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L'OTAN l'aube du nouveau millnaire :
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Le printemps et l't 1997 resteront certainement dans les mmoires comme une priode particulirement intense et formatrice pour l'OTAN, puisque des progrs ont t raliss dans chacun des principaux domaines qui proccupent l'Alliance. L'Acte fondateur OTAN-Russie a t sign Paris le 27 mai, crant le Conseil conjoint permanent (PJC). Quelques jours plus tard, Sintra, le Conseil de Partenariat euro-atlantique (CPEA) tait inaugur, offrant une "dimension politique largie du partenariat". Dbut juillet, la Charte de partenariat spcifique entre l'OTAN et l'Ukraine tait signe Madrid. Malgr leur importance, ces accords ne sont cependant qu'un point de dpart; le PJC doit maintenant prouver qu'une relation stable et constructive est possible entre l'OTAN et la Russie; et il faudra que le CPEA dmontre qu'il est plus qu'une salle d'attente long terme, redcore selon la mode de l'anne. Au Sommet de Madrid, le dbat sur l'largissement a galement fait un grand pas en avant, puisque trois pays - la Rpublique tchque, la Hongrie et la Pologne - ont t invits entamer des ngociations d'adhsion. Si tout se passe comme prvu, les protocoles d'accession seront signs par les ministres des Affaires trangres de l'OTAN en dcembre 1997. L'adhsion pleine et entire l'Alliance ne sera cependant effective qu'aprs la ratification parlementaire par les 16 tats membres actuels. Ce processus pourrait tre long, et mme mouvement, mais l'OTAN espre que tout sera termin d'ici avril 1999, pour le jubil de la signature du Trait de l'Atlantique Nord. La dclaration mise l'issue du Sommet a notamment essay de rassurer les pays qui n'ont pas t invits, en leur rptant que l'largissement n'tait pas un vnement isol mais bien un processus, et que d'autres invitations joindre l'Alliance seraient lances. L'OTAN a galement engag un programme long terme, complexe et parfois controvers - auquel les mdias et l'opinion publique ont peu prt attention - en vue de remanier sa structure de commandement et de conduite des oprations, ainsi que son dispositif de forces, sans mettre en cause le caractre transatlantique de l'Alliance. Aprs avoir espr que le travail sur la nouvelle structure de commandement serait achev pour le Sommet de Madrid, il a fallu reporter l'chance dcembre 1997.
"Stratgie" vient d'un terme grec qui dsigne l'art de la guerre. Aujourd'hui, ce mot est utilis dans toutes sortes de contextes non militaires o le terme "plan", moins prestigieux, conviendrait sans doute aussi bien. Mais mme dans les milieux militaires, grce Clausewitz, le terme "stratgie" a fini par signifier davantage que la simple conduite de formations militaires excutant des oprations et renvoie dsormais largement la zone d'ombre o politique et dfense se chevauchent. La stratgie pourrait alors tre dfinie comme la conduite d'oprations militaires visant raliser des objectifs nationaux. Dans le cas d'une alliance comme l'OTAN, cette dfinition demande simplement tre lgrement modifie afin de l'tendre des oprations militaires internationales et des objectifs multinationaux. La stratgie de l'OTANA la fin de la Guerre froide, il est rapidement apparu vident que le "Concept stratgique global pour la dfense de la zone de l'OTAN", vieux de 22 ans, avec les deux piliers que sont la "dfense en avant" et la "riposte gradue", tait de moins en moins appropri. En 1990, une rvision complte de la stratgie de l'Alliance a t dcide. La dclaration de Londres de juin 1990 prvoyait le remplacement de la "dfense en avant" par une "prsence en avant rduite", la modification de la stratgie de la riposte gradue et la mise au point de "nouveaux plans de forces, adapts aux changements rvolutionnaires survenus en Europe".(1)En mai 1991, le Comit des plans de dfense annona une nouvelle structure de forces tripartite et la cration du Corps de raction rapide du Commandement alli en Europe (l'ARRC). En juillet, Copenhague, le Conseil de l'Atlantique Nord dfinit les quatre "tches fondamentales de scurit" de l'Alliance, tant politiques que militaires: fournir un environnement de scurit stable en Europe; servir d'enceinte de consultation transatlantique; assurer une dfense contre les agresssions; et prserver l'quilibre stratgique en Europe.(2) Ces actions ont servi de prologue au lancement du nouveau Concept stratgique de l'Alliance lors du Sommet de Rome en novembre 1991. Les gouvernements de l'Alliance avaient admis que la tche de dfense collective n'tait plus la seule raison d'tre de l'OTAN. Il fallait une stratgie qui puisse fonctionner sur toute la gamme des questions militaires, permettant de "grer les crises pouvant faire peser une menace sur la scurit des membres de l'Alliance" tout autant que de faire face une "agression de grande ampleur (...) improbable". La nouvelle stratgie offrait un cadre oprationnel multi- fonctionnel et interarmes (ou conjoint) tout en mettant en valeur les avantages d'une coopration multinationale comme moyen de "renforcer la solidarit". Pour une modification de la stratgie
De plus, la suite de l'examen de son dispositif de forces et de sa structure de commandement, l'OTAN a opt pour des "coalitions ad hoc des pays capables et dsireux d'agir", alors que sa stratgie fondamentale reste dfinie par le rigide "tous pour un, un pour tous" de l'article 5 du Trait de l'Atlantique nord. Enfin, on pourrait avancer qu'au cours de son adaptation l'OTAN risque d'tre excessivement dtourne de ses missions par les problmes politiques inter- et intra-institutionnels. Face la ncessit de tisser des liens avec d'autres institutions europennes et de rpondre aux besoins individuels de ses tats membres, l'OTAN ne devrait pas laisser sa dimension politique dpasser et clipser sa fonction militaire fondamentale. L'examen de la stratgie pourrait fournir une bonne occasion d'affronter ces problmes. La modification du langage du Concept devrait tre relativement simple et pourrait, simultanment, favoriser une consolidation des nouvelles relations entre l'OTAN et la Russie. Cette rvision pourrait montrer aux Allis les dangers de l'introspection et de l'isolationnisme, et souligner la ncessit d'une conception large de la scurit europenne et mondiale. Enfin, en faisant le point sur la stratgie, on pourrait rduire l'cart entre le Concept stratgique et la ralit, situation que connat actuellement de l'Alliance. Contre cette modificationPar ailleurs, un rexamen du Concept pourrait avoir des consquences fcheuses. La stratgie consiste dfinir la relation entre les domaines politique et militaire. Mais la poursuite du processus d'largissement et l'apparition de la notion d'"autodiffrenciation" dans la terminologie de l'Alliance laissent penser qu'une partie des relations stratgiques restera, dlibrment, modifiable et imprvisible. De plus, en mettant l'accent sur une planification militaire base sur les capacits plutt que sur la menace, l'Alliance se propose de toute vidence de rpondre aux situations d'urgence et aux crises sur une base ad hoc.Compte tenu des incertitudes qui psent sur la scurit internationale et europenne, cette souplesse est incontestablement une bonne chose. Mais il est difficile de voir comment elle dbouche sur une vision stratgique. Les missions militaires de l'OTAN, et la participation celles-ci, peuvent ncessiter une organisation ad hoc, mais la stratgie, elle, peut-elle tre ad hoc ? Dans le mme temps, un recentrage sur la dfense collective ne constitue pas non plus une rponse et ce n'est pas sur l'Article 5 que reposera la russite future de l'Alliance. Cela dit, il n'est pas facile de concevoir une alliance militaire d'tats souverains qui ne soit, fondamentalement, collective et territoriale. Aussi symbolique et rvolu que cela puisse paratre, si l'engagement de dfense collective dans le style des "Trois mousquetaires" devait disparatre, l'Alliance pourrait s'effondrer, tant politiquement que militairement. Avec, d'une part, une "stratgie ad hoc" difficile imaginer et, d'autre part, une stratgie traditionnelle trop rigide pour permettre de faire face aux risques actuels en matire de scurit, il faut envisager une autre solution. Compte tenu de l'ide "d'autodiffrenciation" et de la pression vers une adaptation interne de l'Alliance, la solution pourrait consister admettre que l'OTAN est dj aussi prs qu'elle peut - ou qu'elle doit - l'tre d'une stratgie "pleinement compatible avec la nouvelle situation et les nouveaux dfis qui existent en Europe sur le plan de la scurit". Le rle cl des GFIMLe concept de Groupes de forces interarmes multinationales (GFIM) est essentiel pour comprendre le caractre et le potentiel de la nouvelle OTAN. Lanc par les Amricains en 1993, il a t adopt lors du Sommet de Bruxelles en janvier 1994 et doit tre affin et test en 1997 et 1998. Annonc comme innovateur et dynamique, ce concept a suscit de grandes esprances. Pourtant, la proposition au cur de l'ide de GFIM n'a rien de rvolutionnaire. En juin 1996, les ministres de la Dfense de l'OTAN ont dcrit les GFIM comme "des formations multinationales et interarmes cres pour des oprations de circonstance spcifiques".
Sauf mergence improbable d'une menace de mmes proportions qu' l'poque de la Guerre froide, la stratgie de l'OTAN a peut-tre d'ores et dj toute l'efficacit requise. Avec les GFIM, l'OTAN a trouv un moyen de rpondre des exigences politiques urgentes (institutionnelles et nationales), de rduire l'cart entre les fonctions politiques et militaires de l'Alliance, et de permettre une planification militaire pour un ventail de missions allant de la gestion des crises la dfense collective. D'une certaine faon, les GFIM sont la ralisation concrte du dispositif de forces, de la structure de commandement et de la stratgie de l'OTAN. Que demander de plus? Si la stratgie de l'OTAN a une vise dfensive, elle aide galement instaurer une relation politico-militaire dynamique entre les allis et doit rsister aux tentatives de division entre eux ou de rupture du lien entre les domaines militaire et politique. Le problme est que l'Alliance en transformation pourrait tre par trop vulnrable face un tel assaut. L'OTAN devenant de plus en plus une "alliance choisie", plutt qu'une "alliance ncessaire", la volont de cooprer sur les plans politique et militaire ne va plus de soi. Le soutien l'OTAN dpendra de plus en plus de son efficacit et de son adquation oprationnelles. La priorit doit donc tre d'assurer le bon fonctionnement de la nouvelle OTAN adapte. La poursuite de la qute d'un "Graal" stratgique et parfait pourrait dtourner de cette tche urgente. Elle pourrait galement montrer au monde que, malgr son excellente organisation et son potentiel militaire, intrinsquement, l'OTAN est devenue une sorte d'"alliance virtuelle" dont la cuirasse politico-militaire prsente plusieurs dfauts. En fin de compte, la meilleure solution pourrait consister reprendre la tradition britannique de constitution coutumire, c'est--dire reconnatre tout simplement qu'avec la combinaison des nouvelles structures de l'OTAN - GFIM, IESD et, terme, structure de commandement rvise - il n'est pas ncessaire de disposer, pour le XXIe sicle, d'un nouveau texte exhaustif sur la stratgie de l'Alliance. Le Dr. Cornish est l'auteur de "Partnership in crisis: the United States, Europe and the Fall and Rise of NATO" (Londres : Cassell/RIIA, septembre 1997).
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