Les engins explosifs improvisés, ou la guerre des bombes invisibles
En 2011, plus de la moitié des blessés, parmi les forces de l’OTAN en Afghanistan, ont été victimes d’engins explosifs improvisés (EEI)¹. Ces engins ont aussi été la cause, l’an dernier, de la mort de nombreux afghans – un tué sur trois². En 2010, l’OTAN a adopté un plan action pour la lutte contre les EEI visant à accroître la détection et la neutralisation de ces engins, ainsi que le démantèlement de leurs filières de fabrication. C’est l’Agence des C3 de l’OTAN (NC3A) qui est chargée de mettre au point les technologies évoluées de lutte contre les EEI.
La NC3A a concentré sur trois secteurs principaux ses efforts de lutte contre les EEI – brouilleurs contre les EEI radiocommandés, scanneurs pour l’inspection des véhicules, des chargements et des piétons, et technologies de surveillance pour améliorer le renseignement sur la provenance des EEI.
"Il est difficile de lutter contre ces engins," explique M. Franco Fiore, spécialiste de la lutte contre les EEI à la NC3A. "Leur détonation peut être déclenchée par une télécommande, un minuteur ou un dispositif de piégeage. Ils peuvent être enfouis dans le sol, ou camouflés de manière à se fondre dans l’environnement."
L’imagination des insurgés est sans limite. Pour un coût minime et moyennant une demie heure de travail, ils peuvent camoufler les EEI et les faire ressembler à des pierres, les dissimuler dans les pare-chocs de voitures ou les cacher dans des bouteilles de lait.

Pour protéger les forces de la FIAS durant leur mission sur le terrain et préserver leur mobilité, des brouilleurs sont adaptés aux véhicules pour réduire l'efficacité des engins déclenchés à distance. « Le brouilleur rend le récepteur EEI sourd en criant plus fort que le transmetteur ou en se superposant à lui », précise M. Fiore.
« Au départ, la difficulté dans la programmation des brouilleurs a été de ne pas interférer avec les communications amies », poursuit M. Fiore.
Le premier scanneur a été installé en mars 2007 au QG de la FIAS à Kaboul. « Cette technologie permet de scanner et d’identifier tout explosif, arme ou matériel de contrebande avant que le véhicule, le chargement ou le piéton ne pénètre dans l’enceinte. Chaque minute passée sur l’installation de ces scanners vaut l’investissement personnel et les efforts fournis. Car ce que nous accomplissons sur le terrain permet de rendre le travail des forces de protection plus sûr et sécurisé» explique M. Fiore. A ce jour, plus de 20 scanneurs ont été installés en Afghanistan par M. Fiore et son équipe.
Sur le terrain, le travail de neutralisation et de destruction des EEI revient avant tout aux équipes d’artificiers. C’est là la plus dangereuse et la plus éprouvante des tâches.
Leur travail remarquable et exemplaire a été illustré dans un film récent de la réalisatrice Kathryn Bigelow intitulé « Démineurs », qui a remporté en 2010 à Los Angeles 6 oscars dont celui du meilleur film. Ce film illustre parfaitement comment les artificiers risquent chaque jour leur vie. “Avec les explosifs, vous avez rarement une seconde chance,” déclare le Lt Cdr Ron Carpinella, porte-parole du groupe de forces interarmées multinationales (CJTF) Paladin, la force opérationnelle responsable des opérations de lutte contre les EEI en Afghanistan.
Le plus grand problème demeure celui de la localisation et de l’identification de la menace. “En maintenant un niveau élevé de sensibilisation et en améliorant constamment nos tactiques et notre formation, nous pouvons être plus efficaces dans la lutte contre les EEI et dans la protection des innocents, et devancer les insurgés,” poursuit le Lt Cdr Carpinella. Sur le terrain, le recours aux chiens renifleurs formés à la détection des explosifs demeure la méthode la plus efficace de détection des EEI.
Attaquer les sources de financement et les circuits financiers
La lutte contre la menace que constituent les EEI n’est pas circonscrite au théâtre des opérations. Il est tout aussi essentiel de couper les fabricants d’EEI de leur principale source de revenus. Le recueil, l’analyse et la diffusion de l’information entre les différents services concernés en sont les aspects clés.
“ Une analyse et une diffusion efficaces du renseignement sur les EEI rend possibles l’élaboration et la mise en oeuvre de tactiques permettant de faire échec aux menaces les plus récentes, de déterminer les auteurs des attaques au moyen d’EEI et de les traduire en justice,” explique le Lt Cdr Carpinella.
Cette activité exige également une participation de spécialistes des questions financières et du blanchiment d’argent, une focalisation et une coordination accrues entre spécialistes des services de douane et de renseignement, et la mise au point d’actions ciblées pour identifier les fabricants des EEI.
L’examen des EEI après leur neutralisation peut aussi fournir des informations utiles. “Réunir, par exemple, des empreintes digitales, et conserver dans une base de données des composants électroniques et explosifs constituent le fondement de futures enquêtes,” déclare le Colonel Santiago San Antonio Demetrio, Directeur du Centre d’excellence pour la lutte contre les EEI.
“ La formation à la lutte contre les EEI est principalement axée sur la capacité de faire échec aux réseaux avant qu’ils ne mettent en place les engins,” ajoute le Colonel San Antonio Demetrio.
La formation à la lutte contre les EEI fait également partie intégrante de l’entraînement des soldats avant leur déploiement. Une fois sur le théâtre, leur savoir est actualisé par le personnel de la FIAS, afin qu’ils d’adaptent aux caractéristiques locales spécifiques. À l’avenir, les unités autres que celles chargées de la neutralisation des explosifs recevront une formation du même type axée sur l’identification des EEI et sur les mesures à prendre lorsque ces engins sont repérés.
Lutte contre les EEI et défense intelligente
La défense intelligente, par le biais de sa composante de coopération multinationale, est conforme au plan d’action de l’OTAN en matière de lutte contre les EEI.
"La défense intelligente a pour but d’aider les pays à maintenir leurs capacités militaires et à en créer de nouvelles. Grâce aux économies d’échelle, vous pouvez économiser du temps et de l’argent et améliorer, simultanément, l’interopérabilité et la normalisation," conclut M. Fiore.
En novembre 2011, 13 pays sont convenus de chercher à réaliser de sérieuses économies par le biais d’une acquisition conjointe de technologies de lutte contre les EEI. Selon la NC3A, l’économie réalisée par cette approche concertée devrait être de l’ordre de 15%.