Rencontre avec le colonel (en retraite) Richard Williams pour évoquer sa carrière militaire et son rôle de conseiller stratégique

  • 04 Sep. 2024 -
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  • Mis à jour le: 11 Sep. 2024 17:31

Dans le domaine de la défense et de la sécurité internationale, rares sont ceux qui ont le degré d’expérience et l’acuité stratégique du colonel (en retraite) Richard Williams, qui, en plus de 50 ans de carrière, a exercé une grande variété de fonctions, d’abord comme officier dans l’armée, puis à des postes de direction à l’OTAN, et enfin comme universitaire et consultant. Dans cet article, nous revenons sur son parcours militaire et son importante contribution aux travaux de l’OTAN dans les domaines du déminage, de la démilitarisation des munitions non explosées et de la lutte contre le terrorisme.

Colonel (Ret.) Richard Williams Colonel (Ret.) Richard Williams has served in a variety of roles, from military and NATO leadership positions to academic and consulting endeavours

Un parcours militaire impressionnant

Né en 1947 dans le Wisconsin (États-Unis), Richard Williams est destiné dès sa naissance à intégrer l’armée. Ses parents lui donnent le prénom de son grand-oncle, un jeune soldat canadien tué dans la bataille de la Somme pendant la Première Guerre mondiale, et il grandit dans une famille de militaires, son père, sa mère et sa sœur portant tous l’uniforme.

Richard Williams rejoint l’armée de terre des États-Unis comme sous-lieutenant à l’âge de 19 ans. Il sera promu capitaine de cavalerie blindée à 21 ans. Il est déployé au Viet Nam, où il est grièvement blessé à deux reprises, par une mine et par une roquette. Il y vit des moments intenses et difficiles, mais il y apprend à localiser et à neutraliser des champs de mines, pour sécuriser le terrain et protéger ainsi les autres.

Williams is promoted to 1st Lieutenant near Tam Ky, Vietnam in 1968

Richard Williams est promu au grade de premier lieutenant, à proximité de Tam Ky (Viet Nam), en 1968.

Au cours des 30 années qui suivent, Richard Williams mène une brillante carrière sous les drapeaux. Il est notamment envoyé dans plusieurs pays membres de l’OTAN, tantôt en tant qu’attaché militaire spécial auprès de l’ambassade des États-Unis à Paris (France), tantôt en tant qu’instructeur de tactique auprès du Royal Armoured Corps à Dorset (Royaume-Uni).

Il embrasse également une carrière universitaire dans le domaine des relations internationales et de la politique de sécurité, notamment en tant que chargé de recherche principal (sécurité nationale) à l’université de Harvard.

Williams in the Mojave Desert, California when he served as Commander of an armoured task force in 1985

Richard Williams dans le désert des Mojaves en Californie, en 1985 ; il commandait alors une force opérationnelle blindée.

Une expérience du déminage mise au service de l’OTAN

En 1997, Richard Williams rejoint l’OTAN en tant que coordonnateur principal pour le Partenariat pour la paix (PPP). Ce programme définit le cadre général de la coopération pratique entre les pays de l’OTAN et d’autres pays. Sa création, en 1994, constitue un jalon important dans l’histoire de l’Organisation. Le PPP est une illustration concrète de la « main de l’amitié » tendue par les Alliés, à partir de 1990, à leurs anciens adversaires situés de l’autre côté du rideau de fer, lesquels avaient demandé l’établissement d’un partenariat avec l’OTAN.

« Si ce programme m’intéressait, c’est parce que, lorsque j’étais professeur en Allemagne, j’avais été amené à me rendre dans bon nombre de pays qui souhaitaient intégrer l’OTAN », explique Richard Williams.

À peine entré en fonction, Richard Williams est envoyé en Albanie, alors pays partenaire, pour déterminer ce dont les autorités ont besoin pour détruire en toute sécurité les munitions non explosées qui se trouvent éparpillées sur l’ensemble du territoire à la suite des troubles civils qui ont secoué tout le pays. On dénombre alors en Albanie plus de 600 000 armes issues du pillage et, d’après les estimations des experts, plus de 180 hectares de terres – l’équivalent de 260 terrains de football – sont contaminés par des dispositifs explosifs non explosés.

« Ces champs de mines, installés pour protéger des sites de stockage d’armes et de munitions, n’étaient répertoriés sur aucune carte. C’était un travail incroyablement dangereux, et je sais de quoi je parle. »

De retour à Bruxelles, au siège de l’OTAN, Richard Williams fait partie de ceux qui convainquent les Alliés, alors au nombre de 16, de mettre sur pied un projet pour aider au nettoyage des champs de mines. C’est ainsi que des experts en munitions et des soldats de l’armée britannique à la retraite forment des officiers albanais aux techniques de déminage et de destruction de munitions non explosées, y compris d’armes chimiques. Ce projet, qui s’achève au bout de cinq ans, servira de modèle pour des initiatives similaires dans d’autres pays, dans les Balkans et en Europe orientale.

« C’est un travail important, car il permet de sauver de nombreuses vies », souligne Richard Williams.

Pour en savoir plus sur les travaux de l’OTAN portant sur les armes légères et de petit calibre (ALPC) et la lutte contre les mines.

L’après-11-Septembre et la lutte contre le terrorisme

Williams briefs Defence Investment Division’s “Counter-Terrorism Technology” initiatives, 2004Richard Williams fait un exposé sur les initiatives de la Division Investissement de défense consacrées aux technologies de lutte contre le terrorisme, en 2004.

Richard Williams travaillait au siège de l’OTAN le 11 septembre 2001. Il se souvient très bien du retentissement des attentats à l’OTAN :

« Cela a été un véritable électrochoc. Il était évident que rien ne serait jamais plus comme avant. Que nous allions devoir prendre à bras le corps le problème du terrorisme en Afghanistan et dans d’autres parties du monde. »

Plusieurs Alliés avaient déjà été frappés par des attentats terroristes meurtriers, dans les années 1980 et 1990, mais l’ampleur sans précédent des attentats du 11-Septembre a profondément secoué l’Alliance. « Le 11-Septembre a tout changé. Il ne faisait aucun doute que nous allions devoir faire face à des défis que nul ne pouvait prédire et que l’OTAN devait donc continuer d’exister », se souvient Richard Williams.

En 2004, Richard Williams est nommé au poste de directeur délégué de la Direction Armements au siège de l’OTAN (à la Division Investissement de défense). Il supervise à ce titre les travaux que mène l’Organisation pour aider les Alliés à développer des technologies, des capacités de défense antimissile et des moyens de renseignement, de surveillance et de reconnaissance hautement prioritaires pour la lutte contre le terrorisme.

La guerre menée par la Russie contre l’Ukraine

Richard Williams n’est pas surpris lorsque la Russie entreprend d’envahir l’Ukraine en février 2022. Il avait commencé à se méfier de la Russie dès 2000, suite au naufrage du Koursk, un sous-marin russe, l’une des pires catastrophes maritimes que la Russie ait connues. Il se souvient que l’OTAN avait voulu porter assistance à l’équipage, mais que la Russie avait refusé de partager la moindre information. Plutôt que de coopérer et d’accepter l’aide de l’OTAN, les Russes avaient essayé d’obtenir des renseignements de l’Organisation.

« Pendant tout ce temps, les Russes ont en fait rendu la situation beaucoup plus dangereuse et ont cherché avant toute chose à nous soutirer des informations. »

À propos de ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine, Richard Williams explique que « cela devait arriver un jour ou l’autre : les Russes ne considèrent pas l’Ukraine comme un pays et estiment qu’elle fait partie de la Russie. »

La vie après l’OTAN

Après son départ à la retraite, en 2012, Richard Williams a continué à se consacrer au renforcement de la sécurité internationale, dans le milieu universitaire et comme consultant, activités qu’il exerce toujours aujourd’hui. En tant que consultant, il conseille les responsables militaires aux niveaux stratégique et opérationnel pour la planification, l’exécution et l’analyse d’opérations, d’entraînements et d’exercices de l’OTAN. Par ailleurs, il est fréquemment invité par les médias d’information pour partager son expertise en matière de défense et de sécurité internationale.

Le message du colonel (en retraite) Williams à l’occasion du 75e anniversaire de l’Alliance

« L’OTAN est la seule organisation capable de concrétiser l’espoir d’une véritable paix, à l’échelle régionale, mais également bien au-delà. La force de l’Alliance tient au fait qu’elle réunit des pays qui travaillent ensemble depuis des décennies et qui s’entraînent ensemble et combattent ensemble lorsque la situation l’exige, de manière à pouvoir l’emporter.

Si j’ai un message à adresser à l’OTAN, c’est d’inviter l’Ukraine à la rejoindre dès que la guerre sera terminée. L’Alliance doit faire de la victoire des Ukrainiens sa priorité numéro un, car leur défaite lui serait fatale. »

Cet article fait partie d’une série d’articles publiés à l’occasion du 75e anniversaire de l’Alliance dans le cadre de la campagne #WeAreNATO.

D’anciens membres du personnel sont invités à raconter leur parcours et la manière dont ils ont vécu des moments clés de l’Alliance et des grands événements de l’histoire, comme la fin de la Guerre froide et l’année 1989, les premières missions hors zone, la création des partenariats, ou encore le 11-Septembre.

Les opinions exprimées dans le présent article ne reflètent pas la position officielle ni la politique de l’OTAN, pas plus qu’elles ne reflètent celles de ses pays membres. Le colonel (en retraite) Williams s’exprime à titre personnel.