Edition Web
Vol. 43- No. 2
Jan. 1995
p. 15-19
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Le
rôle de l'Autriche dans l'Europe nouvelle
Alois Mock
Ministre des Affaires étrangères d'Autriche
L'adhésion de l'Autriche à l'Union européenne le
1er janvier 1995 marque l'apogée d'une démarche politique
suivie avec constance depuis plus de quarante années. Dès
le début des années 50, lors de la création de la
Communauté européenne du charbon e't de l'acier, le gouvernement
autrichien avait salué cette initiative novatrice qui contribuait
à donner une nouvelle base ferme à la paix en Europe.
Tant que la division Est-Ouest de l'Europe a existé, la neutralité
de l'Autriche - le prix à payer pour regagner sa souveraineté
pleine et entière en 1955 - a généralement été
perçue comme un obstacle à une véritable participation
de notre pays à ce processus. Cela ne l'a cependant pas empêchée
d'établir des relations étroites avec la Communauté
européenne et de les étendre de façon systématique.
L'accord de libre-échange de 1972 avec la Communauté a été
la base de la grande participation de l'Autriche à la coopération
économique ouest-européenne, au point que sur le plan économique,
mon pays est désormais plus intégré à la Communauté
que certains des Etats qui en sont membres de longue date.
Face à l'intensification de la dynamique d'intégration
européenne au milieu des années 80, l'Autriche s'est vite
rendu compte que le libre-échange ne constituait plus une base
suffisante pour sa participation à ce processus. C'est pourquoi
le 17 juillet 1989, j'ai présenté au Président du
Conseil de la CEE alors en place, le Ministre français des Affaires
étrangères, M. Roland Dumas, la candidature de l'Autriche
à l'entrée dans la Communauté européenne.
La date même de cette demande - qui est antérieure aux bouleversements
de l'automne 1989 - reflète la force de l'engagement de l'Autriche
en faveur des objectifs de l'intégration européenne.
Les événements ultérieurs ont confirmé que
notre décision avait été la bonne. Au cours des années
1989-1990, la division politique, sociale et militaire de notre continent
a pris fin, et de ce fait, l'Union européenne s'est trouvée
confrontée à un nouveau défi historique. Elle devenait
un centre de gravité de la politique européenne et un facteur
de stabilité essentiel pour tout le continent. L'adhésion
à cette organisation n'en devenait donc que plus importante. Seule
l'accession à l'Union européenne peut permettre à
l'Autriche de contribuer pleinement à forger le futur de l'Europe
et à occuper, au cur de celle-ci, la place qui correspond
à son rôle historique.
La politique européenne de l'Autriche s'est appuyée sur
un large soutien de la part de la population. Ainsi, lors du référendum
du 12 juin 1994, 67 pour cent des Autrichiens ont voté en faveur
de l'adhésion à l'Union européenne, ce qui était
une nette confirmation de la politique du gouvernement et -surtout - un
vote de confiance écrasant en faveur de l'idéal européen.
A un moment où l'Union européenne doute d'elle-même
et est en proie à l'incertitude, le peuple autrichien a affiché
sa foi dans le concept d'intégration comme rempart contre les forces
d'un renouveau nationaliste et comme fondement d'un ordre de paix européen
durable.
C'est pleine d'espoir et de confiance que l'Autriche entre dans l'Union
européenne, car elle peut lui apporter une contribution non négligeable.
Sa capacité économique sera un atout important pour l'Union
et renforcera le dynamisme du processus d'intégration sur la voie
de l'union économique et monétaire. Grâce à
sa stabilité économique et sociale, à sa main-d'uvre
très qualifiée et à la solidité de sa monnaie,
l'Autriche sera un partenaire capable d'accroître et de renforcer
la compétitivité de l'Union européenne sur les marchés
mondiaux.
Dans le même temps, l'adhésion de l'Autriche à l'UE
sera extrêmement stimulante pour le développement économique
du pays. L'élimination des contrôles aux frontières
entre l'Autriche et ses partenaires de l'UE permettra à nos sociétés
d'accéder librement au marché intérieur européen.
En outre, quelques facteurs discriminatoires qui ont subsisté même
après l'accord avec l'UE sur l'Espace économique européen
vont désormais disparaître. Mon pays devrait de ce fait présenter
davantage d'attrait comme lieu d'implantation d'industries et de sociétés
étrangères. Puisque l'adhésion à l'Union européenne
améliorera également la situation de l'Autriche en tant
que voie d'accès privilégiée aux marchés d'Europe
centrale et orientale, nous nous attendons à un accroissement considérable
des investissements étrangers. L'économie autrichienne a
bien surmonté la récente récession. Nous sommes désormais
certains que grâce à notre entrée dans l'UE, la reprise
sera forte et durable et que nous pourrons de nouveau nous appuyer sur
les hauts niveaux de prospérité et de stabilité du
passé.
Etendre le champ de l'Intégration
En raison de ses liens historiques avec les pays d'Europe centrale et
orientale, l'Autriche pourra apporter une importante contribution à
la politique de l'Union à l'égard de cette région
et aider ainsi l'UE à faire face au plus grand défi qu'elle
doive relever: faciliter une véritable unité européenne
en étendant peu à peu le champ de l'intégration.
Il serait incompatible avec le rôle historique de l'Autriche en
Europe centrale qu'à long terme, nos frontières orientales
demeurent les limites extérieures de l'Union. Il n'y a pas de meilleur
moyen, pour renforcer la stabilité et accroître la prospérité
dans notre région, que l'intégration progressive de nos
voisins dans l'Union. C'est pourquoi ce processus constituera l'une des
priorités de l'Autriche en tant qu'Etat membre.
L'héritage intellectuel et culturel de l'Autriche est inséparable
de celui de l'Europe. Mais nous voyons l'intégration comme un moyen
de parvenir à l'unité, et non à l'uniformité.
Nul, sur ce continent, ne désire que l'Europe devienne un super-Etat
uniformisé. Dans sa diversité et son pluralisme résident
sa force et sa richesse en termes de langues, de styles de vie, de traditions
et de valeurs culturelles. Un nouvelle identité européenne
doit donc venir compléter, et non remplacer, les multiples identités
existantes.
L'Autriche entretient depuis longtemps des relations avec différentes
régions du monde, et son accession à l'UE ne l'empêchera
pas de continuer à les développer. Nous voyons bien au contraire
notre appartenance à l'Union européenne comme un moyen d'intensifier
et de favoriser notre coopération avec des partenaires extérieurs.
L'Autriche sera au nombre des Etats membres qui uvrent pour une
Europe qui ne soit pas une forteresse, mais une maison aux nombreux accès,
en communication constante avec d'autres régions.
L'accession de l'Autriche, de la Suède et de la Finlande à
l'Union européenne s'inscrit dans la logique de l'histoire européenne.
Elle offrira à ces pays toute une variété d'avantages
et des possibilités accrues de participer à la définition
de l'avenir de l'Europe. Dans le même temps, elle permettra à
l'Union d'endosser plus aisément ses responsabilités grandissantes.
Je suis convaincu que la phase d'élargissement actuelle donnera
un nouveau dynamisme au processus d'intégration. L'Europe a besoin
d'une Union européenne cohérente et dynamique, et l'Autriche
est prête à jouer son rôle dans la réalisation
de cet objectif.
Les sondages effectués avant le référendum sur l'adhésion
à l'UE ont fait apparaître que les préoccupations
liées à la sécurité étaient une importante
incitation à voter en faveur de l'accession. En effet, les Autrichiens
peut-être plus que d'autres Européens de l'ouest sont conscients
du fait que l'Europe traverse à l'heure actuelle une période
de moindre stabilité. La tragédie de l'ex-Yougoslavie, à
nos portes, nous a fortement sensibilisés au renouveau de la menace
nationaliste agressive en Europe et aux capacités insuffisantes
des instruments internationaux existants face à de telles crises.
Mais les dangers qui guettent l'Europe nouvelle ne sont pas limités
au domaine militaire, loin s'en faut. Ils s'étendent aux risques
de désastres écologiques, aux flux migratoires incontrôlés,
au crime organisé et au terrorisme international, pour n'en citer
que quelques-uns.
Par sa position géographique, l'Autriche est plus exposée
à ces risques que tout autre pays d'Europe de l'ouest. Les changements
radicaux qui ont affecté l'environnement sécuritaire nécessitent
un réajustement approfondi de notre politique en matière
de sécurité. Et cette adaptation doit partir de l'idée
de base que notre politique traditionnelle de neutralité n'est
plus une réponse suffisante à ces nouvelles difficultés.
La plupart des nouveaux problèmes auxquels l'Europe est confrontée
en matière de sécurité - qu'ils soient militaires
ou non - ne peuvent être résolus individuellement par un
Etat; seuls des efforts collectifs, dans le cadre d'institutions communes,
peuvent être efficaces.
L'adhésion de l'Autriche à l'Union européenne constitue,
à elle seule, une étape importante dans l'évolution
de notre politique de sécurité. En effet, en dépit
de toutes ses divisions et de ses limites, nous voyons l'Union comme une
communauté fondée sur la solidarité et dans laquelle
les partenaires mettent partiellement en commun leur souveraineté
et leurs ressources afin de résoudre leurs problèmes collectifs
par des initiatives conjointes. La cohésion et la solidarité
de l'Union découlent de l'interdépendance et de la fusion
partielle des économies des Etats membres, et offrent ainsi à
chaque partenaire une garantie de sécurité peut-être
plus fiable que des engagements pris dans le cadre de traités officiels.
En ce qui concerne plus particulièrement les menaces de nature
non militaire qui pèsent sur la sécurité de l'Europe
d'aujourd'hui, des réacteurs nucléaires dangereux (un des
héritages du système communiste et de son mépris
total à l'égard de la sécurité et du bien-être
des citoyens) au trafic de drogues, l'Union seule offre la cohésion,
le savoir-faire et les ressources nécessaires pour y faire face
avec une certaine chance de succès. Elle seule est en mesure d'aborder
certaines causes d'instabilité de façon globale, en prenant
en compte tant leur dimension politique que leurs dimensions économique
et sociale. Une des priorités de la politique de l'Autriche au
sein de l'UE sera donc de contribuer au renforcement de l'action de l'Union
dans ces domaines.
PESC et neutralité
En matière de prévention et de gestion des crises internationales,
l'Union n'en est encore qu'à ses débuts. Elle était
fort peu préparée à assumer la responsabilité
de la stabilité européenne qui lui a incombé après
les changements de 1989 et 1990. Les dispositions du Traité de
Maastricht sur une politique étrangère et de sécurité
commune (PESC) sont une première réaction à cette
situation nouvelle et ont été conçues pour renforcer
la capacité de l'Union en tant qu'acteur sur la scène internationale.
Depuis, l'expérience a cependant montré que la définition
d'une politique étrangère et de sécurité efficace
de l'Union sera un processus à plus long terme qui demandera non
seulement des mécanismes plus élaborés mais aussi
- ce qui est plus important -une évolution de la volonté
politique des Etats membres. En effet, l'Union ne pourra formuler et mener
une PESC cohérente et d'une grande portée que si tous les
partenaires sont résolus à affronter les problèmes
de politique étrangère d'intérêt général
ensemble, dans un esprit de loyauté.
La question de la compatibilité de la politique traditionnelle
de neutralité de l'Autriche et de sa participation à la
PESC a souvent été posée au cours des premières
phases du processus d'adhésion. Et notre position a été
claire: il n'y a pas de contradiction entre la PESC telle qu'elle est
prévue dans le Traité de Maastricht et les éléments
clés de notre règle de neutralité, à savoir
la non-participation à des alliances militaires et le non-stationnement
de troupes étrangères sur le territoire autrichien. Dans
la situation relativement exposée qu'elle occupe à la limite
de la zone de stabilité de l'Europe, l'Autriche a tout intérêt
à ce que l'Union mène une politique étrangère
et de sécurité efficace et caractérisée par
la cohésion. C'est pourquoi elle a souscrit sans réserve
aux engagements du Traité de Maastricht en la matière. Le
parlement autrichien a récemment voté un amendement à
la constitution qui sera le fondement légal de la participation
complète de l'Autriche à la PESC. En devenant membre de
l'Union, l'Autriche a également accepté l'objectif lié
à la poursuite de la définition de la PESC, qui sera à
l'ordre du jour de la conférence intergouvernementale de 1996.
Certes, l'Autriche souhaite y participer de façon active et constructive.
Une PESC plus efficace doit être une des tâches prioritaires
qu'elle se donne. Nous devons clarifier le rapport entre la PESC et les
relations extérieures de l'Union. Nous devrons examiner et perfectionner
les mécanismes et les procédures de la PESC à la
lumière de l'expérience acquise depuis l'entrée en
vigueur du Traité d'Union. Nous devons doter l'Union d'une plus
grande capacité de planification et d'analyse en matière
de politique étrangère et envisager les prochaines phases
de la définition d'une politique de défense commune, comme
le prévoit l'Article J.4 du Traité. C'est dans un état
d'esprit constructif et ouvert que l'Autriche entend aborder ces négociations.
Dans leur accord sur la formation du nouveau gouvernement, en novembre
1994, les partis de la coalition au pouvoir ont indiqué que l'Autriche
sera prête à participer en tant que membre de plein droit
au système européen de sécurité susceptible
de se dégager de la conférence intergouvernementale et qui
pourrait également évoluer à partir de l'Union de
l'Europe occidentale.
Je ne me berce pas d'illusions quant aux progrès réalisables
en 1996. Nous approchons de la révision du Traité de Maastricht
alors qu'il n'est entré en vigueur que depuis peu. Bon nombre de
ses dispositions n'ont pas encore été pleinement mises en
uvre, et quelques-unes des divergences de vues qui avaient entravé
les travaux de la dernière conférence intergouvernementale
subsistent. Pourtant, les nuages sombres qui pèsent sur l'environnement
sécuritaire européen indiquent qu'il y a peu de temps à
perdre. Pour qu'elle puisse sauvegarder la sécurité de ses
Etats membres et projeter la stabilité dans d'autres régions
du Continent, l'Union a besoin, de toute urgence, d'une politique étrangère
et de sécurité plus efficace.
Des liens étroits avec l'UEO
Le Tiaité de Maastricht dit de l'Union de l'Europe occidentale
qu'elle "fait partie intégrante du développement de
l'Union européenne" et lui donne pour mission "d'élaborer
et de mettre en uvre les décisions et les actions de l'Union
qui ont des implications dans le domaine de la défense". L'accroissement
du rôle de l'UEO dans la sécurité européenne
est donc devenu l'objet d'un grand intérêt pour l'Autriche.
Le travail qu'effectué actuellement l'UEO en ce qui concerne la
définition d'une politique européenne commune en matière
de défense, importante contribution à la préparation
de la conférence intergouvernementale de 1996, souligne l'interrelation
étroite entre cette organisation et l'Union européenne.
Nous suivons également de près la mise en uvre de
la déclaration de Petersberg et la constitution de la capacité
opérationnelle de l'UEO. Sa participation, en mer Adriatique et
sur le Danube, à l'application des sanctions votées par
l'ONU, et le déploiement d'un contingent de police de l'UEO à
Mostar, apportent les premières preuves concrètes de l'utilité
de l'UEO comme élément des structures de sécurité
de l'Europe.
L'Autriche salue l'octroi aux Etats d'Europe centrale du statut d' associés
partenaires à l'UEO comme une phase importante de l'évolution
de leur intégration au sein des institutions européennes.
En instaurant une coopération intensive avec ces Etats, l'UEO peut
contribuer de façon significative à la stabilité
globale du continent.
Pour sa part, l'Autriche a acquis le statut d'observateur à la
date de son adhésion à TUE, c'est-à-dire au 1er janvier
1995. Cela nous donne le droit d'assister à diverses réunions
de l'UEO et d'exprimer notre opinion sur les sujets traités. L'Autriche
entend utiliser pleinement et activement son statut d'observateur et établir
avec l'UEO des liens de coopération étroits en rapport avec
le rôle important que joue cette organisation dans le processus
d'intégration.
Je suis fermement convaincu que le développement d'une identité
européenne de sécurité et de défense doit
se faire non pas contre l'Alliance atlantique, mais en complément
de celle-ci. La participation active des Etats-Unis et du Canada à
la politique de sécurité européenne est essentielle,
surtout en cette période de moindre stabilité et de risque
de crise élevé. Ce fait a lui aussi été mis
en lumière par l'évolution du conflit dans l'ex-Yougoslavie.
L'Autriche est donc favorable au maintien d'un partenariat transatlantique
fort et d'une présence permanente de forces des Etats-Unis en Europe.
Nous savons fort bien que pendant la Guerre froide, la sécurité
de l'Autriche a reposé dans une large mesure sur la force et la
détermination de l'Alliance occidentale. Et même si depuis,
l'environnement sécuritaire a radicalement changé, l'OTAN
continue de jouer un rôle essentiel dans le renforcement de la sécurité
européenne et, du même coup, autrichienne.
Depuis 1989, l'OTAN a fortement adapté sa doctrine, ses structures
et ses politiques à la nouvelle situation européenne. Un
des éléments essentiels de ce processus a été
l'établissement du dialogue et de la coopération avec les
Etats d'Europe centrale et orientale et d'autres pays de la CSCE. Le Conseil
de coopération nord-atlantique et l'initiative du Partenariat pour
la paix se sont affirmés comme cadre de coopération multilatérale
de valeur en matière de sécurité. Ils aident à
surmonter les divisions du passé tout en veillant, par leur nature
ouverte, à ce qu'il n'en apparaisse pas de nouvelles.
La participation au PfP
Au fil des ans, l'Autriche a établi des liens de coopération
bilatérale avec ses voisins immédiats dans le domaine militaire.
En outre, le gouvernement a également décidé de participer
à l'initiative du Partenariat pour la paix et a signé le
document cadre le 10 février. Notre participation sera plus particulièrement
centrée sur le maintien de la paix, l'Autriche ayant acquis une
grande expérience en la matière, depuis des années,
au service des Nations unies. Nous sommes certains de pouvoir apporter
une importante contribution à la mise en place d'une capacité
européenne de maintien de la paix et sommes tout spécialement
intéressés par les travaux relatifs aux missions d'aide
humanitaire et de secours aux victimes de catastrophes menés sous
les auspices du Partenariat pour la paix. L'adhésion de l'Autriche
au programme du PfP constituera une nouvelle étape importante de
sa participation aux structures de sécurité en coopération
de l'Europe et une bonne occasion de développer ses relations avec
l'Alliance atlantique.
L'Autriche suit avec un grand intérêt le débat sur
l'éventuel élargissement possible de l'OTAN. Nous comprenons
le désir qu'ont les pays d'Europe centrale de jouir de la stabilité
et de la sécurité que confère l'appartenance pleine
et entière à la communauté de défense transatlantique.
Nous pensons également qu'une OTAN élargie constituant un
système de défense collective composé de pays démocratiques
ne menacera aucun autre Etat et pourrait, bien au contraire, contribuer
à la préservation de la paix et de la sécurité
sur l'ensemble du continent.
J'aimerais cependant dire que le processus d'élargissement de l'OTAN
doit être abordé avec le plus grand soin et la plus grande
circonspection, et aussi d'une façon qui prenne en compte les intérêts
légitimes de toutes les parties. Il faut éviter de créer
de nouveaux antagonismes, qui auraient des conséquences négatives
sur les processus intérieurs de réforme de certains pays.
Il paraît donc essentiel que l'OTAN établisse une étroite
relation de partenariat avec la Russie et qu'une OTAN élargie s'inscrive
dans une structure de sécurité en coopération extrêmement
élaborée et très solide au sein de laquelle la Russie
pourrait jouer un rôle en rapport avec sa taille et son importance.
Il est également capital que l'Ukraine ait sa place dans cette
structure.
L'Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe (OSCE) - ex-CSCE - est en très bonne place pour jouer
ce vaste rôle en matière de dialogue et de coopération
sur la sécurité européenne. Ses documents offrent
un code de conduite fort détaillé, qui se fonde sur des
valeurs communes appelées à orienter les politiques des
Etats membres de toutes régions. L'OSCE, qui s'étend de
Vancouver à Vladivostok, est un forum irremplaçable qui
permet d'entretenir un dialogue élargi et suivi. De plus, les intérêts
de tous les participants peuvent s'y rapprocher, dans une perspective
véritablement globale de l'évolution européenne.
Elle joue donc un rôle essentiel lorsqu'il s'agit de se défaire
de l'héritage des anciennes divisions et d'éviter que de
nouvelles barrières ne se dressent. Par ailleurs, l'OSCE s'est
dotée d'une capacité prometteuse en matière de diplomatie
préventive, de gestion des crises et de maintien de la paix, et
elle continue de jouer un rôle important dans la maîtrise
des armements. Ces dernières années, de grands progrès
ont été accomplis dans l'adaptation de cette organisation
à ses nouvelles fonctions, mais beaucoup reste encore à
faire. L'Autriche, où sont implantés d'importants organes
de l'OSCE, demeure attachée au renforcement de cette institution
et souhaite que les moyens lui soient donnés d'être aussi
efficace que possible.
Ce bref aperçu de la position de l'Autriche vis-à-vis de
diverses institutions européennes chargées de questions
de sécurité a permis de montrer que nous sommes confrontés
à un processus de transformation continue et profonde. J'avoue
douter du bien-fondé de la métaphore fréquemment
utilisée de ^'architecture de sécurité européenne",
car elle semble supposer un élément de solidité et
de permanence qui ne correspond tout simplement pas à la situation
européenne actuelle. Certes, il existe une zone de stabilité,
autour de l'Union européenne et de l'OTAN, que nous nous efforçons
de consolider et d'étendre. Mais les menaces intérieures
et extérieures qui pèsent sur la sécurité
européenne changent, et les réponses institutionnelles et
autres doivent être adaptées en conséquence.
Il subsiste donc une très grande incertitude quant à la
configuration des structures de sécurité européennes
dans les cinq ou dix années à venir, aux relations entre
les différentes organisations et aux choix précis de chacun
des Etats. Pour des pays comme l'Autriche, cette situation signifie qu'ils
doivent être prêts à revoir à tout moment leur
politique en matière de sécurité afin de protéger
efficacement leurs intérêts et de contribuer à la
stabilité générale de l'Europe. Notre point de vue
fondamental est clair: dans la situation nouvelle de l'Europe, la sécurité
ne peut pas être assurée par le repli sur soi, mais seulement
grâce à des efforts communs et à un partage des responsabilités.
Puisqu'aucun Etat ne peut garantir sa sécurité à
lui seul, tous doivent contribuer à la sécurité commune.
Cette conviction fondamentale, à savoir qu'il n'y a pas de sécurité
sans solidarité, guide notre approche de l'évolution future
des structures de sécurité européennes.

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