Revue de l'OTAN
Mise à jour: 11-Sep-2002 Revue de l'OTAN

Edition Web
Vol. 43- No. 2
Jan. 1995
p. 15-19

Le rôle de l'Autriche dans l'Europe nouvelle

Alois Mock
Ministre des Affaires étrangères d'Autriche

L'adhésion de l'Autriche à l'Union européenne le 1er janvier 1995 marque l'apogée d'une démarche politique suivie avec constance depuis plus de quarante années. Dès le début des années 50, lors de la création de la Communauté européenne du charbon e't de l'acier, le gouvernement autrichien avait salué cette initiative novatrice qui contribuait à donner une nouvelle base ferme à la paix en Europe.

Tant que la division Est-Ouest de l'Europe a existé, la neutralité de l'Autriche - le prix à payer pour regagner sa souveraineté pleine et entière en 1955 - a généralement été perçue comme un obstacle à une véritable participation de notre pays à ce processus. Cela ne l'a cependant pas empêchée d'établir des relations étroites avec la Communauté européenne et de les étendre de façon systématique. L'accord de libre-échange de 1972 avec la Communauté a été la base de la grande participation de l'Autriche à la coopération économique ouest-européenne, au point que sur le plan économique, mon pays est désormais plus intégré à la Communauté que certains des Etats qui en sont membres de longue date.

Face à l'intensification de la dynamique d'intégration européenne au milieu des années 80, l'Autriche s'est vite rendu compte que le libre-échange ne constituait plus une base suffisante pour sa participation à ce processus. C'est pourquoi le 17 juillet 1989, j'ai présenté au Président du Conseil de la CEE alors en place, le Ministre français des Affaires étrangères, M. Roland Dumas, la candidature de l'Autriche à l'entrée dans la Communauté européenne. La date même de cette demande - qui est antérieure aux bouleversements de l'automne 1989 - reflète la force de l'engagement de l'Autriche en faveur des objectifs de l'intégration européenne.

Les événements ultérieurs ont confirmé que notre décision avait été la bonne. Au cours des années 1989-1990, la division politique, sociale et militaire de notre continent a pris fin, et de ce fait, l'Union européenne s'est trouvée confrontée à un nouveau défi historique. Elle devenait un centre de gravité de la politique européenne et un facteur de stabilité essentiel pour tout le continent. L'adhésion à cette organisation n'en devenait donc que plus importante. Seule l'accession à l'Union européenne peut permettre à l'Autriche de contribuer pleinement à forger le futur de l'Europe et à occuper, au cœur de celle-ci, la place qui correspond à son rôle historique.

La politique européenne de l'Autriche s'est appuyée sur un large soutien de la part de la population. Ainsi, lors du référendum du 12 juin 1994, 67 pour cent des Autrichiens ont voté en faveur de l'adhésion à l'Union européenne, ce qui était une nette confirmation de la politique du gouvernement et -surtout - un vote de confiance écrasant en faveur de l'idéal européen. A un moment où l'Union européenne doute d'elle-même et est en proie à l'incertitude, le peuple autrichien a affiché sa foi dans le concept d'intégration comme rempart contre les forces d'un renouveau nationaliste et comme fondement d'un ordre de paix européen durable.

C'est pleine d'espoir et de confiance que l'Autriche entre dans l'Union européenne, car elle peut lui apporter une contribution non négligeable. Sa capacité économique sera un atout important pour l'Union et renforcera le dynamisme du processus d'intégration sur la voie de l'union économique et monétaire. Grâce à sa stabilité économique et sociale, à sa main-d'œuvre très qualifiée et à la solidité de sa monnaie, l'Autriche sera un partenaire capable d'accroître et de renforcer la compétitivité de l'Union européenne sur les marchés mondiaux.

Dans le même temps, l'adhésion de l'Autriche à l'UE sera extrêmement stimulante pour le développement économique du pays. L'élimination des contrôles aux frontières entre l'Autriche et ses partenaires de l'UE permettra à nos sociétés d'accéder librement au marché intérieur européen. En outre, quelques facteurs discriminatoires qui ont subsisté même après l'accord avec l'UE sur l'Espace économique européen vont désormais disparaître. Mon pays devrait de ce fait présenter davantage d'attrait comme lieu d'implantation d'industries et de sociétés étrangères. Puisque l'adhésion à l'Union européenne améliorera également la situation de l'Autriche en tant que voie d'accès privilégiée aux marchés d'Europe centrale et orientale, nous nous attendons à un accroissement considérable des investissements étrangers. L'économie autrichienne a bien surmonté la récente récession. Nous sommes désormais certains que grâce à notre entrée dans l'UE, la reprise sera forte et durable et que nous pourrons de nouveau nous appuyer sur les hauts niveaux de prospérité et de stabilité du passé.

Etendre le champ de l'Intégration

En raison de ses liens historiques avec les pays d'Europe centrale et orientale, l'Autriche pourra apporter une importante contribution à la politique de l'Union à l'égard de cette région et aider ainsi l'UE à faire face au plus grand défi qu'elle doive relever: faciliter une véritable unité européenne en étendant peu à peu le champ de l'intégration. Il serait incompatible avec le rôle historique de l'Autriche en Europe centrale qu'à long terme, nos frontières orientales demeurent les limites extérieures de l'Union. Il n'y a pas de meilleur moyen, pour renforcer la stabilité et accroître la prospérité dans notre région, que l'intégration progressive de nos voisins dans l'Union. C'est pourquoi ce processus constituera l'une des priorités de l'Autriche en tant qu'Etat membre.
L'héritage intellectuel et culturel de l'Autriche est inséparable de celui de l'Europe. Mais nous voyons l'intégration comme un moyen de parvenir à l'unité, et non à l'uniformité. Nul, sur ce continent, ne désire que l'Europe devienne un super-Etat uniformisé. Dans sa diversité et son pluralisme résident sa force et sa richesse en termes de langues, de styles de vie, de traditions et de valeurs culturelles. Un nouvelle identité européenne doit donc venir compléter, et non remplacer, les multiples identités existantes.

L'Autriche entretient depuis longtemps des relations avec différentes régions du monde, et son accession à l'UE ne l'empêchera pas de continuer à les développer. Nous voyons bien au contraire notre appartenance à l'Union européenne comme un moyen d'intensifier et de favoriser notre coopération avec des partenaires extérieurs. L'Autriche sera au nombre des Etats membres qui œuvrent pour une Europe qui ne soit pas une forteresse, mais une maison aux nombreux accès, en communication constante avec d'autres régions.

L'accession de l'Autriche, de la Suède et de la Finlande à l'Union européenne s'inscrit dans la logique de l'histoire européenne. Elle offrira à ces pays toute une variété d'avantages et des possibilités accrues de participer à la définition de l'avenir de l'Europe. Dans le même temps, elle permettra à l'Union d'endosser plus aisément ses responsabilités grandissantes. Je suis convaincu que la phase d'élargissement actuelle donnera un nouveau dynamisme au processus d'intégration. L'Europe a besoin d'une Union européenne cohérente et dynamique, et l'Autriche est prête à jouer son rôle dans la réalisation de cet objectif.

Les sondages effectués avant le référendum sur l'adhésion à l'UE ont fait apparaître que les préoccupations liées à la sécurité étaient une importante incitation à voter en faveur de l'accession. En effet, les Autrichiens peut-être plus que d'autres Européens de l'ouest sont conscients du fait que l'Europe traverse à l'heure actuelle une période de moindre stabilité. La tragédie de l'ex-Yougoslavie, à nos portes, nous a fortement sensibilisés au renouveau de la menace nationaliste agressive en Europe et aux capacités insuffisantes des instruments internationaux existants face à de telles crises. Mais les dangers qui guettent l'Europe nouvelle ne sont pas limités au domaine militaire, loin s'en faut. Ils s'étendent aux risques de désastres écologiques, aux flux migratoires incontrôlés, au crime organisé et au terrorisme international, pour n'en citer que quelques-uns.

Par sa position géographique, l'Autriche est plus exposée à ces risques que tout autre pays d'Europe de l'ouest. Les changements radicaux qui ont affecté l'environnement sécuritaire nécessitent un réajustement approfondi de notre politique en matière de sécurité. Et cette adaptation doit partir de l'idée de base que notre politique traditionnelle de neutralité n'est plus une réponse suffisante à ces nouvelles difficultés. La plupart des nouveaux problèmes auxquels l'Europe est confrontée en matière de sécurité - qu'ils soient militaires ou non - ne peuvent être résolus individuellement par un Etat; seuls des efforts collectifs, dans le cadre d'institutions communes, peuvent être efficaces.
L'adhésion de l'Autriche à l'Union européenne constitue, à elle seule, une étape importante dans l'évolution de notre politique de sécurité. En effet, en dépit de toutes ses divisions et de ses limites, nous voyons l'Union comme une communauté fondée sur la solidarité et dans laquelle les partenaires mettent partiellement en commun leur souveraineté et leurs ressources afin de résoudre leurs problèmes collectifs par des initiatives conjointes. La cohésion et la solidarité de l'Union découlent de l'interdépendance et de la fusion partielle des économies des Etats membres, et offrent ainsi à chaque partenaire une garantie de sécurité peut-être plus fiable que des engagements pris dans le cadre de traités officiels.

En ce qui concerne plus particulièrement les menaces de nature non militaire qui pèsent sur la sécurité de l'Europe d'aujourd'hui, des réacteurs nucléaires dangereux (un des héritages du système communiste et de son mépris total à l'égard de la sécurité et du bien-être des citoyens) au trafic de drogues, l'Union seule offre la cohésion, le savoir-faire et les ressources nécessaires pour y faire face avec une certaine chance de succès. Elle seule est en mesure d'aborder certaines causes d'instabilité de façon globale, en prenant en compte tant leur dimension politique que leurs dimensions économique et sociale. Une des priorités de la politique de l'Autriche au sein de l'UE sera donc de contribuer au renforcement de l'action de l'Union dans ces domaines.

PESC et neutralité

En matière de prévention et de gestion des crises internationales, l'Union n'en est encore qu'à ses débuts. Elle était fort peu préparée à assumer la responsabilité de la stabilité européenne qui lui a incombé après les changements de 1989 et 1990. Les dispositions du Traité de Maastricht sur une politique étrangère et de sécurité commune (PESC) sont une première réaction à cette situation nouvelle et ont été conçues pour renforcer la capacité de l'Union en tant qu'acteur sur la scène internationale. Depuis, l'expérience a cependant montré que la définition d'une politique étrangère et de sécurité efficace de l'Union sera un processus à plus long terme qui demandera non seulement des mécanismes plus élaborés mais aussi - ce qui est plus important -une évolution de la volonté politique des Etats membres. En effet, l'Union ne pourra formuler et mener une PESC cohérente et d'une grande portée que si tous les partenaires sont résolus à affronter les problèmes de politique étrangère d'intérêt général ensemble, dans un esprit de loyauté.

La question de la compatibilité de la politique traditionnelle de neutralité de l'Autriche et de sa participation à la PESC a souvent été posée au cours des premières phases du processus d'adhésion. Et notre position a été claire: il n'y a pas de contradiction entre la PESC telle qu'elle est prévue dans le Traité de Maastricht et les éléments clés de notre règle de neutralité, à savoir la non-participation à des alliances militaires et le non-stationnement de troupes étrangères sur le territoire autrichien. Dans la situation relativement exposée qu'elle occupe à la limite de la zone de stabilité de l'Europe, l'Autriche a tout intérêt à ce que l'Union mène une politique étrangère et de sécurité efficace et caractérisée par la cohésion. C'est pourquoi elle a souscrit sans réserve aux engagements du Traité de Maastricht en la matière. Le parlement autrichien a récemment voté un amendement à la constitution qui sera le fondement légal de la participation complète de l'Autriche à la PESC. En devenant membre de l'Union, l'Autriche a également accepté l'objectif lié à la poursuite de la définition de la PESC, qui sera à l'ordre du jour de la conférence intergouvernementale de 1996.

Certes, l'Autriche souhaite y participer de façon active et constructive. Une PESC plus efficace doit être une des tâches prioritaires qu'elle se donne. Nous devons clarifier le rapport entre la PESC et les relations extérieures de l'Union. Nous devrons examiner et perfectionner les mécanismes et les procédures de la PESC à la lumière de l'expérience acquise depuis l'entrée en vigueur du Traité d'Union. Nous devons doter l'Union d'une plus grande capacité de planification et d'analyse en matière de politique étrangère et envisager les prochaines phases de la définition d'une politique de défense commune, comme le prévoit l'Article J.4 du Traité. C'est dans un état d'esprit constructif et ouvert que l'Autriche entend aborder ces négociations. Dans leur accord sur la formation du nouveau gouvernement, en novembre 1994, les partis de la coalition au pouvoir ont indiqué que l'Autriche sera prête à participer en tant que membre de plein droit au système européen de sécurité susceptible de se dégager de la conférence intergouvernementale et qui pourrait également évoluer à partir de l'Union de l'Europe occidentale.
Je ne me berce pas d'illusions quant aux progrès réalisables en 1996. Nous approchons de la révision du Traité de Maastricht alors qu'il n'est entré en vigueur que depuis peu. Bon nombre de ses dispositions n'ont pas encore été pleinement mises en œuvre, et quelques-unes des divergences de vues qui avaient entravé les travaux de la dernière conférence intergouvernementale subsistent. Pourtant, les nuages sombres qui pèsent sur l'environnement sécuritaire européen indiquent qu'il y a peu de temps à perdre. Pour qu'elle puisse sauvegarder la sécurité de ses Etats membres et projeter la stabilité dans d'autres régions du Continent, l'Union a besoin, de toute urgence, d'une politique étrangère et de sécurité plus efficace.

Des liens étroits avec l'UEO

Le Tiaité de Maastricht dit de l'Union de l'Europe occidentale qu'elle "fait partie intégrante du développement de l'Union européenne" et lui donne pour mission "d'élaborer et de mettre en œuvre les décisions et les actions de l'Union qui ont des implications dans le domaine de la défense". L'accroissement du rôle de l'UEO dans la sécurité européenne est donc devenu l'objet d'un grand intérêt pour l'Autriche. Le travail qu'effectué actuellement l'UEO en ce qui concerne la définition d'une politique européenne commune en matière de défense, importante contribution à la préparation de la conférence intergouvernementale de 1996, souligne l'interrelation étroite entre cette organisation et l'Union européenne. Nous suivons également de près la mise en œuvre de la déclaration de Petersberg et la constitution de la capacité opérationnelle de l'UEO. Sa participation, en mer Adriatique et sur le Danube, à l'application des sanctions votées par l'ONU, et le déploiement d'un contingent de police de l'UEO à Mostar, apportent les premières preuves concrètes de l'utilité de l'UEO comme élément des structures de sécurité de l'Europe.

L'Autriche salue l'octroi aux Etats d'Europe centrale du statut d' associés partenaires à l'UEO comme une phase importante de l'évolution de leur intégration au sein des institutions européennes. En instaurant une coopération intensive avec ces Etats, l'UEO peut contribuer de façon significative à la stabilité globale du continent.

Pour sa part, l'Autriche a acquis le statut d'observateur à la date de son adhésion à TUE, c'est-à-dire au 1er janvier 1995. Cela nous donne le droit d'assister à diverses réunions de l'UEO et d'exprimer notre opinion sur les sujets traités. L'Autriche entend utiliser pleinement et activement son statut d'observateur et établir avec l'UEO des liens de coopération étroits en rapport avec le rôle important que joue cette organisation dans le processus d'intégration.

Je suis fermement convaincu que le développement d'une identité européenne de sécurité et de défense doit se faire non pas contre l'Alliance atlantique, mais en complément de celle-ci. La participation active des Etats-Unis et du Canada à la politique de sécurité européenne est essentielle, surtout en cette période de moindre stabilité et de risque de crise élevé. Ce fait a lui aussi été mis en lumière par l'évolution du conflit dans l'ex-Yougoslavie.

L'Autriche est donc favorable au maintien d'un partenariat transatlantique fort et d'une présence permanente de forces des Etats-Unis en Europe. Nous savons fort bien que pendant la Guerre froide, la sécurité de l'Autriche a reposé dans une large mesure sur la force et la détermination de l'Alliance occidentale. Et même si depuis, l'environnement sécuritaire a radicalement changé, l'OTAN continue de jouer un rôle essentiel dans le renforcement de la sécurité européenne et, du même coup, autrichienne.

Depuis 1989, l'OTAN a fortement adapté sa doctrine, ses structures et ses politiques à la nouvelle situation européenne. Un des éléments essentiels de ce processus a été l'établissement du dialogue et de la coopération avec les Etats d'Europe centrale et orientale et d'autres pays de la CSCE. Le Conseil de coopération nord-atlantique et l'initiative du Partenariat pour la paix se sont affirmés comme cadre de coopération multilatérale de valeur en matière de sécurité. Ils aident à surmonter les divisions du passé tout en veillant, par leur nature ouverte, à ce qu'il n'en apparaisse pas de nouvelles.

La participation au PfP

Au fil des ans, l'Autriche a établi des liens de coopération bilatérale avec ses voisins immédiats dans le domaine militaire. En outre, le gouvernement a également décidé de participer à l'initiative du Partenariat pour la paix et a signé le document cadre le 10 février. Notre participation sera plus particulièrement centrée sur le maintien de la paix, l'Autriche ayant acquis une grande expérience en la matière, depuis des années, au service des Nations unies. Nous sommes certains de pouvoir apporter une importante contribution à la mise en place d'une capacité européenne de maintien de la paix et sommes tout spécialement intéressés par les travaux relatifs aux missions d'aide humanitaire et de secours aux victimes de catastrophes menés sous les auspices du Partenariat pour la paix. L'adhésion de l'Autriche au programme du PfP constituera une nouvelle étape importante de sa participation aux structures de sécurité en coopération de l'Europe et une bonne occasion de développer ses relations avec l'Alliance atlantique.

L'Autriche suit avec un grand intérêt le débat sur l'éventuel élargissement possible de l'OTAN. Nous comprenons le désir qu'ont les pays d'Europe centrale de jouir de la stabilité et de la sécurité que confère l'appartenance pleine et entière à la communauté de défense transatlantique. Nous pensons également qu'une OTAN élargie constituant un système de défense collective composé de pays démocratiques ne menacera aucun autre Etat et pourrait, bien au contraire, contribuer à la préservation de la paix et de la sécurité sur l'ensemble du continent.

J'aimerais cependant dire que le processus d'élargissement de l'OTAN doit être abordé avec le plus grand soin et la plus grande circonspection, et aussi d'une façon qui prenne en compte les intérêts légitimes de toutes les parties. Il faut éviter de créer de nouveaux antagonismes, qui auraient des conséquences négatives sur les processus intérieurs de réforme de certains pays. Il paraît donc essentiel que l'OTAN établisse une étroite relation de partenariat avec la Russie et qu'une OTAN élargie s'inscrive dans une structure de sécurité en coopération extrêmement élaborée et très solide au sein de laquelle la Russie pourrait jouer un rôle en rapport avec sa taille et son importance. Il est également capital que l'Ukraine ait sa place dans cette structure.

L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) - ex-CSCE - est en très bonne place pour jouer ce vaste rôle en matière de dialogue et de coopération sur la sécurité européenne. Ses documents offrent un code de conduite fort détaillé, qui se fonde sur des valeurs communes appelées à orienter les politiques des Etats membres de toutes régions. L'OSCE, qui s'étend de Vancouver à Vladivostok, est un forum irremplaçable qui permet d'entretenir un dialogue élargi et suivi. De plus, les intérêts de tous les participants peuvent s'y rapprocher, dans une perspective véritablement globale de l'évolution européenne. Elle joue donc un rôle essentiel lorsqu'il s'agit de se défaire de l'héritage des anciennes divisions et d'éviter que de nouvelles barrières ne se dressent. Par ailleurs, l'OSCE s'est dotée d'une capacité prometteuse en matière de diplomatie préventive, de gestion des crises et de maintien de la paix, et elle continue de jouer un rôle important dans la maîtrise des armements. Ces dernières années, de grands progrès ont été accomplis dans l'adaptation de cette organisation à ses nouvelles fonctions, mais beaucoup reste encore à faire. L'Autriche, où sont implantés d'importants organes de l'OSCE, demeure attachée au renforcement de cette institution et souhaite que les moyens lui soient donnés d'être aussi efficace que possible.
Ce bref aperçu de la position de l'Autriche vis-à-vis de diverses institutions européennes chargées de questions de sécurité a permis de montrer que nous sommes confrontés à un processus de transformation continue et profonde. J'avoue douter du bien-fondé de la métaphore fréquemment utilisée de ^'architecture de sécurité européenne", car elle semble supposer un élément de solidité et de permanence qui ne correspond tout simplement pas à la situation européenne actuelle. Certes, il existe une zone de stabilité, autour de l'Union européenne et de l'OTAN, que nous nous efforçons de consolider et d'étendre. Mais les menaces intérieures et extérieures qui pèsent sur la sécurité européenne changent, et les réponses institutionnelles et autres doivent être adaptées en conséquence.

Il subsiste donc une très grande incertitude quant à la configuration des structures de sécurité européennes dans les cinq ou dix années à venir, aux relations entre les différentes organisations et aux choix précis de chacun des Etats. Pour des pays comme l'Autriche, cette situation signifie qu'ils doivent être prêts à revoir à tout moment leur politique en matière de sécurité afin de protéger efficacement leurs intérêts et de contribuer à la stabilité générale de l'Europe. Notre point de vue fondamental est clair: dans la situation nouvelle de l'Europe, la sécurité ne peut pas être assurée par le repli sur soi, mais seulement grâce à des efforts communs et à un partage des responsabilités. Puisqu'aucun Etat ne peut garantir sa sécurité à lui seul, tous doivent contribuer à la sécurité commune. Cette conviction fondamentale, à savoir qu'il n'y a pas de sécurité sans solidarité, guide notre approche de l'évolution future des structures de sécurité européennes.