Libye : des frappes précises, menées avec soin, pour protéger Tripoli
« À mon avis, celui qui a construit ce bâtiment avait décidé de le placer à côté de l'hôpital pour éviter qu'il ne soit bombardé », déclare Mahnoud, le directeur de l'hôpital pour grands brûlés Al-Hourok, situé à Sidi Khaleffa, dans la banlieue de Tripoli.
Par la fenêtre située derrière son bureau impeccablement rangé, une scène de désolation s'offre à sa vue. De l'autre côté de la rue, à cinquante mètres, on aperçoit ce qui était auparavant l'un des centres du renseignement du régime Kadhafi, réduit à l'état de ruines par une frappe aérienne de l'OTAN, une sombre nuit de juin.
Partout dans Tripoli, les installations militaires sont disséminées au milieu de bâtiments civils. Les quartiers généraux des services de renseignement et les centres de commandement sont nichés au milieu des écoles et des mosquées, dans un patchwork d'immeubles en béton qui dessinent la ligne d'horizon de la capitale.
Mais cette politique du bouclier humain poussée à l'extrême n'avait pas pris en compte la précision des armes modernes.
Le calme après la tempête
Les panneaux tombés du faux plafond de l'hôpital attestent de la violence de l'attaque qu'a subie le bâtiment qui servait de centre du renseignement, mais à part quelques vitres cassées et des charnières de portes tordues, l'hôpital n'est pas sérieusement endommagé – preuve de la dextérité dont l'aviation de l'OTAN a fait preuve pour localiser avec précision une cible militaire dans un océan de bâtiments civils.
La paix étant revenue dans les rues de Tripoli, l'occasion est donnée d'évaluer les effets de la campagne de bombardements qui a ciblé la capitale depuis mars. Lorsqu'on parle à des civils qui ont été témoins de ces bombardements, on est assez surpris de leurs réponses.
« Ce fut un très grand moment de joie », déclare Omah, qui travaille à présent pour les forces du Conseil national de transition (CNT) en tant que garde à l'hôpital. « Ce bâtiment », explique-t-il, « était, après Bab Al-Aziziyah (le quartier général de Kadhafi, l'antre du mal), le principal lieu où l'on frappait, torturait et assassinait les personnes arrêtées. »
Dépôts d'armes
Nadia, une enseignante en psychologie qui habite le quartier d'Aïn Zara, nous explique que les gens sont reconnaissants de la façon dont les frappes ont été menées. « Cela ne s'est pas passé de manière brutale » dit-elle. « La première frappe a servi d'alerte pour les habitants ; ils ont alors immédiatement quitté leurs maisons, ce qui a permis d'éviter tout accident. »
Cette banlieue résidentielle du sud-est de la ville a été prise pour cible en raison de l'important dépôt d'armes que Kadhafi y avait installé – à l'instar de nombreux autres – pour abriter les surplus d'armes et de munitions, fruits du gaspillage de la manne pétrolière du pays par l'ancien régime.
Les frappes aériennes sur Aïn Zara ont provoqué une forte explosion secondaire, qui a projeté des éclats d'obus jusque dans les magasins environnants. Malgré cela, les habitants estiment que ce n'est pas l'OTAN qui est en faute. « J'en veux au gouvernement, pas à l'OTAN » déclare Yunis, un homme de 52 ans. « L'OTAN frappait des cibles militaires, c'était au gouvernement de nous informer qu'une cible se trouvait à cet endroit » ajoute-t-il.
Bien sûr, de nombreux habitants font état de la peur suscitée par ces bombardements. Personne ne souhaite que de telles actions soient menées dans son quartier. « Les enfants étaient terrifiés par le bruit des bombardements, qui était assourdissant » fait remarquer Mahmoud, un des habitants. « Mais ce n'est pas grave » ajoute-t-il. « L'OTAN a agi de manière salutaire afin de stopper les forces de Kadhafi qui étaient, elles, en train de bombarder les civils. »
Minimiser les dommages collatéraux
Selon le secrétaire général de l’OTAN, M. Anders Fogh Rasmussen, il s'agit là de la campagne de bombardements la plus précise et la plus prudente jamais menée. Les pilotes ont veillé à utiliser des armes aussi petites que possible pour obtenir l'effet recherché, et une chaîne de commandement rigoureuse a été mise en place pour garantir qu'aucune erreur ne soit commise.
La justesse de tir et la précision des armes modernes à guidage laser et satellite s'est avérée essentielle pour réduire au minimum les dommages collatéraux – dans certains cas, seules les parties les plus nuisibles des infrastructures militaires étaient ciblées.
La mission se poursuit
Il est évident que toute guerre génère son lot d'erreurs, et les allégations du régime Kadhafi au sujet de victimes civiles – quoique, de l'avis général, extrêmement peu fiables – doivent être examinées avec soin. L'OTAN a reconnu, en juin dernier, qu'une bombe avait pu dévier de sa trajectoire en raison de la défaillance d'un système d'arme. Il semble toutefois que les actions menées par l'Organisation recueillent un large soutien auprès des habitants de Tripoli.
La mission de l'OTAN visant à protéger les populations civiles se poursuit ; elle a été récemment prolongée de 90 jours par le Conseil de l'Atlantique Nord. L'Alliance veille à continuer d'utiliser avec précaution la force militaire, tandis que le CNT se bat pour prendre le contrôle des villes de Syrte et de Bani Walid, dont les populations restent sous la menace d'attaques des forces de Kadhafi.