Cette année, nous commémorons le 25e anniversaire de l’adhésion de la République tchèque à l’OTAN, un tournant dans la quête de sécurité de notre pays.
La Tchéquie est marquée par une histoire tragique liée à l’expansionnisme de nos voisins, proches ou éloignés. Maintes fois, des forces étrangères lourdement armées ont piétiné aussi bien notre territoire que nos espoirs de liberté et d’indépendance. Au vingtième siècle, nous avons dû faire face seuls aux agressions nazie et soviétique. Les années 1938 et 1968 furent pour nous le début de périodes profondément traumatisantes et humiliantes.

Le drapeau tchèque est hissé au siège de l’OTAN pour la première fois, à l’occasion de l’adhésion de la République tchèque à l’Organisation – Bruxelles (Belgique), 16 mars 1999. © OTAN
En rejoignant l’OTAN, la Tchéquie – ainsi que l’ensemble des pays d’Europe centrale et orientale – s’est vu offrir la meilleure garantie de sécurité de toute son histoire. Les pays réunis au sein de l’Alliance partagent non seulement la volonté d’assurer la sécurité en Europe et en Amérique du Nord, mais également, comme stipulé à l’article 2 du Traité de l'Atlantique Nord, la détermination à renforcer leurs libres institutions dans le but de contribuer au développement de relations internationales pacifiques et amicales. Notre adhésion à l’OTAN nous a donc sans aucun doute aidés à ancrer nos valeurs. Ce fut là une belle manière de tourner la page, après le traumatisme causé par les accords de Munich, les espoirs déçus de nombreux Tchèques et Slovaques, qui aspiraient à un pays libre, mais aussi la chute du régime communiste puis le retrait des forces d’occupation soviétiques. Pour l’Alliance aussi, ce fut un moment décisif : en ouvrant ses portes aux États d’Europe centrale et orientale, elle put démontrer sa capacité à réagir aux mutations de l’ordre international et à endosser un nouveau rôle sur le plan de la sécurité.
À l’heure où le régime du président Poutine nourrit des intentions agressives, ne faisant aucun mystère de son dessein de renouveler la sphère d'influence russe en Europe, l’adhésion à l’Alliance prend plus que jamais tout son sens. La mission principale de l’OTAN – la défense collective – est en train de repasser au premier plan. Nul d’entre nous ne peut affronter à lui seul une Russie hostile. Pendant 30 ans, nous n’avons été confrontés à aucune véritable menace et nous avons eu la chance de vivre en paix. Malgré une diminution de la capacité militaire des pays européens, l’OTAN est restée proportionnellement plus puissante que la Russie sur le plan militaire grâce à son importante force économique.
Si nous ne voulons pas perdre cet avantage, nous devons impérativement préserver la cohésion au sein de l’OTAN. La Russie en est évidemment bien consciente, et c’est pourquoi elle intensifie les activités hybrides qu’elle mène de longue date à l’encontre des démocraties européennes. Nous devons nous aussi nous moderniser, et rapidement. Nous devons renforcer les capacités de l’industrie de défense ainsi que les armées des différents pays de l’Alliance.

Une modernisation est importante, de même qu’un renforcement des capacités de l’industrie de défense et des armées des différents pays de l’Alliance. Le gouvernement tchèque a récemment formalisé son engagement à acquérir 24 avions F-35 Lightning II. © Lockheed Martin
Nous allons devoir nous atteler à trois tâches essentielles :
- augmenter la production industrielle sans plus attendre, dans presque tous les principaux secteurs de l’industrie de défense ;
- développer les capacités de combat réelles de chaque armée européenne, tout en exploitant rigoureusement les innovations et l’expérience acquises sur le champ de bataille ukrainien, en particulier dans le domaine des systèmes autonomes ;
- rester forts face aux opérations d'information menées par le Kremlin, qui cherche précisément à produire l’effet inverse.
Dans cette entreprise, nous devrions prendre exemple sur des pays tels que les États baltes, la Pologne et la Finlande, qui ont déjà entamé ces vastes chantiers, mus par leur proximité géographique avec la Russie. À l’ère de la mondialisation, nous aurions tort de croire que nous sommes à l’abri, sous prétexte que les pays d’Europe centrale et occidentale se trouveraient suffisamment loin de la prochaine cible potentielle de Moscou.
Un pour tous, tous pour un
Toute escalade dans les actions agressives de la Russie aurait des incidences sur l’ensemble des pays de l’OTAN, à des degrés divers. Minimiser cette menace serait irresponsable de la part des décideurs. Il ne s’agit pas de céder à la peur, mais de prendre au sérieux les tâches qui nous incombent en tant que pays et de renforcer la contribution européenne à la sécurité transatlantique. À cet égard, investir dans la défense est le choix le plus judicieux. La sécurité est une condition sine qua non à la liberté, à la prospérité et à l’épanouissement de notre société. La célèbre devise des trois mousquetaires, « Un pour tous, tous pour un », s’applique également à l’Alliance. Aucun pays ne peut affronter à lui seul les menaces émanant des régimes autocratiques de ce monde, unis dans leur mépris du droit international et du droit des nations plus petites à prendre librement les décisions qui les concernent.
À l’heure actuelle, force est de constater que le populisme contemporain, alimenté par la désinformation massive généralement instiguée par les pays qui nous sont hostiles, ravive les vieux démons du nationalisme. Une fois encore, il nous revient à tous de faire barrage à ces démons, en vertu de l’ordre international fondé sur des règles et des obligations qui sont les nôtres en tant qu’Alliés.
L'importance de l’OTAN pour la Tchéquie
Amorcée il y a 30 ans, la transformation des forces militaires tchèques en une armée relevant d'un État démocratique, entièrement professionnelle et interopérable avec les forces armées des autres pays de l’Alliance, est loin d’avoir été simple. Pour changer en profondeur la culture interne des forces armées, nous avons dû travailler d’arrache-pied. Il a également fallu comprendre que, pour devenir membre de l’OTAN, il était indispensable de consacrer suffisamment de ressources à la défense. Nous avons accéléré le processus, crucial, de modernisation de nos équipements et armements, lesquels étaient obsolètes et défaillants, en nous engageant à consacrer 2 % de notre PIB à la défense. Malheureusement, nous avons longtemps négligé cet engagement, ce qui a entraîné une chute de ce pourcentage à 1 %. Après l’invasion à grande échelle lancée par la Russie en Ukraine, qui s’est traduite par une profonde dégradation de la sécurité au niveau international, nous avons considérablement augmenté nos dépenses de défense. Depuis 2023, l’obligation de consacrer 2 % du PIB à la défense est inscrite dans le droit tchèque, ce dont je me félicite.

La Tchéquie participe activement à un système de défense collective et contribue au développement des capacités de l’Alliance. Les forces armées tchèques prennent part aux activités que l’OTAN mène à la fois pour empêcher des attaques ennemies et pour préparer et conduire des opérations. Photo : l’équipe tchèque du contrôleur interarmées de la finale de l'attaque, lors d’un exercice d’orientation cartographique réalisé dans le cadre d’Ample Strike 2019. © AIRCOM / Sarah Schulte
Aujourd'hui, en tant que membre de l’OTAN, la Tchéquie participe activement à un système de défense collective et contribue au développement des capacités de l’Alliance. Nous déployons systématiquement nos forces armées dans le cadre des activités que l’OTAN mène à la fois pour empêcher des attaques ennemies et pour préparer et conduire des opérations. Qu’il s’agisse de réagir en cas d’attaque ou de s’acquitter d’obligations internationales en matière de défense commune, les forces armées tchèques doivent avant tout être capables de faire face, en partenariat avec les autres Alliés, à un conflit militaire intense et long l’opposant à un adversaire à la pointe de la technologie, que ce soit sur le territoire tchèque ou ailleurs.
Par ailleurs, en rejoignant l’OTAN, nous avons renforcé encore notre armée en l’impliquant dans des missions et des opérations étrangères, auxquelles elle n’était pas apte à participer par le passé. Autre avantage majeur : nous avons acquis de l’expérience au combat aux côtés de nos partenaires occidentaux, ce qui signifie que nous avons mis en œuvre des procédures opérationnelles occidentales et gagné en interopérabilité, tant technique que psychologique.
Élargissement de l'OTAN
Qui dit élargissement, dit un nombre plus important d’Alliés et, par conséquent, un rapprochement plus complexe des intérêts des uns et des autres. Mais qui dit élargissement, dit aussi une OTAN plus efficace au combat. L’armée suédoise, exceptionnellement avancée sur le plan technologique, et l’armée finlandaise, bien entraînée et coriace, viennent véritablement enrichir les capacités réelles de l’OTAN. C’est pourquoi je me réjouis vivement de l’arrivée de la Finlande et de la Suède, qui vont contribuer à la sécurité collective non seulement sur le plan des capacités militaires traditionnelles, mais aussi pour ce qui est des nouveaux défis technologiques. Une cyberattaque ou des activités hybrides d’un niveau comparable à celui d’une opération militaire cinétique pourraient entraîner l’invocation de l’article 5, relatif à la défense collective. Nous devons garder à l’esprit que le cyberespace est devenu un milieu d’opérations au même titre que les milieux aérien, terrestre, maritime et spatial.
Nouvelles technologies
Nous nous trouvons face à un défi de taille, qui réside dans l’absolue nécessité de défendre l’Ukraine, mais il faut également bien se rendre compte que nous affrontons de vieux ennemis – les régimes autoritaires – sur un champ de bataille qui a changé. Les milieux d’opérations de demain vont être radicalement différents de ceux d’aujourd’hui. Des systèmes de combat sans pilote et de plus en plus autonomes, assurant une prise de décisions extrêmement rapide, vont prendre le pas sur les systèmes obsolètes ainsi que sur les êtres humains. Si elle veut l’emporter dans un conflit, l’Alliance va devoir miser sur les capacités combinées, tout en conservant un avantage qualitatif.

Des systèmes de combat sans pilote et de plus en plus autonomes, assurant une prise de décisions extrêmement rapide, vont prendre le pas sur les systèmes obsolètes ainsi que sur les êtres humains. Le corps des marines des États-Unis pilote un drone à Camp Lejeune – Caroline du Nord, 17 janvier 2023. © Corps des marines des États-Unis / Michael Virtue
Aussi sérieuse la menace russe soit-elle, nous ne devons pas négliger les voisins de l’Europe. Le Sahel, l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient sont des régions clés dont la stabilité ou l’instabilité ont et continueront d’avoir des répercussions importantes sur la communauté internationale.
L’avenir de la sécurité internationale dans l’espace euro-atlantique
Notre vision de la sécurité dans l’ensemble de l’espace euro-atlantique a évolué d’une manière sans précédent, et les actions et réflexions des membres de l’Alliance reflètent cette nouvelle réalité. Les budgets de défense augmentent, de même que l’aide militaire et financière apportée à l’Ukraine. La Russie restera sans aucun doute la principale menace non seulement pour l’Europe mais aussi pour l’ordre mondial. L’OTAN doit à présent faire tout ce qui est en son pouvoir pour préserver l’architecture de sécurité européenne et les liens transatlantiques. La dissuasion et la défense, la prévention et la gestion des crises, et la sécurité coopérative demeurent des tâches cruciales pour l’avenir. Néanmoins, nous, Européens, avons également la responsabilité de convaincre nos Alliés nord-américains que l’Europe prend les questions de sécurité très au sérieux et est déterminée à tout mettre en œuvre pour que l’Alliance reste forte, notamment en assumant sa juste part du coût que représente l’OTAN dans sa globalité.
Le prochain sommet de l’OTAN, qui se tiendra à Washington, sera une occasion unique de montrer au monde entier que l’Alliance est capable de réagir aux menaces et aux défis de notre temps. Nous devons être parfaitement préparés et déterminés ; nous avons besoin d’une Alliance unie et, surtout, nous ne devons pas oublier que la devise « Un pour tous, tous pour un » ne peut s’appliquer que dans un climat de confiance. Ne laissons pas passer cette occasion !