La guerre d’agression à grande échelle que la Russie mène contre l’Ukraine n’est pas le seul défi auquel l’OTAN est aujourd'hui confrontée. La semaine qui a précédé le sommet de Vilnius a été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde. La chaleur accablante de l’été dernier a entraîné une surmortalité importante, provoquant 20 000 décès supplémentaires rien qu’en Europe occidentale, en plus de compromettre le bon fonctionnement d'infrastructures civiles et militaires d'importance critique. Elle a en outre causé de violents incendies de forêt en Europe, qui ont nécessité le déploiement de militaires en renfort.

Et avec les vagues de chaleur et les incendies de forêt en Méditerranée, conjugués au retour du phénomène climatique El Niño, qui va probablement donner lieu à des températures record ainsi qu’à une aggravation des épisodes de sécheresse ou de pluie dans différentes régions du monde, l’année 2023 pourrait bien s’avérer pire encore. Dans ce contexte, il n’est guère surprenant que pas moins de 32 % des citoyens des pays de l’Alliance considèrent le changement climatique comme la principale menace pour leur sécurité, devant le risque de guerre, le terrorisme, l’instabilité politique ou les cyberattaques, ainsi qu’il ressort d'une récente enquête de l’OTAN.

Des touristes tentent de se rafraîchir sur la place du Marché de Cracovie (Pologne), le 25 juillet 2022. Des masses d’air chaud venues d’Afrique stagnaient alors au-dessus de la majeure partie du pays et de l’Europe. © Reuters
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Des touristes tentent de se rafraîchir sur la place du Marché de Cracovie (Pologne), le 25 juillet 2022. Des masses d’air chaud venues d’Afrique stagnaient alors au-dessus de la majeure partie du pays et de l’Europe. © Reuters

Si cela fait plus de 50 ans déjà que l’OTAN s’intéresse aux enjeux environnementaux, essentiellement dans le cadre de travaux de recherche scientifique, ce n’est que récemment qu’elle a commencé à prendre des mesures concrètes en la matière. Au sommet tenu à Bruxelles en 2021, elle s’est ainsi donné comme objectif de devenir « l'organisation internationale de référence s'agissant de comprendre les incidences du changement climatique sur la sécurité et de s'y adapter », et elle a adopté un plan d’action sur le changement climatique et la sécurité à l’appui de cette ambition. Ce plan d'action définit son rôle en la matière, qui s’articule autour de quatre axes : aider les Alliés à mieux cerner les incidences du changement climatique sur la sécurité ; tenir compte de la problématique de l’adaptation au changement climatique dans tous les volets de son action ; atténuer les effets du dérèglement climatique par la réduction des émissions résultant des activités militaires ; intensifier les contacts avec les autres acteurs qui traitent les questions de sécurité climatique. Elle s’est fixé des objectifs concrets de diminution des émissions de gaz à effet de serre, qu’elle entend réduire d’au moins 45 % d’ici 2030, pour atteindre zéro émission nette d'ici 2050. La mise en œuvre du programme de l’OTAN en matière de sécurité climatique, qui est plus vaste et plus ambitieux que jamais, comporte son lot de défis, dont certains seront plus faciles à relever que d’autres. S’inspirant de divers travaux de recherche, cet article vise à présenter, sous une forme accessible à tous, les différents éléments dont l’OTAN devra tenir compte dans la poursuite de son objectif de zéro émission nette. Huit grands défis seront ainsi mis en évidence.

Les dirigeants des pays de l’Alliance face à une installation vidéo consacrée au changement climatique, lors du sommet tenu à Bruxelles en 2021. © Reuters
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Les dirigeants des pays de l’Alliance face à une installation vidéo consacrée au changement climatique, lors du sommet tenu à Bruxelles en 2021. © Reuters

Priorisation, mobilisation et volonté politique

Alliance de 31 pays souverains (bientôt 32 avec l’adhésion prochaine de la Suède), l’OTAN fonctionne sur la base du consensus. Or, face à la problématique du changement climatique, les Alliés ne sont pas tous au diapason. Si certains d’entre eux souhaitent que l’OTAN soit au premier plan de la lutte contre ce phénomène, d’autres (notamment des pays d’Europe centrale et orientale) s’inquiètent du rythme – selon eux trop rapide – auquel s'opère la transition énergétique, que ce soit dans le secteur de la défense ou ailleurs. Alors que la guerre fait rage aux portes de l’Alliance, chercher à atteindre des objectifs plus ambitieux en matière de réduction des émissions ne paraît pas aussi urgent que de fournir à l’Ukraine les moyens de défense dont elle a besoin, tout en renforçant la capacité de défense collective des Alliés face à la menace russe. Les vues divergentes des pays sur ces questions pourraient freiner l’action de l’OTAN en matière de sécurité climatique et en limiter l’ampleur. Il faudra absolument maintenir l’élan et garder le cap. Les hauts responsables de l’OTAN et les pays membres devront continuer de se mobiliser avec détermination pour que la sécurité climatique demeure l’une des priorités de l’Organisation.

Scepticisme, préjugés et méconnaissance des enjeux climatiques au sein des armées

Militaires, fonctionnaires ou ministres, tous n’envisagent pas l’enjeu climatique avec le même degré d’urgence. Les perceptions à cet égard sont également très différentes d'un pays à l’autre. Si, dans l’ensemble, les militaires sont de plus en plus conscients de la nécessité de s’adapter au changement climatique et déterminés à œuvrer en ce sens, certains continuent toutefois de penser que l’action des forces ne devrait pas être entravée par des objectifs environnementaux. L’idée, dominante, selon laquelle il faut trouver un équilibre entre écologie et capacité opérationnelle, ainsi que la crainte que les initiatives de décarbonation du secteur de la défense nuisent à l’efficacité opérationnelle, constituent des freins à un véritable changement au sein des armées

Autre obstacle, tout aussi important : l’aversion pour le risque. Pour pouvoir acquérir, adopter et déployer à grande échelle des technologies écoénergétiques, il faut être prêt à accepter l’innovation. Or, contrairement aux entreprises du secteur privé, qui considèrent que l’échec fait partie intégrante du processus d'innovation, les administrations nationales craignent généralement que, si une tentative d’innovation échoue, la population ou les médias leur reprochent de dilapider l’argent public. Ce « protectionnisme budgétaire » empêche les ministères de la Défense d’adopter des solutions plus propres. Comme l’a indiqué un responsable de l’OTAN, un profond changement de mentalité s’impose si l'on veut pouvoir se doter des technologies requises avec la rapidité voulue.

Pour pouvoir acquérir, adopter et déployer à grande échelle des technologies écoénergétiques, il faut être prêt à accepter l’innovation. © OTAN
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Pour pouvoir acquérir, adopter et déployer à grande échelle des technologies écoénergétiques, il faut être prêt à accepter l’innovation. © OTAN

Les programmes de formation et d’entraînement à l’intention des militaires et les ateliers et exposés visant à mettre en évidence les avantages des initiatives vertes sont des moyens efficaces de sensibiliser les participants à la problématique et de les amener à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement. L’OTAN s’attache déjà à intégrer l’enjeu climatique dans toutes ses activités de formation et d’entraînement à l'intention des civils et des militaires, et elle offre aux Alliés une enceinte où ils peuvent échanger des bonnes pratiques et partager leur expérience concernant l'adoption de solutions vertes dans le secteur militaire et les avantages qui en découlent sur le plan opérationnel. Ses activités de diplomatie publique sont un autre instrument utile dans ce contexte. Par exemple, la conférence 2022 des responsables de la communication à l’OTAN, lors de laquelle il a notamment été question de sécurité énergétique et de changement climatique, a permis aux Alliés d’affiner leurs stratégies de communication nationales, l'objectif étant de mieux faire comprendre que, même en temps de guerre, les énergies propres et l'action climatique doivent demeurer des priorités. Par ailleurs, des recherches et des expériences consacrées à la communication sur la thématique environnementale montrent que les climatosceptiques sont plus enclins à s'inquiéter des effets du changement climatique lorsque cette problématique est présentée comme un enjeu de sécurité nationale par des militaires d’active ou d’anciens militaires.

Interopérabilité

À l’heure actuelle, l’approvisionnement en énergie des forces armées des pays de l’Alliance est assuré quasi exclusivement par des entités privées et repose sur des moyens civils et commerciaux (pipelines, infrastructures et sites de stockage). Alors que des acteurs civils – et parfois des pays entiers – se détournent des combustibles fossiles, il ne faudrait pas que le secteur militaire se retrouve seul à dépendre encore du diesel et du gaz. Maintenir en service les raffineries et les infrastructures pétrolières pour un seul secteur pourrait s’avérer excessivement coûteux, voire impossible, et mobiliserait en tout état de cause une part plus importante des ressources nationales. C’est pourquoi l’OTAN considère qu'il est essentiel que les forces armées des pays de l’Alliance suivent la cadence de la transition verte en cours dans le secteur civil.

Un autre sujet de préoccupation est celui de la compatibilité des carburants à usage militaire. Les forces armées des pays de l’OTAN doivent se conformer à la politique du carburant unique, qui vise à simplifier le travail logistique et à accroître l’interopérabilité des matériels. D’après Paul Beattie, vice-amiral de la marine britannique, « s’il a toujours été difficile de parvenir à l’interopérabilité numérique, pour le carburant, en revanche, les choses étaient nettement plus simples : nous utilisions tous le même, celui prescrit par la norme OTAN ». Alors que certains pays de l’Alliance s’attachent déjà à investir dans les technologies vertes et à modifier leurs normes en matière de carburant, d’autres continuent d’employer des équipements d’ancienne génération. Si les Alliés n’avancent pas au même rythme dans la réalisation des objectifs de réduction des émissions du secteur militaire et dans l’adoption de solutions plus propres pour ce secteur et s’ils n’affichent pas tous le même degré d’ambition à cet égard, leur capacité de mener des opérations conjointes risque de s’en trouver compromise.

En établissant des normes et en favorisant l’échange de bonnes pratiques, l’OTAN peut contribuer à ce que les Alliés progressent de concert, sans divergences. Au sommet de Vilnius, les pays de l’OTAN sont convenus d’établir un plan pour la mise en œuvre de l’initiative relative à la transition énergétique dans le secteur militaire, initiative dont l’idée avait été émise initialement par le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, au sommet tenu à Madrid en 2022. Cette initiative, qui tient compte du risque de différences d’approche, vise à aider les forces armées des pays de l’Alliance à s’affranchir des combustibles fossiles tout en préservant leur interopérabilité et leur efficacité opérationnelle.

Alors que certains pays de l’Alliance s’attachent déjà à investir dans les technologies vertes, à modifier leurs normes en matière de carburant et à recourir davantage au carburant d'aviation durable, d’autres continuent d’employer des équipements d’ancienne génération.
Photo : un F-35A Lightning II affecté à la 34e escadre de chasse de l’US Air Force est ravitaillé par un KC-10 Extender alors qu’il survole la Pologne, le 24 février 2022. © US Air Force
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Alors que certains pays de l’Alliance s’attachent déjà à investir dans les technologies vertes, à modifier leurs normes en matière de carburant et à recourir davantage au carburant d'aviation durable, d’autres continuent d’employer des équipements d’ancienne génération. Photo : un F-35A Lightning II affecté à la 34e escadre de chasse de l’US Air Force est ravitaillé par un KC-10 Extender alors qu’il survole la Pologne, le 24 février 2022. © US Air Force

Longs délais d’acquisition

Les équipements militaires peuvent avoir une durée de vie plus longue que celle des équipements civils, et il peut s’avérer plus difficile de les faire évoluer. Les équipements et plateformes militaires qui en sont aujourd'hui au dernier stade de conception ne seront pas mis à la disposition des forces armées avant les années 2030, et ils seront toujours en service dans les années 2080, moment où les stocks de diesel encore disponibles au niveau mondial se négocieront probablement au prix fort. L’OTAN considère que, pour éviter de s’enfermer dans un système à forte empreinte carbone et de se retrouver, à terme, avec des actifs « échoués » (c’est-à-dire des actifs qui se seraient fortement dévalués en raison de la technologie sur laquelle ils reposent), il est important de veiller à ce que les exigences d’efficacité énergétique soient prises en considération dès aujourd'hui dans la phase de conception des capacités. Une modernisation des systèmes de combat et des systèmes techniques ainsi que des carburants sera également nécessaire sur le court terme, en particulier à mi-vie, sachant que l'on ignore encore quels systèmes et technologies seront en usage d’ici dix à quinze ans.

Dans le domaine des technologies écoénergétiques aussi, les délais d’acquisition sont longs. Il faut donc s’attendre à ce que les armées des pays de l’Alliance demeurent pendant longtemps encore de grandes consommatrices de combustibles fossiles. Du reste, la part des forces armées dans les émissions mondiales va probablement s'accroître à mesure que les autres secteurs poursuivront leur décarbonation.

Difficultés d’ordre technique et opérationnel

Certaines solutions technologiques ne sont pas sans inconvénient. Par exemple, les batteries lithium-ion mettent du temps à se recharger, elles s’abîment plus rapidement par temps chaud, et leur capacité ainsi que leur performance diminuent par temps froid. Dans un environnement contesté, l’opération de recharge des batteries doit être soigneusement planifiée, d’autant plus qu’elle nécessite aujourd'hui encore l’intervention des services logistiques chargés des carburants. Un autre problème est que ces batteries pèsent lourd, ce qui entrave la mobilité.

L’hydrogène est considéré par certains comme une solution intéressante, qui pourrait être utilisée à grande échelle dans le secteur militaire. Or, à l’heure actuelle, produire de l’hydrogène coûte cher et consomme beaucoup d’énergie, et les infrastructures existantes ne sont pas suffisantes. Quant aux biocarburants, les matières premières nécessaires à leur fabrication ne sont pas inépuisables, et elles font déjà l’objet d’une intense concurrence avec le secteur civil (notamment l’industrie agroalimentaire). De plus, une intensification de la production de biocarburant pourrait avoir des conséquences fâcheuses : changement d’affectation des terres, déforestation et perte de biodiversité. Cela entraînerait la disparition de puits de carbone, ce qui, d’après certains observateurs, aurait des effets encore plus délétères que l’utilisation de combustibles fossiles. Une autre possibilité serait de recourir à l’énergie nucléaire, mais cette solution, bien que techniquement possible, est une option que la plupart des armées sont réticentes à envisager, et ce pour diverses raisons (sécurité, coûts d'exploitation élevés, problématique des infrastructures et du stockage). Si, dans l’ensemble, les forces armées des pays de l’Alliance emploient déjà un vaste éventail de technologies écoénergétiques dans leurs bases permanentes, voire dans leurs bases d'opérations avancées, les nouvelles technologies vertes ne sont, pour bon nombre d’entre elles, pas encore assez abouties pour pouvoir être utilisées au combat. Par ailleurs, à mesure qu’elles passeront aux énergies renouvelables, les forces armées des pays de l’OTAN s’appuieront encore davantage sur des systèmes intelligents et connectés, qui sont souvent la cible de cyberattaques.

Véritable priorité, la lutte contre le changement climatique s’accompagne de difficultés d’ordre technique et opérationnel. © US Air Force
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Véritable priorité, la lutte contre le changement climatique s’accompagne de difficultés d’ordre technique et opérationnel. © US Air Force

Poids du secteur privé dans l’innovation verte

Pour atteindre ses objectifs de décarbonation, l’OTAN aura besoin de l’aide du secteur privé. Alors que, par le passé, le secteur militaire était le principal moteur des avancées technologiques, il est désormais supplanté par les entreprises privées, qui développent des solutions à double usage innovantes dont les forces armées des pays de l’Alliance pourraient tirer parti dès à présent, notamment dans une optique de durabilité. À l’exception des grandes entreprises de défense, les acteurs privés sont généralement peu enclins à collaborer ou à partager des informations avec le secteur de la défense. C’est particulièrement vrai pour les start-up et pour les entreprises en expansion. Par ailleurs, la lourdeur des procédures et la longueur des délais tendent à exercer un effet dissuasif.

Mais l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie, en 2022, semble avoir changé la donne : nombre d’entreprises privées ont alors décidé de mettre leurs ressources, leurs capacités et leur expertise au service de la sécurité nationale. La guerre a en outre mis en lumière les dangers potentiels des investissements étrangers dans les start-up de l’Alliance, notamment ceux émanant de pays dont les agissements sont contraires aux intérêts et à la sécurité de cette dernière, en particulier la Chine. Le fonds OTAN pour l'innovation (NIF) et l’Accélérateur d'innovation de défense pour l'Atlantique Nord (DIANA) doivent permettre de rapprocher le monde de l’innovation et le secteur militaire et de doter les start-up, les acteurs de l’innovation et les milieux universitaires de moyens supplémentaires.

Nouvelles dépendances stratégiques à l’égard de fournisseurs non fiables

Alors qu’ils se détournent des combustibles fossiles, les Alliés doivent veiller à ne pas substituer une dépendance à une autre, notamment pour ce qui concerne les minerais d’importance critique, qui sont une composante essentielle des technologies propres – comme les panneaux solaires et les piles à combustible – et des systèmes d’armes modernes. La Chine domine actuellement le marché de l’extraction et du traitement des terres rares et assure 98 % de l’approvisionnement de l’Europe. Si la majorité des pays de l’OTAN sont assez rapidement parvenus à trouver des substituts aux ressources énergétiques russes et à s’en affranchir, il sera bien plus difficile d’opérer un découplage avec la Chine. Les pays de l’Alliance doivent accroître la résilience de leurs chaînes d'approvisionnement, mieux cerner les principales faiblesses, diversifier leurs importations et remédier aux vulnérabilités constatées en adoptant l’approche « des 6 R » (repenser, réduire, remplacer, remanier, recycler et redistribuer). L’OTAN pourrait jouer un rôle moteur à cet égard en analysant les vulnérabilités liées aux matières premières et aux chaînes d’approvisionnement, en encourageant les Alliés et les partenaires à tenir compte des résultats de cette analyse dans leurs décisions d’achat, et en définissant des approches et des normes communes en matière de lutte contre la coercition économique.

Effectifs et moyens financiers

Ce n’est qu’assez récemment que l’OTAN a commencé à agir face aux risques de sécurité découlant du changement climatique, et il faut encore allouer les effectifs et les moyens voulus pour faire de cette problématique une priorité. Depuis l’adoption, en 2021, du plan d’action sur le changement climatique et la sécurité, le siège de l’OTAN a engagé des spécialistes des questions climatiques, et d’importantes mesures ont été prises afin de renforcer l’expertise et le savoir-faire de l'Organisation dans ce domaine. Le Centre OTAN pour la recherche et l'expérimentation maritime (CMRE), par exemple, qui est rattaché à l’Organisation pour la science et la technologie (STO), recrute actuellement des climatologues. Et le Centre d’excellence sur les changements climatiques et la sécurité (CCASCOE), qui ouvrira ses portes au Canada à l’automne 2023, devrait employer pas moins de 35 agents permanents (civils et militaires). Certes, l’OTAN ne peut pas contraindre les Alliés à allouer, à l’échelon national, davantage de ressources humaines et financières à la problématique de la sécurité climatique. Mais le fait que onze pays parrains (en plus du Canada) aient signé, à Vilnius, le mémorandum d'entente relatif au CCASCOE et se soient engagés à détacher des experts nationaux auprès de ce centre témoigne bien d'une volonté de s’engager dans cette voie.

Photo officielle du secrétaire général et des chefs d’État et de gouvernement au sommet de Vilnius, en 2023. © OTAN
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Photo officielle du secrétaire général et des chefs d’État et de gouvernement au sommet de Vilnius, en 2023. © OTAN

Le programme pour la science au service de la paix et de la sécurité (SPS), qui finance des travaux collaboratifs menés par des scientifiques de pays de l’Alliance et de pays partenaires, s’intéresse de plus en plus à la thématique de la sécurité environnementale et finance un nombre croissant d’activités en lien avec cette problématique. Ainsi, en 2022, 17 % des travaux subventionnés par le programme portaient sur la sécurité climatique (activités de recherche et échange de connaissances en la matière). En 2023, la priorité a été donnée aux projets axés sur la sécurité environnementale et sur la sécurité énergétique. Le fonds OTAN pour l'innovation (NIF) et l’Accélérateur d'innovation de défense pour l'Atlantique Nord (DIANA) comportent tous deux un volet vert. D’ailleurs, la résilience énergétique était l’un des trois thèmes mis à l’honneur dans les appels à propositions lancés par le DIANA à son ouverture, en juin 2023. Tout cela montre que, malgré des positions et des priorités différentes, les Alliés continuent de prendre très au sérieux les risques que le changement climatique fait peser sur leurs activités militaires.

Conclusion

Dans le cadre de son action en matière de sécurité climatique, l’OTAN se trouve face à de multiples défis : nouvelles dépendances stratégiques, risques sur le plan technique et en termes d’interopérabilité, manque de moyens humains et financiers, etc. Pour pouvoir être à la hauteur des enjeux du moment, elle doit veiller à ce que son rôle en matière de sécurité climatique soit clairement défini (pour elle-même comme pour le grand public), à ce que les ressources nécessaires lui soient allouées et à ce que son action s’appuie sur une volonté politique affirmée. Il est capital de maintenir le cap et de poursuivre le travail, malgré la guerre en cours et les autres priorités. Un changement de paradigme s’impose dans le secteur de la défense, mais pas seulement : c’est la société toute entière qui doit être sensibilisée à la problématique du changement climatique.

Malgré les défis auxquels elle est confrontée, l’OTAN a beaucoup progressé sur ces questions depuis l’adoption du plan d'action sur le changement climatique et la sécurité, en 2021. Elle entend bien devenir l’organisation internationale de référence s'agissant de comprendre les incidences du changement climatique sur la sécurité et de s’y adapter. Le sommet de Vilnius a été un jalon important à cet égard, avec la publication de trois grands rapports portant chacun sur un pilier distinct du plan d’action. En outre, pour ce qui est de l'atténuation des effets du changement climatique, considérée comme le volet le plus ambitieux de l’action de l’OTAN en matière de sécurité climatique, l'Organisation s'est dotée, au sommet de Vilnius, d'une méthode de calcul et d’analyse des émissions de gaz à effet de serre résultant de ses activités militaires. Il s’agit là d'une étape importante sur la voie de la réalisation des objectifs de réduction des émissions que s’est fixés l’OTAN.

Alors que la transition énergétique se poursuit à un rythme soutenu (et tend même à s’accélérer sous l’effet de la guerre et de la crise énergétique mondiale), l’analyse des émissions du secteur militaire, l’échange de bonnes pratiques et le travail mené sur l’initiative relative à la transition énergétique montrent que l’OTAN intègre le changement climatique et les objectifs de zéro émission nette dans sa réflexion sur le fonctionnement des forces de demain, et qu’elle entend contribuer à ce que les Alliés avancent de concert, sans divergences. Aujourd’hui plus que jamais, la résilience de chaque Allié – et donc celle de l’Alliance dans son ensemble – est intimement liée à la décarbonation du secteur militaire.