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Préparer l'entrée en vigueur
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Des dispositions de vérification efficacesLe système de vérification complexe de la Convention est conçu pour renforcer la sécurité des Etats parties et pour limiter la possibilité de mener des activités clandestines dans le domaine des armes chimiques. Il est fondé sur une double approche: il consiste, d'une part, en une surveillance systématique avec des déclarations, des visites initiales, des inspections systématiques des installations déclarées de stockage, de fabrication et de destruction d'armes chimiques, ainsi que des inspections systématiques des installations chimiques civiles correspondantes. D'autre part, la Convention instaure pour la première fois un régime strict d'inspections probatoires permettant à tout Etat partie de faire effectuer une inspection internationale sur court préavis dans une installation ou un site quelconques se trouvant dans tout autre Etat partie. Aucun refus n'est admis.Bien que la Convention soit un traité relatif au désarmement et à la sécurité, son système de vérification couvre non seulement les installations militaires, mais également une partie importante de l'industrie chimique commerciale. La raison en est simple: beaucoup de produits chimiques issus du cycle de production légitime pouvant recevoir un double usage, les usines qui les fabriquent ou les consomment en grandes quantités doivent être contrôlées. Aux fins de vérification systématique dans l'industrie, les produits chimiques concernés ont été regroupés en trois listes, ou tableaux, sur la base de leur danger relatif et de leur emploi possible à des fins autorisées. Toutefois, aucun produit chimique n'est totalement interdit. En outre, la Convention ne néglige pas l'éventualité de la mise au point d'armes chimiques à partir de produits non répertoriés dans les tableaux. Bien qu'aucun traité ne puisse être parfaitement vérifié, avec le temps, le régime de vérification de la Convention, par le biais de ses mécanismes de déclarations, d'inspections systématiques, d'enquêtes, de consultations et d'inspections probatoires, s'avèrera certainement efficace. Un aspect important de la Convention, que l'on néglige ou sous-estime parfois, est qu'elle constitue un puissant instrument de non-prolifération. En premier lieu, la Convention impose des limites et des restrictions de plus en plus strictes pour ce qui est du commerce de produits chimiques avec des Etats qui ne sont pas parties à la Convention. En deuxième lieu, les dispositions relatives à la protection contre les armes chimiques et à l'assistance découragent l'acquisition de moyens de dissuasion chimique. En troisième lieu, le mécanisme de vérification de la Convention fournit un outil adéquat pour contrôler un certain nombre de situations de par le monde, notamment le commerce de produits chimiques et les activités liées à l'industrie chimique. La mise en oeuvre de la Convention, qui débutera six mois après sa ratification par le 65e Etat, sera contrôlée par l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), siégeant à La Haye. L'OIAC sera composée de la Conférence des Etats parties qui sera l'organisme directeur central incluant tous les Etats parties; du Conseil exécutif constitué de 41 membres; et du Secrétariat technique, l'organisme international chargé de mener à bien les activités de vérification, et notamment les inspections sur place.
La Commission préparatoire de l'OIACAu cours de la cérémonie qui s'est déroulée à Paris en janvier 1993, lorsque la Convention a été ouverte à la signature, les 130 Etats signataires initiaux ont adopté la Résolution de Paris, qui officialisait la constitution de la Commission préparatoire de l'OIAC. Dans le cadre de sa mission de préparation du terrain pour l'OIAC, la Commission doit faire face à trois types de tâches. La première consiste à mettre au point un certain nombre de procédures techniques détaillées dont l'étude avait été remise à plus tard lors des négociations de Genève sur la Convention sur les armes chimiques; celles-ci incluent l'élaboration d'un cahier des charges fonctionnel, les procédures de déclarations et la conduite des inspections. La seconde consiste à créer les structures institutionnelles de la nouvelle Organisation, qui doit être dotée d'une capacité de vérification puissante et rentable. La troisième consiste à aider les Etats parties à préparer la mise en oeuvre efficace de la Convention au niveau national.En signant la Convention, chaque Etat devient automatiquement membre de la Commission. Un Secrétariat technique provisoire a été créé pour appuyer la Commission. Pour ce qui est de la première tâche de mise au point des détails techniques, des progrès importants ont été réalisés concernant un certain nombre de procédures de déclaration et de conduite d'inspections. Des orientations fondamentales ont été définies pour guider les activités de l'OIAC dans les domaines de la protection d'informations confidentielles, des relations avec les médias et l'opinion publique,et des mesures liées à la santé et à la sécurité ont été prévues. Il reste cependant encore beaucoup à faire. Des progrès significatifs ont été réalisés pour ce qui est de la deuxième tâche, consistant à mettre l'Organisation en place. Les besoins globaux en personnel ont été déterminés et les principaux membres du Secrétariat recrutés. Actuellement, 118 employés de 48 nationalités différentes travaillent au Secrétariat et, dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de la Convention, ce nombre passera à environ 460 ou 480, y compris les inspecteurs. Un travail considérable de préparation et de planification a été réalisé concernant la formation et le recrutement des inspecteurs et le processus de sélection a nettement progressé. Une liste du matériel d'inspection a été arrêtée et son acquisition est bien engagée. Malheureusement, il n'a pas été possible de parvenir à un accord sur les conditions d'emploi du personnel de l'OIAC et sur diverses questions de transfert de personnel. Cela complique, entre autres, le recrutement d'employés hautement qualifiés, dont les inspecteurs. Au mois de mai de cette année, la première pierre de l'immeuble de l'OIAC a été posée. Les travaux d'aménagement du magasin et du laboratoire, qui fourniront un support technique à l'OIAC, sont pratiquement achevés. Le laboratoire sera utilisé principalement pour l'étalonnage et l'entretien du matériel d'analyse utilisé durant les inspections, la formation des inspecteurs - spécialisés en chimie analytique - et la coordination du réseau mondial de laboratoires agréés.
Ces organisations gouvernementales, dont l'instauration constitue l'une des exigences de la Convention, sont chargées de recenser les entreprises chimiques de leurs pays dans le but d'identifier celles qui pourraient être déclarées et inspectées, de préparer la législation nécessaire pour permettre l'accès des inspecteurs aux installations privées et gouvernementales, d'effectuer des inspections probatoires à l'échelon national, de former des escortes pour les inspecteurs et d'établir une coordination adéquate avec d'autres ministères ou organismes susceptibles d'être impliqués dans la mise en oeuvre de la Convention, tels que les affaires étrangères, la défense, la sécurité, les douanes, l'immigration et les services chargés du respect de la loi. Toutefois, un certain nombre de pays ayant ratifié la Convention n'ont pas encore accompli les travaux préparatoires à l'entrée en vigueur. L'absence d'une nécessaire législation de mise en oeuvre, d'autorités nationales reconnues et d'une préparation minutieuse des déclarations et des inspections pourrait aboutir à de nombreux cas de non-conformité technique, c'est-à-dire à des défaillances, en toute bonne foi, dans le respect des exigences de la Convention. Il faut, autant que possible, éviter cette situation de façon à ce que l'OIAC ne perde pas son temps et ne gaspille pas ses ressources à examiner des cas ne constituant pas de violation réelle de l'interdiction des armes chimiques. Il est donc capital que les pays ayant déjà mené à bien leurs travaux de préparation en aident d'autres dans leurs activités préliminaires. Le Secrétariat technique provisoire offre également toute l'aide possible aux Etats membres dans ces préparatifs. Il diffuse occasionnellement des publications telles que le bulletin intitulé OPCW Synthesis et organise des séminaires sur la mise en oeuvre de la Convention au niveau national, ainsi que des cours spécialisés à l'intention du personnel des autorités nationales. Problèmes et leçonsCertains problèmes et difficultés sont apparus au cours des trois ans et demi qui ont suivi l'ouverture de la Convention à la signature. Ils ne sont cependant pas aussi nombreux qu'on pourrait le croire si l'on considère la relative lenteur de la Commission préparatoire à résoudre diverses questions particulièrement techniques, et la plupart n'auront pas d'impact significatif sur la capacité de l'OIAC à contrôler le respect de la Convention. Toutefois, certains d'entre eux sont plus globaux et méritent d'être soulignés.
L'entrée en vigueur et l'universalité de la Convention. Etant donné la complexité de la Convention, le nombre de ratifications obtenu jusqu'à présent (60) est plutôt encourageant. La composition qualitative du groupe ayant ratifié la Convention porte également à l'optimisme: il comprend les principaux pays industrialisés tels que l'Allemagne, le Japon, la France, le Royaume-Uni, l'Italie et le Canada; la représentation géographique est étendue, avec des pays tels que l'Argentine, le Bélarus, le Brésil, le Mexique, le Maroc, l'Algérie, l'Afrique du Sud, la Pologne, la Nouvelle-Zélande, la Roumanie, la République tchèque, la Slovaquie, l'Arménie, la Géorgie, le Turkménistan, le Tadjikistan, Oman et le Sri Lanka. Et beaucoup d'autres pays comme l'Inde, le Portugal, la Lettonie, le Cameroun et la Belgique, sont sur le point d'achever leurs processus de ratification. La non-ratification de la Convention par les Etats-Unis comme par la Russie, les deux principaux possesseurs d'armes chimiques est une source d'inquiétude grandissante pour les Etats signataires. A cet égard, l'Organisation de l'unité africaine, dans l'une de ses récentes résolutions adoptée lors du sommet de Yaoundé, en juin, a non seulement exhorté les Etats signataires africains à ratifier la Convention, mais a également fait part de son inquiétude quant à l'inaction des Etats-Unis et de la Russie. Il semble évident que la Convention perdra une grande partie de sa raison d'être si ces deux pays n'adhèrent pas dans les délais prévus. En outre, il est plus que probable que d'autre pays, qui soutiennent globalement la Convention, hésiteraient à donner libre accès à leurs installations militaires et industrielles en vue d'inspections, et à supporter les autres charges liées au régime de la Convention si celle-ci n'était pas capable de réaliser son principal objectif, à savoir le désarmement chimique. L'absence de la Russie et/ou des Etats-Unis de l'OIAC auraient de graves conséquences en termes de fonctionnement. En effet, d'après une des premières décisions prises à l'unanimité par la Commission préparatoire, tous les travaux préliminaires devraient être effectués en supposant que les Etats-Unis et la Russie soient parmi les parties initiales à la Convention. Une autre hypothèse était que l'Accord bilatéral sur la destruction et la non-fabrication d'armes chimiques entre ces deux principaux possesseurs d'armes chimiques serait en cours de mise en oeuvre au moment où la Convention entrerait en vigueur, ce qui aurait nettement réduit les tâches de l'OIAC pour ce qui est des activités d'inspection en Russie et aux Etats-Unis. Le nombre d'inspecteurs à former et à recruter, la quantité des différents types de matériels d'inspection à se procurer avant l'entrée en vigueur, tous ces paramètres avaient été arrêtés et inscrits au budget sur la base de ces deux hypothèses. Si elles devaient se révéler erronées, il faudrait alors reconsidérer toutes les décisions prises.
L'accord de fin juin prévoyant un vote du Sénat sur la ratification d'ici le 14 septembre a été perçu comme un signal positif, attendu depuis longtemps; il a ravivé l'espoir d'une ratification américaine dans les délais prévus qui balaierait en grande partie le « scénario catastrophe» redouté. Le temps alloué pour débattre de ce sujet étant limité, il ne sera pas possible de prolonger les discussions. Cet accord donne toutefois la possibilité à la majorité républicaine du Sénat de soumettre deux amendements au projet de résolution, par ailleurs très positif et très clair qui a été adopté par le Comité des relations étrangères du Sénat en avril, ce qui a créé un petit risque probablement insignifiant d'embûche sur la voie de la ratification américaine. La Russie semble être plus éloignée de la ratification que les Etats-Unis. A Moscou, peu de critiques s'élèvent contre la Convention pour ce qui est de son aspect militaire ou sécuritaire; ce sont plutôt les discussions liées aux conséquences économiques de la mise en oeuvre de la Convention qui dominent le débat. En effet, le programme de destruction des armes chimiques approuvé, au printemps dernier, par le Président Eltsine et son gouvernement en évalue le coût à quelque 3,7 milliards de dollars américains. Une assistance en matière de destruction des armes chimiques est donc clairement nécessaire. Bien qu'une aide limitée soit fournie par les Etats-Unis et l'Allemagne, une coopération internationale plus large serait bienvenue. La conférence internationale organisée par l'OTAN et l'Allemagne près de Bonn, en mai dernier, sur le thème du démantèlement des armes nucléaires, chimiques et conventionnelles dans l'ex-Union Soviétique, a constitué un début prometteur. Dans ce contexte, la décision récente du gouvernement néerlandais de participer aux efforts d'assistance au programme de destruction russe est également particulièrement importante. Cependant, il est fort probable, aujourd'hui, que l'on obtienne les 65 ratifications sans les Etats-Unis ou la Russie, ce qui laisse en suspens la question de savoir s'ils peuvent achever leurs procédures dans les 180 jours restants. Les pays n'ayant pas encore signé la Convention peuvent être grossièrement classés en quatre catégories. Tout d'abord, plusieurs pays du Moyen-Orient, voisins immédiats d'Israël, ont lié leur participation à la Convention à l'accession d'Israël au Traité de non-prolifération (TNP). La deuxième catégorie comporte trois pays faisant partie de l'ex-Yougoslavie -la Bosnie-Herzégovine, l'ex-République yougoslave de Macédoine et la République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro). La troisième se compose de la Corée du Nord, et le reste est principalement constitué d'Etats insulaires et de plusieurs autres qui ne peuvent, du fait de leurs situations économiques ou politiques difficiles, accorder suffisamment d'attention à la Convention.
Cherche cartomancienne? Une autre difficulté réside dans l'incertitude quant à la date de dépôt du 65e instrument de ratification et par conséquent, quant à l'entrée en vigueur de la Convention. De par leur nature plusieurs projets vitaux qui doivent être entrepris dans les six mois précédant immédiatement l'entrée en vigueur nécessitent une préparation poussée qui n'est pas sans conséquences financières. Or, il est dangereux d'engager des ressources sans savoir quand les marchandises seront livrées. En quelques mots, la période de six mois qui sera ouverte par le dépôt du 65e instrument de ratification est trop courte; mais il n'est plus possible de la modifier dans la mesure où elle a été stipulée par la Convention elle-même. On peut donc se demander s'il ne serait pas nécessaire de fixer la date exacte d'entrée en vigueur et, de ce fait, la date de déclenchement de la période de six mois. Par exemple, il serait possible de négocier un arrangement par lequel chaque nouvel Etat ratifiant la Convention déclarerait officiellement être prêt à déposer son instrument de ratification, mais le conserverait jusqu'à une date précise, déterminée à l'avance, où tous les instruments restants seraient déposés simultanément, ce qui déclencherait alors le mécanisme d'entrée en vigueur. Il serait alors beaucoup plus facile de planifier à l'avance. Un grand nombre de délégations sont toutefois peu enthousiastes à cette idée, et craignent qu'elle ne retarde peu ou prou l'entrée en vigueur. Entre La Haye et Bruxelles. Malheureusement, parmi les 160 Etats signataires, environ la moitié seulement ont à La Haye une ambassade leur permettant de participer aux travaux de la Commission. La majorité des pays restants s'en sont, on peut le comprendre, remis à leur ambassade à Bruxelles, à 200 kilomètres de là. Or, dans certains cas, ces ambassades souffrent d'un grave manque de personnel et de fonds et peuvent donc difficilement envoyer des représentants à La Haye de façon régulière. Elles ont, de ce fait, eu des problèmes pour suivre les travaux de la Commission et informer leur gouvernement des questions liées à la Convention. Ce qui crée, par contre- coup, un risque de mauvaise préparation de sa mise en oeuvre et, de ce fait, de non-conformité technique. Pour y remédier, le Secrétariat a lancé ce qu'il a appelé le «Projet de Bruxelles», conçu pour faciliter la participation de ces ambassades aux travaux de la Commission. Il comprend notamment des visites régulières à Bruxelles de fonctionnaires et d'experts de haut rang appartenant au Secrétariat, des exposés généraux et spécialisés, des ateliers et de fréquentes réunions avec des représentants individuels. A cet égard, l'OTAN et le pavillon de l'ACP à Bruxelles (lieu de réunion des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique) fournissent un support logistique appréciable. L'heure est venue d'agir et de faire preuve de volonté politiqueLes travaux de la Commission préparatoire montrent bien combien il est difficile, tant au niveau politique que pratique, de transformer une théorie de vérification agréée en dispositifs fonctionnels appuyés par un financement, du personnel et un matériel adéquats.Cette Convention et les travaux en cours à La Haye constituent un test extrêmement intéressant d'une nouvelle approche d'accords de non-prolifération et de désarmement, fondée sur la transparence, la coopération et la non-discrimination. L'accord sur la Convention sur les armes chimiques n'a été possible que grâce à l'association unique de facteurs politiques présents au lendemain de la Guerre froide. La Convention est particulièrement importante dans l'actuelle période d'après la Guerre froide, caractérisée par l'incertitude politique et par de nouveaux risques de prolifération d'armes de destruction massive.Dans le même temps, la Convention traverse une période cruciale. Les principaux acteurs sur la scène internationale ont une occasion historique de pouvoir renforcer la sécurité mondiale en menant à bien leur processus de ratification et en déclenchant la mise en oeuvre de cet accord sans précédent. J'espère de tout coeur qu'ils saisiront cette occasion.
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