La vie après Kadhafi
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Les Libyens ne voulaient pas croire à la mort de l’ancien dictateur ni la fêter avant que cette mort soit confirmée à cent pour cent. Il y a eu en effet de nombreuses fausses annonces dans le passé. Mais lorsque les images saisissantes de la fin de Kadhafi diffusées de Syrte, sa ville natale, ont fait le tour du monde, la Libye est entrée en liesse.
Tripoli pavoisait aux couleurs du drapeau libyen – rouge, vert et noir, tandis que la population chantait des chants révolutionnaires et dansait dans les rues. Un homme âgé faisait tournoyer sa djellaba au-dessus de sa tête au son des tambours et des chants scandés par des jeunes gens, ces jeunes qui sont l’avenir de la Libye. Des coups de klaxon et des tirs de joie résonnaient dans toute la ville. Rien ne pouvait calmer l’euphorie du peuple libyen – les gens ne pouvaient plus se contenir après tant de luttes et tant de sacrifices. Les jeunes combattants rebelles se donnaient l’accolade et on a pu voir un vieil homme blessé à la jambe, les épaules recouvertes du nouveau drapeau libyen, qui, voulant témoigner son respect et sa gratitude, a arrêté un jeune combattant et s’en est approché en claudiquant sur ses béquilles pour l’embrasser sur le front.
« Le peuple libyen a lutté et combattu pour venger 42 années d’injustice et de violence, » proclame Abdul Naser Ali, combattant révolutionnaire pour le Conseil national de transition. Muhammad Ali Khaam, un civil assis tranquillement près d’une fontaine sur la place des Martyrs fait observer : « C’est un vrai bonheur la chute du dictateur, une joie difficile à exprimer. La Libye peut enfin goûter à la liberté. »
L’étape suivante
Le lendemain matin, place des Martyrs, les balayeurs enlèvent les détritus des réjouissances carnavalesques de la veille. C’est un vendredi, jour de repos et de prière en Libye, les gens peuvent donc enfin prendre la mesure des événements et réfléchir à ce qui pourrait se passer à l’avenir. « Ensuite, la démocratie, une constitution et la liberté, » déclare un homme, qui a ajouté « liberté » après coup, car – la scène était cocasse – c’est un autre passant qui a dû le lui rappeler.
Il a été annoncé récemment que des élections auront lieu en Libye dans les huit prochains mois, les premières élections démocratiques depuis plus de cinquante ans. L’heure est à la mobilisation, car les gens veulent voir du changement et la preuve que les combats des neuf derniers mois n’ont pas été vains.
« J’espère que le nouveau gouvernement pensera au peuple et à ses conditions de vie et qu’il envisagera des constructions et de nouvelles infrastructures, confie Osama Abdullah Akasha. « Kadhafi ne s’intéressait pas à tout cela, il ne s’intéressait qu’à lui-même. J’espère que le prochain gouvernement saura prendre soin du peuple libyen et fera les choses correctement. »
Quel rôle pour l’OTAN ?
L’OTAN a annoncé qu’elle allait réduire progressivement ses opérations en Libye d’ici la fin du mois puisque la menace systématique qui pesait sur la population civile a nettement diminué. Tout cela n’aurait pas été possible sans le soutien de la campagne aérienne de l’OTAN, qui a protégé les civils des attaques des forces de Kadhafi.
À l’évidence, les Libyens sont reconnaissants à l’OTAN et à ses partenaires du rôle qu’ils ont joué dans le conflit, mais ils sont aussi fiers que ce soit les Libyens eux-mêmes qui ont décidé de leur destin et qui se sont finalement emparés du pouvoir. Dans la rue, les gens expriment des sentiments divers ; pour certains, l’OTAN a fini son travail.
Abdul Rahman Tahunni, jeune étudiant d’une vingtaine d’années, affirme « Je ne pense pas que nous ayons besoin de l’OTAN ou de l’ONU, car la nation libyenne va se débrouiller seule, sans l’aide d’autres pays. Pourtant, il y a des Libyens qui pensent que l’OTAN et la communauté internationale peuvent encore les aider à l’avenir.
« J’espère qu’ils [les pays de l’OTAN] continueront de nous aider, car nous considérons que nous sommes un nouveau pays, avec des rouages nouveaux, » fait observer un passant, qui ajoute : « Kadhafi a laissé la Libye démunie. » Ahmed Muhammad Al Atresh, un policier, déclare « J’espère que le Conseil national de transition parlera de reconstruction et de construction avec l’OTAN. »
Le 6 octobre, les ministres de la Défense des pays de l’OTAN et les partenaires engagés dans la mission en Libye se sont déclarés prêts à aider les nouvelles autorités libyennes à réformer les secteurs de la défense et de la sécurité, si le concours de l’Alliance était sollicité.
La fin du commencement
La mort de Kadhafi a marqué la fin de huit mois de lutte menée par le peuple libyen pour le contrôle de son pays et, alors que la nouvelle se répandait rapidement à travers la Libye, le premier ministre de fait et chef du Conseil national de transition, Mahmoud Jibril, a déclaré « Nous ne nous réjouissons pas de la mort d’un homme, mais de la renaissance d’une grande nation. »
Mufth Al Gmati est un homme d’affaires qui attend de rentrer à Tripoli. « Dieu merci, nous pouvons tourner cette page maculée de sang et bâtir une nouvelle Libye, » dit-il. « Unis, nous rétablirons la démocratie et la liberté, notre objectif depuis quarante ans. »