentant (OHR) et l'Organisation pour la scurit et la coopration en Europe (OSCE) sont devenus les principaux piliers de l'ordre constitutionnel. Ne pouvant se retirer sans risquer de provoquer l'effondrement de l'Etat, mais ne pouvant pas non plus transmettre ses responsabilits aux autorits nationales, la Mission se trouve prsent dans un rle qu'elle n'a jamais souhait jouer. Dans la premire phase du processus de paix, les tches de la Mission internationale taient fixes suivant les conceptions traditionnelles des Nations Unies en matire de maintien de la paix, avec le soutien d'une force militaire d'une importance inhabituelle. L'Accord de Dayton comportait un calendrier dtaill concernant les obligations militaires, et, disposant de 60 000 hommes, la Force de mise en vre (IFOR) dirige par l'OTAN a veill ce que ces obligations soient scrupuleusement respectes. Les forces internationales se sont rapidement dployes le long des lignes de cessez-le-feu, en sparant physiquement les armes en prsence, en cantonnant les armes et en dmobilisant les forces de manire les ramener aux niveaux du temps de paix. Des accords dtaills sur l'quilibre des forces et une troite surveillance par l'IFOR des mouvements militaires ont rduit les problmes de scurit qui se posaient entre les parties. Le programme de formation et d'quipement ralis par des contractants amricains en dehors de l'OTAN a donn aux militaires une dimension fdrale propre crer un quilibre des forces entre les anciens belligrants. Le Groupe international de police a accompli, dans son domaine, le mme travail de rationalisation et d'quilibrage. La communaut internationale s'est lance dans la reconstruction d'un pays ravag par la guerre avec une remarquable nergie. A la fin de la guerre de Bosnie, plus de 2 000 kilomtres de routes, 70 ponts, la moiti du rseau d'alimentation lectrique et plus d'un tiers des maisons d'habitation avaient t dtruits. Devant les normes difficults logistiques rencontres, la Banque mondiale et la Commission europenne ont coordonn la ralisation d'un programme de reconstruction d'un montant de USD 5,1 milliards. En 1999, plus d'un tiers des habitations avaient t remises en tat et la plupart des infrastructures urbaines avaient t rtablies aux niveaux qui existaient avant la guerre, des lignes tlphoniques, des moyens d'alimentation en lectricit et des services d'adduction d'eau au nombre d'coles primaires par lve. Ce fut dans ces tches pratiques que la Mission internationale connut ses plus grands succs. Son programme politique tait plus modeste, car il se limitait organiser des lections dans des dlais aussi courts que possible. Les lections taient considres comme indispensables pour faire disparatre les extrmistes de la scne politique et ouvrir une re nouvelle de dmocratie librale. Elles constituaient galement une premire tape ncessaire la mise en place des nouvelles institutions de l'Etat. Ce qui arriva, ce fut que les dirigeants nationalistes de l'poque de la guerre se trouvrent remis en selle par les lections successives, avec les pouvoirs accrus et la lgitimit que leur confraient leurs nouveaux mandats constitutionnels, ce qui n'a pas laiss la communaut internatio-nale d'autre choix que de conduire sa mission en partenariat avec ceux-l mmes qui avaient t les protagonistes de la guerre. Tant que la communaut internationale affecta des sommes considrables la reconstruction du pays, la Mission de paix ne connut que peu de problmes. Mais lorsqu'elle eut rpondu aux besoins militaires et humanitaires immdiats pour s'intresser ensuite la cration d'un Etat viable, la communaut internationale se heurta une intense rsistance politique. La Bosnie de l'aprs-guerre tait en fait divise en trois zones territoriales, dlimites par les lignes de cessez-le-feu. Chacune bnficiait d'une indpendance fonctionnelle en termes politiques et conomiques et tait dirige par une administration distincte place sous le contrle de l'une des trois armes. Comme dans tout conflit de longue dure, ces quasi-Etats s'taient dots de structures de pouvoir profitant des anomalies nes des conditions de guerre, structures qui sont devenues fortement rsistantes au changement. Ces rgimes comportaient des lments troitement lis aux milieux de la contrebande et du crime organis, qui permettaient aux diffrents dirigeants politiques de s'enrichir et d'asseoir leur puissance. En combinant les menaces de violences et les promesses de rcompenses en gnral, le partage du butin de la guerre et l'attribution d'emplois dans le secteur public ceux-ci ont pu monopoliser le pouvoir politique au sein de leur propre groupe ethnique. Dans la tradition de l'ancien Parti communiste yougoslave, les partis nationalistes ont eu recours aux rseaux d'amitis politiques pour tenir les institutions publiques sous leur coupe. Ces structures de pouvoir de l'poque de la guerre ont domin la vie politique dans la Bosnie d'aprs le conflit. Ce qui passait, aux yeux des observateurs extrieurs, pour une haine insurmon-table entre ethnies n'a souvent t, en fin de compte, qu'une mani-pulation politique grossire et intresse. L'lite politique s'est servie de la rhtorique nationaliste pour s'assurer le contrle de sa propre population, en jouant sur les peurs collectives pour cimen-ter les frontires entre les groupes ethniques. Presque tous les objectifs internationaux qui allaient au-del de la distribution de l'aide, tels que l'assistance au retour des rfugis ou la cration d'un espace conomique commun, reprsentaient une menace pour les structures de pouvoir nationalistes et se sont heurts une farouche opposition. Enferme dans une impasse sur la plu-part des fronts, la Mission internationale a d se contenter d'ac-complir ce qui pouvait l'tre dans pareil environnement, c'est--dire la reconstruction matrielle. Comme il fallait s'y attendre, l'affectation de sommes considrables l'aide la reconstruction avec un minimum de rformes politiques ou institutionnelles n'a fait que renforcer encore les structures de pouvoir nationalistes. C'est la persistance de ces systmes parallles qui a entrav l'tablissement de l'Etat bosniaque. Le vrai pouvoir s'exerait en coulisse. Rien n'incitait les partis nationalistes permettre que le contrle de leurs affaires soit transfr de nouvelles institutions dont ils ne pouvaient avoir la certitude d'tre matres. Par la simple tactique consistant refuser de participer, ils ont fait en sorte que les institutions de l'Etat restent surtout un thtre offert aux politiques nationalistes. Cinq ans aprs, les structures de pouvoir nationalistes sont en train de se fragmenter, sous l'effet des ractions d'une population lasse de la guerre et d'un invitable retour la normale dans la rgion. Dans la Republika Srpska, le rgime de Karadzic a commenc se dsagrger l'poque de l'Accord de Dayton, aprs la rupture entre Pale et Belgrade. Les forces de scurit prives sur lesquelles Karadzic avait assis son rgime de prdateurs cotaient trs cher. Quelques oprations internationales bien cibles visant dmanteler ses rseaux de contrebande, ainsi qu'une campagne politique concerte mene pour le contraindre abandonner ses fonctions, l'ont finalement cart du pouvoir. La rpublique croate autoproclame d'Herzeg-Bosna a dur plus longtemps, mais aujourd'hui, elle souffre cruellement de la perte de revenus en provenance de Croatie aprs la dfaite de l'Union dmocratique croate (Hrvatska demokratska zajednica, ou HDZ) de feu le prsident Tudjman aux lections du dbut de l'anne 2000. Avec la disparition progressive des subventions extrieures, les structures parallles sont de moins en moins capables d'offrir des services publics de base, sans parler des pots-de-vin dont dpend leur influence. Il s'ensuit des divisions au sein de l'appareil politique. Quelques personnalits de la HDZ bosniaque se rapprochent prsent de l'Etat et de la communaut internationale, en qute d'une source de revenus plus sre. En revanche, la direction du parti, emmene par Ante Jelavic, a choisi la voie de la confrontation outrance avec la communaut internationale et menace de se retirer de toutes les institutions Si ce processus de dgradation offre de relles possibilits de progrs, il reprsente galement un risque pour le processus de paix. Les partis nationalistes demeurent assez forts pour faire en sorte d'entretenir la crise de gouvernance tous les niveaux de l'Etat bosniaque. Alors que les anciens systmes s'effondrent, les structures constitutionnelles lgitimes ne sont nullement prtes prendre la relve. Les deux entits ont des finances publiques chaotiques, des fonds de pension en faillite et des secteurs publics plthoriques et inefficaces; la corruption rgne, et il n'existe ni les comptences ni, semble-t-il, la volont politique ncessaires pour entreprendre les rformes conomiques dont le pays a tellement besoin. Ds lors, si les jours des partis nationalistes monolithiques sont sans doute compts, ces partis sont remplacs, non pas par une dmocratie librale, mais par un factionalisme et une dgradation des institutions qui vont grandissant. Quelle que soit la sincrit de ses intentions de rforme, un nouveau gouvernement va devoir mener de rudes combats dans un contexte caractris par la faiblesse des institutions, la diminution des ressources et l'opposition de nombreux milieux. Au moment mme o les changements intervenus en Croatie et en Serbie donnent penser que le danger d'une reprise des hostilits s'est loign, la Bosnie risque de voir un Etat dont la faiblesse est chronique s'effondrer sous le poids d'une crise conomique et politique croissante. Due par les dissimulations constantes des politiciens de Bosnie, la communaut internationale s'est attribu une srie de nouveaux pouvoirs d'une grande importance. Le Haut Reprsentant, que l'Accord de Dayton avait d'abord cantonn dans un modeste rle de coordination, a t investi de fonctions au sein du pouvoir lgislatif central. En dcembre 1997, le Conseil de mise en vre de la paix, l'instance intergouvernementale qui supervise la mission, l'a autoris imposer des lois et dmettre les fonctionnaires qui font obstacle au processus de paix. Les pouvoirs ainsi attribus au Haut Reprsentant se sont rvls extrmement utiles lorsqu'il s'est agi de contourner des institutions nationales impuissantes. C'est seulement grce ces pouvoirs que des progrs ont pu tre raliss dans des domaines tels que le contrle des mdias officiels, qui taient aux mains des partis nationalistes, l'introduction d'une monnaie commune ou la restitution de leurs droits immobiliers et fonciers aux personnes qui avaient t l'objet d'une puration ethnique au cours de la guerre. Le droit de lgifrer accord au Haut Reprsentant a d'abord t contest, mais il est maintenant entr dans les moeurs, et il ne suscite que peu de ractions de la part des lites publiques ou politiques de Bosnie. Il soulve cependant une srie de questions concernant la fois l'application de diverses lois et l'volution du systme constitutionnel. Les contraintes existant en matire d'administration et de ressources crent autant de problmes pour les lois imposes que pour celles qui sont normalement adoptes. Il est, par exemple, impossible de crer par dcret un systme douanier ou judiciaire efficace, et les programmes internationaux labors dans ces domaines ont fait apparatre la ncessit de solides stratgies de suivi. Les succs enregistrs en ce qui concerne la lgislation foncire impose par l'OHR sont le fruit d'un important travail de gestion visant faire en sorte que les services municipaux du logement appliquent effectivement les nouvelles lois. Dans le district sous administration internationale de Brcko, le principal obstacle une action internationale d'envergure n'est plus l'opposition des milieux nationalistes; il tient la dangereuse insuffisance des ressources ncessaires pour maintenir en vie une structure institutionnelle complexe. D'une faon gnrale, l'imposition de lois cre un cart toujours grandissant au niveau de la mise en vre, ce qui, moyen terme, a pour effet de saper plutt que de renforcer la confiance dans le systme juridique. Par ailleurs, des lments extrieurs sont, tout autant que les forces politiques de Bosnie, constamment tents de faire pression sur le Haut Reprsentant pour obtenir qu'il impose une loi destine rsoudre un problme spcifique court terme ou aider tel ou tel favori politique. Or, au lieu de renforcer la confiance dans les nouvelles institutions, cela risque d'avoir sur elles un effet totalement nfaste, le caractre arbitraire des rgimes prcdents se trouvant alors remplac par celui de la communaut internationale. Le rgime de tutelle reprsente une nouvelle arme pour les interventions internationales, et, cet gard, la Bosnie constitue un terrain privilgi. En fin de compte, il ne peut tre considr comme lgitime que s'il se traduit par la cration d'un Etat en mesure de bien fonctionner, ce qui le rend alors superflu. La tche de la Mission internationale est prsent d'ordre architectural, en ce sens qu'il s'agit pour elle de crer des structures qui resteront en place lorsque les soutiens extrieurs auront disparu. Pourtant, les pouvoirs du Haut Reprsentant n'ont rien de magique. Ils ne lui permettent pas de faire natre, par sa seule volont, un Etat digne de ce nom. En Bosnie, rares sont les organismes internationaux ayant une grande exprience des modalits pratiques de la mise en place d'institutions, qui exige des connaissances approfondies au niveau sectoriel. Les diffrents organismes ont tendance se contenter de poursuivre laborieusement les tches de maintien de la paix qui leur sont familires: la reconstruction, les actions de surveillance et l'organisation d'lections en srie. La question est de savoir si, ce stade, la Mission internationale peut russir dans des voies nouvelles. S'agissant de la mise sur pied d'institutions, certaines initiatives ont eu de remarquables rsultats. Une Banque centrale a t cre; place sous la direction d'un gouverneur international, elle a introduit avec succs une nouvelle monnaie en 1998. Un programme intensif men de longue date par le Bureau de l'Union europenne pour l'assistance douanire et fiscale en vue de rformer l'administration douanire s'est rvl trs fructueux. La Commission pour les mdias indpendants, nouvelle instance charge de dlivrer les autorisations ncessaires pour les missions de radio et de tlvision, contribu promouvoir l'indpendance des journalistes. Au niveau municipal, les efforts dploys pour crer des structures administratives locales capables de faire appliquer les lois foncires portent peu peu leurs fruits. Dans tous ces cas, il a fallu une vision stratgique claire quant la faon de faire jouer diffrentes formes de pression internationale pour rsoudre un problme complexe. La communaut internationale doit maintenant examiner en dtail les structures requises pour mener bien le projet d'dification d'un Etat. En mai 2000, le Conseil de mise en vre de la paix a dress une liste d'institutions essentielles dont la cration devrait tre tudie en priorit. Celles-ci concernent notamment la mise en place d'organismes de rglementation centraux dans les secteurs d'activit en rseau tels que les tlcommunications, l'nergie et les transports, d'une fonction publique indpendante et professionnelle, et de sources de revenus garantis pour l'Etat. Si elle veut rpondre ce dfi, la Mission internationale devra dpasser ses affrontements avec les lments rsiduels des rgimes de l'poque de la guerre pour commencer tablir des institutions appeles superviser un processus d'volution constitutionnelle visant crer un Etat digne de ce nom et considr comme lgitime par l'opinion publique bosniaque. Les documents d'analyse de l'ESI sur l'Europe
du sud-est
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