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Mise à jour: 30-May-2000 | Revue de l'OTAN |
Edition Web
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Les relations
Russie-OTAN:
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![]() Vladimir Poutine, alors Prsident par intrim de la Russie ( droite), et Lord Robertson, Secrtaire gnral de l'OTAN, font une dclaration conjointe l'issue de leur rencontre Moscou, au Kremlin, le16 fvrier 2000. ( Photo Belga- 9Kb) |
A la fin mars 1999, les frappes de l'OTAN contre la Rpublique fdrale de Yougoslavie ont large-ment sem la consternation en Russie. L'emploi de la force non expressment sanctionn par une rsolution du Conseil de scurit des Nations Unies a t ressenti comme un grave prjudice, non seulement pour le droit de veto de la Russie, mais aussi pour l'influence relle de cette ancienne superpuissance sur la scne internationale. Moscou est apparue incapable d'empcher une opration militaire internationale de grande envergure dans une rgion qu'elle considre traditionnellement comme d'importance primordiale pour l'ensemble de sa position en Europe.
L'adoption du nouveau Concept stratgique de l'OTAN au Sommet de Washington, un mois plus tard, et la volont dclare de l'Alliance d'intervenir n'importe o en Europe en faveur de la stabilit et des droits de l'homme ont suscit de vives craintes quant aux endroits o l'OTAN pourrait dsormais frapper, qui seraient peut-tre encore plus proches des frontires de la Russie. De telles craintes n'ont pu que grandir quand, alors que la Russie dclinait l'invitation participer au Sommet de Washington, les dirigeants de la Gorgie, de l'Ukraine, de l'Ouzbkistan, de l'Azerbadjan et de la Moldova ont dcid de se rendre ce Sommet et de se runir entre eux dans la capitale amricaine.
L'action diplomatique de l'ancien Premier ministre russe Victor Tchernomyrdine, qui contribua finalement mettre fin la crise, n'avait jamais t bien accueillie par les lites de la Russie. Voulant tout prix avoir leur mot dire dans le rglement de la crise du Kosovo, les militaires russes lancrent par surprise sur l'aroport de Pristina 200 parachutistes qui taient bass en Bosnie-Herzgovine, dans le cadre de la SFOR. Pourtant, ce qui devait tre l une dmonstration de force ne fit, au bout du compte, que mettre en vidence la faiblesse des militaires russes.
A la fin de l'anne 1999, les relations entre la Russie et l'OTAN ne s'taient pas pleinement remises du coup que leur avait port la crise du Kosovo. On n'y parlait plus de partenariat. La coopration et le dialogue restaient limits aux deux oprations de maintien de la paix menes dans les Balkans, celles de la SFOR et de la KFOR. Dans les deux cas, l'interaction entre forces russes et OTAN tait gnralement bonne, mais cela ne suffisait pas imprimer l'lan ncessaire au rtablisse-ment intgral des relations.
Cependant, comme le dit un proverbe russe, ne bylo schastya, da neschas-tye pomoglo: si la chance fait dfaut, la malchance sert. Vers la fin de 1999, l'tat des relations de la Russie avec l'Ouest a encore empir, du fait, d'abord, du scandale li la corruption, puis, peu aprs, de la deuxime guerre de Tchtchnie. Du point de vue de la Russie, ces vnements ont clips les problmes rencontrs avec l'OTAN. La nouvelle guerre de Tchtchnie a galement aid les militaires russes se dbarrasser des stigmates de la dfaite que leur avaient inflige les rebelles islamistes et retrouver au moins une partie de leur confiance en eux-mmes.
En revanche, les critiques grandissantes des pays occidentaux l'gard du comportement de la Russie en matire de droits de l'homme dans le nord du Caucase ont fait surgir le spectre d'un isolement de Moscou au plan international pour la premire fois depuis la fin de la Guerre froide. Il y a l une ralit que Vladimir Poutine, le nouveau Prsident de la Russie, doit prendre au srieux s'il veut vraiment travailler la prosprit de la Russie et son intgration dans le contexte mondial.
Le dbut d'une re nouvelle implique un nouveau dpart. Le gouvernement russe a peut-tre retir quelque satisfaction et aussi un certain soutien lectoral du fait qu'il s'est montr insensible aux appels de l'Ouest l'arrt des combats en Tchtchnie, mais il a maintenant un urgent besoin de se rconcilier avec les Occidentaux, pour de multiples raisons d'ordre financier, conomique et politique. Aucune condition n'est, ni ne doit tre, mise cette rconciliation.
![]() Igor Sergueev, Ministre russe de la dfense ( droite), a un entretien en tte tte avec Nikola Patroustchev, Chef du Service de la scurit intrieure, au cours de la runion du Conseil de scurit, Moscou, o a t approuve la nouvelle doctrine militaire de la Russie, le 4 fvrier 2000. (Photo Reuters - 8Kb). |
L'ironie de la situation est qu'il peut tre plus facile Moscou de renouer de larges contacts avec l'OTAN que de recevoir un satisfecit de ses instances nagure prfres, comme l'Organisation pour la scurit et la coopration en Europe (OSCE) ou le Conseil de l'Europe, qui se sont intresss de faon beaucoup moins discrte aux vnements de Tchtchnie. C'est ainsi que le Secrtaire gnral de l'OTAN, Lord Robertson, a pu effectuer, en fvrier 2000, une visite Moscou, o il a rencontr Vladimir Poutine, alors Prsident par intrim, et ngoci une dclaration conjointe sur le rtablissement intgral des relations entre l'Alliance et la Russie.
Cependant, jusqu' quel point de leurs relations les deux parties retourneront-elles pour recoller les morceaux? Les deux annes d'activit du CCP n'ont pas laiss de trs bons souvenirs, ni de bon modle de travail pour une coopration progressivement plus troite. Et surtout, il faut bien voir que les relations avec l'OTAN ont peu de chances de constituer une priorit pour les dirigeants politiques de la Russie dans l'avenir prvisible. Quant aux chefs militaires, ils sont rsolus construire la scurit de leur pays contre l'Alliance autant qu'avec elle.
Les esprances doivent donc rester modestes, mais la passivit n'est pas de mise. En Russie, le gouvernement comme les militaires constatent que, pour leur pays, les problmes de scurit les plus graves se situent dans la rgion du sud. Certes, cette rgion voit galement s'affronter des intrts russes et occidentaux d'ordre commercial et aussi gopolitique, selon nombre d'observateurs. Pourtant, il existe indniablement un assez large terrain d'entente entre les deux parties sur des questions telles que la lutte contre le terrorisme international et le crime organis, y compris les trafics de drogues et d'armes, et contre une nouvelle prolifration des armes de destruction massive. Ces questions figurent au premier plan du texte, rcemment approuv, du concept de scurit nationale de la Russie.
En Europe mme, beaucoup reste faire pour renforcer l'activit conjointe visant rgler les conflits qui ont clat en Bosnie, et particulirement au Kosovo, o le problme de la souverainet et la situation prcaire de la minorit serbe sont dj devenus des points d'achoppement. Dans le domaine des armements conventionnels, les mesures de confiance doivent galement retenir l'attention. Les potentialits d'une coopration entre producteurs d'armes occidentaux et russes sont videmment difficiles mesurer, mais il importe de les tudier.
D'un point de vue pratique, la Russie pourrait raisonnablement lever peu peu les restrictions imposes aux contacts avec l'Alliance et revoir l'ensemble de ses liens avec l'OTAN. Maintenant que les relations sont officiellement rtablies, des reprsentants des deux parties devraient se runir pour tudier les applications futures de l'Acte fondateur.
Un rexamen approfondi des dispositions de l'Acte permettrait chacune des deux parties de dterminer les besoins rels et de fixer des priorits, qui pourraient alors tre harmonises et prendre la forme d'un plan de travail viable. Certains lments datant de la priode prcdente pourraient ne pas tre repris dans les nouvelles relations. La Russie, par exemple, n'est que peu intresse par certaines des activits du Partenariat pour la Paix. Elle a cependant exprim un intrt manifeste pour d'autres formes de coopration et de dialogue, qui devraient tre dveloppes et rsolument mises en pratique.
Un tel plan pourrait notamment inclure une analyse comparative des documents directeurs (concepts en matire de stratgie et de scurit nationale et doctrine militaire) adopts par l'Alliance et la Fdration de Russie depuis que leurs relations se sont dgrades. Une srie de runions d'experts conduisant un sminaire de haut niveau pourrait aider tablir certains rapports. Un autre sujet de dialogue pourrait tre la situation en matire de scurit dans l'Asie centrale et en Afghanistan si l'OTAN parvient apaiser les craintes de la Russie de voir l'Alliance chercher supplanter Moscou comme patronne de la scurit dans la rgion.
Parmi les questions de nature moins conceptuelle, mais d'ordre hautement pratique, figurent l'amlioration de la sret nuclaire, la protection de l'environnement, l'tat de prparation aux situations d'urgence dans le secteur civil et les projets de recyclage l'intention des officiers en retraite. La coopration dj ralise dans tous ces domaines a t trs apprcie en Russie. En dehors du Ministre de la dfense, d'autres organismes souhaitaient vivement travailler avec leurs homologues occidentaux.
Quant l'aspect organisationnel, le plan pourrait comporter l'ouverture, longtemps retarde, de la reprsentation officielle de l'OTAN Moscou, qui permettrait des contacts permanents entre responsables de la dfense et de la scurit. Les hauts reprsentants militaires et diplomatiques russes pourraient de nouveau participer des runions rgulires avec leurs homologues de l'OTAN.
Un large dveloppement des contacts entre militaires l'chelon moyen serait aussi utile. Malheureusement, les changes de haut niveau ont, par le pass, trop souvent pris la forme de ce que certains critiques ont ironiquement appel du tourisme entre militaires. Les militaires russes ont cruellement besoin d'officiers l'esprit moderne connaissant bien le monde extrieur et capables de prsenter leurs arguments avec assez de brio leurs pairs des pays de l'OTAN. Les coles et institutions militaires de l'Ouest, dont le Collge de dfense de l'OTAN, Rome, et le George C. Marshall Center, Garmisch-Partenkirchen, devraient tre des destinations privilgies pour les l-ments les plus brillants des forces armes russes.
Mme s'il tait mis en oeuvre, un tel plan resterait bien en de de l'objectif que constitue un vritable partenariat. La Russie et l'Alliance atlantique ne feraient que rtablir une relation qui aiderait promouvoir une stabilit et une prvisibilit plus grandes en Europe. Les rapports ne seraient pas faciles pour autant, compte tenu de la crise qui persiste en Tchtchnie, de ce qu'il reste faire dans les Balkans et des phases prochaines de l'largissement de l'OTAN.
Il faut pourtant se garder de sombrer dans le pessimisme. La Russie est un chantier. Sa transformation prendra des dcennies et des gnrations, et pas seulement des annes. Le pays est confront une tche monumentale qui consiste pour lui se redfinir, et mme, dans une certaine mesure, se rinventer. Ses relations avec l'Ouest sont un facteur extrieur d'importance capitale dans ce processus. La Russie est un immense terrain, fait pour les coureurs de fond. Il n'est pas question d'abandonner.