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Version électronique 1998 Manuel de l'OTAN

 
La transformation de l'Alliance

Le rôle des forces armées alliées et la transformation du dispositif de défense de l'Alliance

Depuis la création de l'OTAN, les forces alliées constituent la base d'une dissuasion et d'une défense efficaces contre la menace de guerre qui a été pendant quarante ans la principale préoccupation des Alliés en matière de sécurité. Elles ont toujours pour rôle premier de garantir la sécurité et l'intégrité territoriale des Etats membres.

La tâche consistant à assurer la sécurité par la dissuasion et la défense collective reste la même. Toutefois, le profond changement de la situation sur le plan de la sécurité au cours des années 90 a permis aux forces de l'Alliance d'assumer également de nouveaux rôles. C'est ainsi que par le biais du programme de Partenariat pour la paix renforcé, et dans le cadre du CPEA, du Conseil conjoint permanent OTAN-Russie, de la Commission OTAN-Ukraine et d'autres enceintes créées en vue d'intensifier la coopération, les forces armées de l'Alliance prennent une part de plus en plus importante aux mesures destinées à faciliter la transparence et à accroître la confiance entre l'OTAN et ses Partenaires. Elles jouent également un rôle clé dans la vérification de la mise en oeuvre des accords de maîtrise des armements. Et surtout, en tant que forces opérationnelles de maintien de la paix, elles assument la tâche essentielle d'étayer les dispositions concrètes de gestion des crises et de prévention des conflits, comme on l'a vu tout particulièrement dans l'application de l'Accord de paix en Bosnie.

Ces rôles de maintien de la paix et de gestion des crises ont pris, pour les forces de l'OTAN, une importance croissante à mesure que s'amplifiait le rôle global de l'Alliance dans ce domaine. En fait, parmi les nombreux défis auxquels l'Alliance a été confrontée, aucun n'a exigé plus de détermination et de résolution communes que celui qui a consisté à placer ses forces armées au centre des efforts multinationaux visant à mettre fin au conflit et à créer les bases d'un avenir stable et pacifique dans l'ex-Yougoslavie.

La première grande mission de combat au cours de laquelle l'OTAN a utilisé la force armée comme instrument de gestion des crises à l'appui des efforts déployés par les Nations Unies pour mettre fin au conflit yougoslave s'est déroulée en 1995. Cette mission, baptisée «Operation Deliberate Force», a été l'un des facteurs essentiels du processus qui a abouti à la conclusion d'un accord de paix en Bosnie. L'OTAN a ensuite été chargée, à la fin de 1995, de faire appliquer les aspects militaires de l'accord, en dirigeant une Force multinationale de mise en uvre (l'IFOR), puis, l'année suivante, une Force de stabilisation (la SFOR). Ces deux forces ont été créées en vertu de mandats des Nations Unies. L'OTAN est ainsi passée d'un rôle relativement limité de soutien des efforts de maintien de la paix des Nations Unies à une nouvelle situation où elle prenait entièrement le contrôle d'opérations complexes de soutien de la paix auxquelles participaient des forces mises à disposition par de nombreux pays partenaires et d'autres pays non OTAN. Cette expérience concrète de la coopération opérationnelle dans le domaine militaire, décrite dans le chapitre 5, a eu de larges répercussions, dans la mesure, par exemple, où elle a renforcé la coopération politique, non seulement entre l'OTAN et ses Partenaires, mais aussi avec d'autres pays. Le processus contribue à la sécurité et à la stabilité dans l'ensemble de l'Europe.

L'évolution du rôle des forces armées alliées traduit aussi l'engagement de l'Alliance à l'égard du développement de l'Identité européenne de sécurité et de défense au sein de l'OTAN (voir ci-après). La mise en oeuvre de cette décision, qui a lieu parallèlement dans le cadre de l'OTAN et dans celui de l'Union de l'Europe occidentale, est décrite plus loin dans le présent chapitre. Ce processus implique, pour les forces armées de l'Alliance, un rôle supplémentaire consistant à fournir, sous la forme de moyens et de capacités, un soutien à des opérations et exercices qui, à l'avenir, pourraient être dirigés par l'UEO. Au sein de l'OTAN, un Adjoint européen au SACEUR sera responsable, en temps de paix, de la planification de telles opérations. Des dispositions relatives à un commandement européen dans le cadre de la nouvelle structure de commandement de l'OTAN (voir le chapitre 12) ont été élaborées pour la conduite de ces opérations, et les travaux se poursuivent en ce qui concerne les mécanismes qui permettront d'accroître la coopération, la consultation et le partage des informations entre l'OTAN et l'UEO.

Dans ce contexte, il existe un autre exemple de la manière dont les forces armées alliées sont adaptées aux nouvelles circonstances : la mise en uvre du concept militaire de «Groupes de forces interarmées multinationales» (GFIM). Au Sommet de l'OTAN de janvier 1994, les Chefs d'Etat et de gouvernement ont approuvé ce concept en tant qu'élément important de l'adaptation des structures de l'Alliance à l'évolution de l'environnement de sécurité européen. Le concept doit donner à l'OTAN un moyen souple de réagir aux nouveaux défis sur le plan de la sécurité, y compris des opérations menées avec la participation de pays extérieurs à l'Alliance. Il est destiné à améliorer la capacité de l'OTAN de déployer, sur court préavis, des forces multinationales et interarmées adaptées aux exigences spécifiques d'une opération militaire donnée. Il facilitera également l'intégration de participants non OTAN à des opérations de soutien de la paix dirigées par l'OTAN. De nombreux éléments du concept de GFIM ont déjà été mis en pratique dans le cadre des opérations de maintien de la paix dirigées par l'OTAN en Bosnie-Herzégovine.

Les GFIM n'exigent pas de structures distinctes. Les arrangements par lesquels les pays membres leur affectent des forces ne diffèrent pas des procédures normales de planification des forces de l'OTAN. Néanmoins, la souplesse inhérente au concept de GFIM impose de grands efforts en ce qui concerne les dispositions relatives au commandement et au contrôle de ces forces, à savoir les quartiers généraux des GFIM. Les noyaux d'un petit nombre de quartiers généraux de GFIM sont en train d'être mis en place au sein de quartiers généraux d'origine choisis dans la structure de commandement de l'OTAN (voir le chapitre 12). Les quartiers généraux de GFIM font principalement appel à du personnel «à double appartenance», c'est-à-dire exerçant d'autres responsabilités lorsqu'il n'opère pas dans un contexte de GFIM.

En résumé, la poursuite de la transformation du dispositif conventionnel de défense de l'OTAN est un processus complexe et de grande ampleur qui doit prendre en compte tous les facteurs énoncés ci-dessus. En dernière analyse, dans le cas de crises risquant de faire naître une menace militaire pour la sécurité des membres de l'Alliance, les forces de l'OTAN doivent être capables de jouer un rôle de complément et d'appui aux mesures politiques, et de contribuer à la gestion de ces crises et à leur solution par des moyens pacifiques. Il reste donc indispensable de maintenir une capacité militaire adéquate et de manifester de manière évidente une aptitude à agir collectivement. Les structures et les dispositions mises en place au fil des années permettent aux pays membres de bénéficier des avantages, en termes politiques, militaires et de ressources, de l'action et de la défense collectives. Ces dispositions reposent sur une structure intégrée, qui sera examinée dans d'autres chapitres. La structure intégrée a pour caractéristiques essentielles une planification collective des forces, une planification opérationnelle commune, des formations multinationales, des procédures efficaces de mise en uvre des dispositions concernant la consultation, la gestion des crises et le renforcement, des normes communes en matière d'équipement, d'entraînement et de logistique, des exercices interarmées et multinationaux et une coopération dans les domaines de l'infrastructure et de la logistique de consommation et de production (voir le chapitre 8). Tous les pays membres affectent des forces à la structure militaire intégrée, à l'exception de l'Islande (qui n'a pas de forces armées) et de la France, à laquelle s'appliquent des accords spécifiques de coopération et de coordination. En décembre 1997, l'Espagne a annoncé qu'elle s'associerait à la nouvelle structure militaire de l'Alliance; les forces espagnoles avaient aussi, jusqu'alors, fait l'objet d'accords spécifiques de coopération et de coordination.

La réduction de la taille et de l'état de préparation, et l'augmentation de la souplesse, de la mobilité et du caractère multinational sont les principales caractéristiques des changements intervenus dans les forces armées de l'OTAN. Sous-jacents aux changements eux-mêmes, et s'ajoutant aux exigences dictées par les nouveaux rôles de l'Alliance, deux principes indispensables demeurent intangibles : l'engagement à l'égard d'une défense collective en tant que fonction essentielle, fondamentale pour l'Alliance, et la préservation du lien transatlantique, garant de la crédibilité et de l'efficacité de l'Alliance.

Née d'un conflit idéologique, d'une hostilité politique et d'une opposition militaire, la menace de guerre qui a plané sur l'Europe pendant plus de quarante ans a disparu. Aujourd'hui, l'attention se porte beaucoup moins sur la dissuasion contre l'usage de la force, telle qu'elle est envisagée par l'article 5 du Traité de l'Atlantique Nord, que sur les tâches beaucoup plus probables de maintien de la paix, de prévention des conflits et de gestion des crises, décrites plus haut, auxquelles l'OTAN peut être confrontée. Il existe néanmoins des risques d'instabilité inhérents aux situations conflictuelles apparues depuis la fin de la Guerre froide, comme la situation dans l'ex-Yougoslavie, qui illustrent la nécessité pour les membres de l'Alliance de demeurer solidaires et de conserver une capacité militaire permettant de répondre efficacement à une large gamme de circonstances imprévues.

Les changements affectant les forces de l'OTAN elles-mêmes ont eu pour effet concret de les transformer en une structure sensiblement réduite, mais plus mobile. Les forces terrestres destinées à l'Alliance par les pays membres dans le cadre de la défense intégrée et des processus de planification des forces de l'OTAN ont été réduites de 35 pour cent. Le nombre des grandes unités navales a été réduit de plus de 30 pour cent et les escadrons de combat des forces aériennes d'environ 40 pour cent depuis le début de la décennie. Les effectifs des forces maintenues dans un état de préparation élevé ont également connu des réductions très sensibles. De manière générale, les forces de l'OTAN ont été réor-ganisées de manière à permettre une certaine souplesse dans leur reconstitution ou leur montée en puissance chaque fois que la nécessité s'en présentera pour la défense collective ou pour la gestion des crises, y compris les opérations de soutien de la paix.


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