Les 11 et 12 juillet, les chefs d’État et de gouvernement des pays de l’OTAN ont tenu un sommet à Vilnius (Lituanie). Cette réunion a été sans conteste la plus importante de l’été 2023. En raison de l’actualité internationale chargée, de la situation politique et des conditions de sécurité dans le monde, Vilnius est devenue, le temps du sommet, l’épicentre et le point de confluence d’importantes questions sur lesquelles il fallait que les dirigeants des pays de l’Alliance se positionnent clairement. Les décisions qu’ils ont prises auront des incidences pendant des années.
La sécurité européenne, un enjeu majeur
Alors que la Russie poursuit sa guerre contre l’Ukraine, la sécurité du continent européen reste un enjeu primordial, qui a fait l’objet de discussions approfondies au sommet. Fin juin, le monde entier a assisté à un événement – la marche sur Moscou des troupes d’Ievgueni Prigojine, le chef du groupe paramilitaire Wagner financé par l’État russe –, qui montre précisément à quel point la situation en Russie reste imprévisible. La sécurité européenne est donc au centre des préoccupations, et l’OTAN doit demeurer fermement résolue à aider le président Zelensky et le peuple ukrainien.
Au sommet, l’Alliance s’est dite toujours aussi attachée à un règlement du conflit qui soit conforme aux conditions dictées par l’Ukraine, et elle s’est engagée avec raison à maintenir son soutien à ce pays. Les Alliés ont pris des décisions et donné des assurances à l’Ukraine concernant la fourniture de moyens tant létaux que non létaux, d’un soutien financier et d’une aide en matière de renseignement ainsi que la poursuite de la formation des soldats qui seront amenés à utiliser les équipements livrés. En plus d’envoyer un message rassurant à l’Ukraine, cet engagement indique à Moscou et à d’autres acteurs ne partageant pas les intérêts de l’OTAN en matière de sécurité que l’Alliance restera attachée à sa mission et qu’elle empêchera des dirigeants criminels de compromettre ses intérêts ou de causer des fractures internes.

Le président ukrainien, Volodymyr Zelensky (à gauche), et le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg (à droite), au sommet de Vilnius. © OTAN
Même si l’Ukraine aspire à devenir membre de l’OTAN, il est judicieux de laisser de côté, pour le moment, les débats sur l’établissement d’un calendrier, car une décision à ce sujet risquerait d’entraîner l’Alliance dans un conflit direct avec la Russie en vertu de l’article 5 (si l’Ukraine venait à rejoindre l’Organisation tout en étant en pleine « guerre chaude »).
Cela dit, l’OTAN doit impérativement faire tout ce qu’elle peut pour aider l’Ukraine sans aller jusqu’à participer directement au conflit, et elle doit montrer qu’elle reste unie dans sa détermination à tenir le pouvoir russe en échec. L’OTAN garde son pouvoir dissuasif face au président Poutine et à son armée, ce qui témoigne de la solidité du lien transatlantique ; cette attitude montre sans équivoque qu’une extension du conflit aux pays limitrophes membres de l’Alliance serait inacceptable. Les dirigeants des pays de l’OTAN doivent être déterminés à contribuer au nouveau modèle de forces de l’OTAN en mettant des troupes à disposition. En parallèle, l’Alliance doit continuer d’investir dans la Force opérationnelle interarmées à très haut niveau de préparation (VJTF) pour que celle-ci reste à même d’appuyer les opérations menées par la Force de réaction de l’OTAN (NRF) dans le monde entier (si nécessaire). Mais surtout, l’OTAN ne devra négliger aucun détail au moment de concrétiser les plans de défense régionaux adoptés au sommet.
Plus d’OTAN pour un mieux
Il y a deux semaines, les efforts déployés par le secrétaire général et des dirigeants de pays de l’OTAN (en particulier les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne) en vue de répondre aux préoccupations de la Türkiye en matière de sécurité et de permettre ainsi à la Suède de rejoindre l’Alliance ont été couronnés de succès : le consentement de la Türkiye et de la Hongrie fait à présent avancer le processus d’adhésion de la Suède à l’OTAN, laquelle comptera donc 32 membres. L’adhésion de la Finlande, en avril, et celle, prochaine, de la Suède contribuent à une défense plus efficace du flanc nord de l’OTAN, ce qui permet, une fois encore, de faire comprendre clairement à la Russie et à d’autres acteurs que l’Alliance est pertinente, compétente et attachée à la démocratie et à la sécurité occidentales.

De gauche à droite : le premier ministre suédois, Ulf Kristersson, le président turc, Recep Tayyip Erdoǧan, et le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, au sommet de Vilnius. © OTAN
La Suède a déjà des liens avec l’OTAN ; elle a d’ailleurs participé à de nombreux exercices aux côtés des Alliés. Le pays a beaucoup à offrir à l’Alliance en matière d’équipements et de forces, ces dernières étant bien entraînées et très compétentes. Le fait que cette adhésion ait lieu maintenant doit faire réfléchir Moscou, car tout acte d’hostilité envers la Suède entraînerait l’activation de l’article 5. En outre, comme la Suède partage des frontières avec d’autres pays scandinaves membres de l’OTAN (le Danemark et la Norvège), son adhésion à l’Organisation enverra un message clair à la Russie (et à d’autres adversaires potentiels) : elle est une force à prendre au sérieux, car elle entend cimenter son unité avec ses partenaires transatlantiques sur le continent européen.
Au sommet de Vilnius, les dirigeants ont aussi pris des décisions qui dépassent le cadre de l’Alliance en s’engageant à approfondir la collaboration avec leurs partenaires (au-delà des frontières de l’Europe et de l’Amérique du Nord), en particulier ceux de l’Indo-Pacifique, qui partagent les mêmes valeurs de paix et de sécurité. Cela contribuera à propager la sécurité et la stabilité dans d’autres régions du monde, suivant l’adage « mieux vaut prévenir que guérir ».
Une dissuasion toujours plus forte
Au sommet, les dirigeants des pays de l’Alliance ont décidé de renforcer encore la posture de dissuasion et de défense de l’OTAN. Cette décision s’explique en partie par la menace de confrontation nucléaire, devenue plus inquiétante depuis quelques mois. La Russie s’est retirée du nouveau traité START et brandit fréquemment la menace nucléaire dans le contexte de la guerre en Ukraine, provoquant ainsi une détérioration de la situation concernant les armes nucléaires et, par extension, leur utilisation potentielle. L’OTAN était, est et continuera d’être l’interface permettant de démontrer à M. Poutine qu’il existe d’autres options pour maintenir la sécurité que le recours à des capacités axées sur les armes nucléaires. Au sommet, les dirigeants des pays de l’OTAN ont aussi décidé d’augmenter les dépenses de défense afin de contrer les menaces et de renforcer la défense. Ils se sont également engagés à modifier les plans existants et à adopter de nouveaux plans de défense régionaux dans le but de protéger les pays membres contre les menaces futures et de garantir que jusqu’à 30 000 soldats pourront être déployés en seulement trente jours en cas de nécessité. Ces initiatives visent à augmenter le nombre de militaires qui pourraient être placés sous le commandement de l’OTAN, à faire en sorte d’accroître le niveau de préparation des forces dans les pays membres et à positionner à la fois les forces et les capacités pour assurer la défense de zones géographiques spécifiques, tandis que l’OTAN continuera d’appuyer les efforts des groupements tactiques en Europe orientale. L’OTAN ne se laissera pas amadouer et ne cèdera pas.

Photo officielle du secrétaire général et des chefs d’État et de gouvernement au sommet de Vilnius. © OTAN
Un sommet réussi
Le sommet de cette année peut être considéré comme une réussite, mais il faut faire davantage pour concrétiser les engagements pris : étoffer les plans de défense régionaux, organiser des conférences de génération de force pour constituer de nouvelles troupes en attente, et continuer résolument d’aider l’Ukraine à combattre la Russie. Bien que la guerre en Ukraine soit une catastrophe, elle a eu pour effet de renforcer la détermination des pays de l’OTAN. Le secrétaire général (qui est sans doute le leader le plus efficace et le plus déterminé que l’Alliance ait jamais connu) continuera d’incarner une organisation transnationale inébranlable. En outre, la Finlande et la Suède, deux pays européens loyaux vont par leur adhésion renforcer l’OTAN – l’une des alliances les plus anciennes et les plus efficaces s’agissant de préserver la paix et les valeurs démocratiques. Pour conclure, l’OTAN est plus forte et plus unie que jamais et, en tant qu’organisation, elle doit s’engager à mettre à profit les bons résultats obtenus au sommet de 2023.