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Mise à jour: 07-Nov-2000 Revue de l'OTAN

Edition Web
Vol. 48 - No. 2
Eté - Automne
2000
p. 23-25
 
 

Rflexions de Roumanie

Radu Bogdan voque les aspirations de la Roumanie se joindre lUnion europenne et lOTAN, ainsi que le programme de rformes en cours dans son pays.

Radu Bogdan est directeur de Nine OClock, quotidien de Bucarest en langue anglaise.


En rang pour lOTAN: la Roumanie a t la premire se joindre au Partenariat pour la paix.
(Photo Belga - 34Kb)

Les efforts dploys par la Roumanie pour se joindre aux institutions europennes et euro-atlantiques, qui remontent la rvolution de 1989, ont commenc porter leurs fruits. Admise au Conseil de lEurope en 1993, la Roumanie va, en 2001, assumer la succession de lAutriche la prsidence de lOrganisation pour la scurit et la coopration en Europe. Mais lappartenance lUnion europenne et lOTAN, promotrices et garantes par excellence du dveloppement et de la prosprit en Europe, demeure son objectif suprme. En outre, la prparation une ventuelle adhsion est juge utile la modernisation du pays.

Un Accord dassociation avec lUnion europenne a t sign en fvrier 1993, et une demande dadhsion prsente en 1995. En dcembre dernier, lors de leur Sommet dHelsinki, les dirigeants de lUE ont invit la Roumanie ainsi que la Bulgarie, la Lettonie, la Lituanie, Malte et la Slovaquie engager des pourparlers daccession en 2000. Cependant, le pays doit faire face des dfis conomiques qui impliquent des rformes particulirement difficiles et ne lui donnent que peu de chances dtre en mesure de rattraper suffisamment son retard pour obtenir une admission prochaine.

Une pauvret sculaire laquelle se sont ajouts la mauvaise gestion du rgime communiste avant 1989 et, plus rcemment, des troubles sociaux et une rsistance aux rformes ont laiss lconomie roumaine dans un triste tat. Le produit intrieur brut a chut pendant plusieurs annes, avec des baisses de production la fois dans lindustrie et dans lagriculture. Mme si certains indices permettent dentrevoir un dbut de relance, lconomie a accus un recul de 4,6 pour cent lan dernier, et lon ne peut sattendre qu un lger redressement en 2000. Linflation est en train de diminuer, mais elle dpasse encore les 40 pour cent, et le taux de chmage officiel a doubl depuis 1996, pour atteindre 12 pour cent. Nombre de grandes entreprises travaillant perte doivent tre privatises ou restructures. Des rformes doivent tre apportes durgence dans le secteur bancaire et financier, en particulier si lon veut attirer des investissements trangers.

Pourtant, malgr les craintes que lon pouvait avoir, la Roumanie est parvenue assurer le service de sa dette extrieure, et, au mois de juin de cette anne, le Fonds montaire international a approuv lextension du dlai de remboursement dun prt de USD 535 millions et lallocation dune tranche de USD 116 millions. Les autres financements internationaux dpendaient de la disponibilit de ces crdits. Lconomie devrait finalement tre renforce par la discipline budgtaire impose par le FMI et par la stratgie de dveloppement conomique moyen terme que la Roumanie a adopte dans le contexte de ses pourparlers daccession lUE. Cette volution devrait galement contribuer gnrer les ressources qui seront ncessaires pour raliser les objectifs de rforme en matire de dfense que la Roumanie sest fixs dans le cadre de sa prparation une ventuelle adhsion lOTAN.

La Roumanie a t le premier pays se joindre au programme du Partenariat pour la paix de lOTAN, en janvier 1994. Elle a toujours t lun des participants les plus actifs aux divers exercices et activits du Partenariat, ainsi quaux consultations politiques et aux initiatives en coopration du Conseil de partenariat euro-atlantique. Cette double participation est considre comme un moyen douvrir la voie de lappartenance lOTAN, ainsi que de traiter les problmes de la scurit rgionale en dveloppant les structures de coopration de lOTAN.

Dune faon gnrale, les milieux parlementaires et lopinion sont largement favorables aux aspirations du pays une adhsion lOTAN. Cependant, les implications des rformes que ncessite la prparation cette adhsion nont peut-tre pas encore t pleinement mesures, et elles risquent de susciter finalement une certaine rsistance. Lunanimit des partis en faveur de lOTAN et de son action sest trouve compromise par les consquences conomiques de la crise du Kosovo, et en particulier par le blocage du Danube. De plus, une partie de la population sest leve contre la campagne arienne mene par les Allis.

Malgr le risque encouru sur le plan politique, le gouvernement roumain ne sest pas dparti de son ferme soutien lAlliance. Comme la soulign le Ministre des affaires trangres, M. Petre Roman, la Roumanie a prouv sa solidarit avec lOTAN en prenant des risques aux cts des Allis. Elle a accord lOTAN le libre accs de son espace arien, tabli de nouvelles voies de communication avec lAlliance et autoris le transit de troupes de lOTAN ainsi que linstallation dquipements OTAN de gestion de lespace arien sur son territoire.

Lun des enseignements tirs de la crise du Kosovo est que la scurit europenne est indivisible et que seule une action commune peut permettre de rsoudre, ou au moins de matriser, les nouveaux problmes poss en matire de stabilit. La crise et ses suites, dont le dploiement de la force de maintien de la paix dirige par lOTAN, la KFOR, ont aussi montr la valeur de la coopration dans le domaine de la scurit rgionale sous lgide du Conseil de partenariat euro-atlantique et du Partenariat pour la paix, ainsi que la ncessit den dvelopper le potentiel. Venir bout de la crise aurait t plus difficile, sinon impossible, sans la contribution des pays de la rgion.

Des conflits comme celui du Kosovo risqueraient moins dclater dans une rgion o les schmas euro-atlantiques de comportement prvisible aux niveaux national et international reposeraient sur des bases plus solides. La question dun nouvel largissement de lOTAN devrait donc tre traite dans le cadre dune politique plus gnrale visant promouvoir la stabilit et la dmocratie dans le centre et le sud-est de lEurope, et au-del. La perspective dune intgration dans lensemble euro-atlantique a dores et dj favoris le dveloppement de la dmocratie et lacclration des rformes conomiques dans les pays candidats ladhsion, y compris la Roumanie. Elle a galement favoris la coopration et le dialogue aux plans interne et international dans une rgion trop souvent en proie des oppositions de longue date.


Partager les risques: Petre Roman considre que la Roumanie a prouv sa solidarit avec lOTAN en prenant des risques aux cts des Allis.
(Photo Reuters - 17Kb)

Grce au Plan daction pour ladhsion lanc par lOTAN au Sommet de Washington davril 1999, la Roumanie et les autres pays qui esprent rejoindre lAlliance disposent prsent de points de repre devant leur permettre de se prparer exercer les droits et responsabilits lis au statut de membre de lOTAN.

Les neuf pays participants - lAlbanie, la Bulgarie, lEstonie, la Lettonie, la Lituanie, la Roumanie, la Slovaquie, la Slovnie et lex-Rpublique yougoslave de Macdoine (1) - ont tous soumis un programme national annuel de prparation une ventuelle adhsion future, portant sur les questions politiques et conomiques, les questions militaires et de dfense, les ressources, les questions de scurit et les questions juridiques. Chaque pays fixe ses propres objectifs, cibles et plans de travail. LOTAN suit les progrs accomplis, en apportant des conseils dordre politique et technique.

Si la participation ne garantit pas une adhsion future, le Plan daction est une expression concrte de la politique OTAN de la porte ouverte et engage les Allis aider les pays candidats gravir les marches qui mnent cette porte.

La Roumanie a rsolument relev le dfi. Le programme annuel de prparation ladhsion laide rationaliser les efforts quelle dploie et fixer des priorits dans laffectation de ressources peu abondantes. Le programme national concernant les activits qui entrent dans le contexte du Partenariat pour la paix a galement t adapt pour cadrer avec ce processus.

Une stratgie de scurit nationale refltant les principales dispositions des documents du Sommet de Washington a t prsente au Parlement. La mise en application du plan cadre pluriannuel pour la rforme du secteur de la dfense a t approuve par le Parlement en 1999. Conu en deux tapes, ce plan prvoit la restructuration des forces armes pour 2003 et la modernisation du matriel pour 2007. Les effectifs doivent tre ramens de 168 000 112 000 hommes dici 2003, et la proportion des militaires de carrire doit passer 71 pour cent, contre 55 pour cent actuellement. Les units doivent tre non seulement dune taille sensiblement rduite, mais aussi plus professionnelles et plus mobiles, et prsenter un haut niveau dinteroprabilit avec les forces de lOTAN. Parmi les premires priorits figurent la mise en place de forces et de moyens de raction rapide, en particulier dans le domaine des transports stratgiques ariens et maritimes, et le dveloppement de la coopration avec lOTAN en matire de dfense arienne.

On a cependant atteint un point critique o des dcisions politiques importantes mais difficiles doivent tre prises concernant la nouvelle structure du Ministre de la dfense et les plans visant rduire les effectifs des forces armes. Il faudra veiller attnuer les effets de cette restructuration, notamment en assurant le recyclage des officiers en surnombre. Il est galement envisag damliorer le systme national de gestion des crises et de rformer la gestion des ressources et la planification financire dans le secteur de la dfense.

La premire runion tenue avec le Conseil de lAtlantique Nord en vue dvaluer les progrs accomplis par la Roumanie a eu lieu le 6 avril. Le Ministre roumain des affaires trangres, M. Roman, a jug trs utiles les informations fournies en retour par les Allis, qui ont fait ressortir la ncessit dtablir les premires priorits sagissant de dvelopper la corrlation entre les ressources disponibles et les objectifs, ainsi que dassurer une meilleure coordination gnrale entre les diffrents ministres. La Roumanie pourrait aussi devoir tre prte revoir la baisse ses prvisions en matire de dpenses de dfense, en fonction des rsultats conomiques des annes venir. Il est surtout urgent, tant donn les choix difficiles et souvent impopulaires quil va falloir faire, que ces rformes essentielles soient perues comme telles par tous les responsables au niveau national.

Au plan politique, la Roumanie a beaucoup avanc depuis 1989. Dimportants progrs ont t raliss dans lapplication des principes dmocratiques et dans lamlioration des pratiques en ce qui concerne le rgne du droit, le respect des droits de lhomme et le traitement des minori-ts ethniques, principalement dorigine hongroise ou rom. En fait, des Hongrois de souche sont entrs au gouver-nement roumain en 1996. Il reste nanmoins dautres actions mener, notamment pour intensifier la lutte contre le crime organis et la corruption.

La Roumanie a dploy de grands efforts pour tablir de bonnes relations avec ses voisins. Des partenariats stratgiques ont t forms avec la Hongrie et la Pologne. Des arrangements trilatraux - avec la Bulgarie et la Turquie, la Bulgarie et la Grce, lUkraine et la Moldova - ont t pris pour rpondre aux nouveaux dfis et aux menaces pour la scurit caractre particulier, telles que le crime organis, le terrorisme international, limmigration clandestine et les trafics darmes et de stupfiants.

La Roumanie participe activement de multiples projets et plans de coopration au niveau rgional, ainsi quau Pacte de stabilit pour lEurope du sud-est institu par lUE et lInitiative sur lEurope du sud-est lance par lOTAN, et sa contribution aux forces de maintien de la paix diriges par lOTAN dans les Balkans constitue une nouvelle preuve de son attachement la paix et la stabilit dans la rgion. Un bataillon du gnie de 200 hommes et une section destine lUnit multinationale spcialise ont t dploys en Bosnie-Herzgovine dans le cadre de la SFOR, et un bataillon dinfanterie fait partie de la rserve stratgique. En novembre 1999, le Parlement a approuv lenvoi au Kosovo de 20 fonctionnaires de police et 20 officiers, ainsi que de personnel mdical, mais le personnel militaire doit encore tre dploy.

LOTAN sest engage revoir le processus dlargissement en 2002. Dans lintervalle, il y aura naturellement de multiples dbats. LAlliance pourrait-elle rester fonctionnelle si elle tait beaucoup plus largie? Combien de nouveaux membres devraient-ils tre invits sy joindre, dans quel ordre et quel rythme?

Il y a ensuite la vieille question de savoir comment concilier le dsir dintgrer les pays dsireux et capables de se joindre lOTAN et celui dtablir une relation constructive avec la Russie. Se flicitant de la rcente reprise du dialogue Russie-OTAN au Conseil conjoint permanent, M. Roman sest dit convaincu que ce cadre permettra la Russie de mieux comprendre que llargissement de lOTAN vise renforcer la scurit et la coopration en Europe et nest dirig contre aucun pays en particulier. Il a galement soulign que la Roumanie tait rsolue npargner aucun effort pour contribuer faire passer ce message la Russie.

Les proccupations lgitimes suscites par le processus dlargissement devront tre prises en compte. Cependant, les vnements rcents montrent fort bien qu laube du XXIe sicle, lAlliance ne saurait se contenter de maintenir simplement un environnement sr et stable sur son propre territoire. Pour pouvoir faire plus, elle doit aussi projeter la stabilit dans lensemble de la zone euro-atlantique. Etendre davantage le bouclier de scurit en invitant de nouveaux membres se joindre lOTAN - dans la mesure o ils rempliraient les conditions lies une adhsion - serait un bon moyen de rpondre cette ncessit, lOTAN restant alors dans son rle de porte-drapeau dune communaut de nations fonde sur les principes de la dmocratie, les liberts individuelles et le rgne du droit.

Cest prcisment ce message que les Ministres des affaires trangres des neuf pays candidats souhaitaient dlivrer lorsquils se sont runis et ont adopt la Dclaration de Vilnius, le 19 mai. En invitant ces pays se joindre elle - selon les mrites de chacun, bien sr - lOTAN deviendra, a dclar M. Roman, la promotrice dune stabilit europenne long terme et apportera ainsi une contribution dcisive la cration dune Europe libre, prospre et sans division.