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Updated: 26-Nov-2004 NATO Speeches

Alger, Algérie

25 nov. 2004

Discours

du Secrétaire général de l'OTAN, Jaap de Hoop Scheffer à Alger

Mesdames, Messieurs,

C’est un honneur pour moi de m'exprimer aujourd'hui au Club des Pins, devant un auditoire aussi distingué. Comme vous le savez, il s'agit de la première visite d’un Secrétaire général de l’OTAN en Algérie. Il s'agit même pour moi de la première visite tout court dans ce beau pays. J'ai eu tout à l'heure le privilège de rencontrer longuement le Président de la République Son Excellence Monsieur Abdelaziz Bouteflika et le Ministre des Affaires étrangères Son Excellence Monsieur Abdelaziz Belkhadem . Nous avons procédé à un large tour d'horizon des questions d'un intérêt commun à l'Alliance atlantique et à l'Algérie, dans le cadre du Dialogue Méditerranéen qui nous unit.

Ma présence à Alger est un signe supplémentaire de l’avènement d’une nouvelle dynamique dans les relations entre l’OTAN et les pays de la région méditerranéenne. Des idées nouvelles sont en train de naître. Des politiques nouvelles sont en train de s’élaborer. Car nous avons compris que, dans un monde qui ne cesse de se globaliser, la coopération est la seule solution qui permette d’avancer.

Dans l’histoire de l’humanité, la mer Méditerranée a toujours joué un rôle unique en son genre. C’était en même temps une barrière et un pont ; c’était une région où des cultures et des religions différentes se rencontraient, parfois violemment, mais bien plus souvent pacifiquement. Et à toutes les époques, il y a eu d’intenses relations commerciales entre les rives de la «mare nostrum».

Aujourd’hui, le rôle de passerelle de la Méditerranée apparaît avec plus d’évidence que jamais. Les défis globaux d'ordre environnemental, démographique ou économique créent entre nous une interdépendance sans cesse plus étroite. Malheureusement aussi, de nouvelles menaces, comme le terrorisme, la prolifération d'armes de destruction massive ou encore le trafic d'êtres humains touchent chacun d’entre nous et exigent une réponse commune.

L’OTAN a été prompte à reconnaître la nécessité de s’impliquer aux côtés de ses voisins du Sud. Il y a dix ans, nous avons lancé le Dialogue méditerranéen. C’était notre première tentative de bâtir de nouvelles relations à travers la Méditerranée. Car nous pensions que, après la fin de la confrontation Est-Ouest en Europe, le moment était venu de tendre la main de l’amitié, non seulement vers l’Europe de l’Est, mais aussi à nos amis d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient.

Au départ, notre Dialogue méditerranéen avait des ambitions modestes. Nous voulions créer un forum où pourraient s’instaurer la confiance et la transparence. Nous voulions dissiper ce que nous considérions, de la part de nos partenaires du Dialogue, comme des idées fausses sur l’OTAN et ses orientations. Avant tout, nous voulions ne pas laisser croire que, après la fin de la confrontation Est-Ouest, l’OTAN avait décidé que son nouvel adversaire se trouvait désormais au Sud. Et, naturellement, nous voulions en savoir plus sur les problèmes de sécurité spécifiques de nos partenaires du Dialogue.

Il me semble que nous avons progressé sur la voie de la compréhension mutuelle. Le dialogue a permis aux Alliés de se faire une meilleure idée des besoins et des préoccupations de leurs nouveaux partenaires. Il a également permis de corriger un certain nombre d'idées reçues. Au sujet de la transformation en cours de l'OTAN rendue nécessaire par les bouleversements de notre environnement stratégique. Au sujet en particulier de ses nouvelles missions, dans les Balkans, en Afghanistan ou plus récemment en Iraq.

Comme ce Dialogue progressait bien, nous sommes aussi devenus plus ambitieux. Ensemble, nous avons doté le Dialogue d’un cadre structuré et d’un programme de travail comportant de plus en plus d’éléments de coopération concrète. Ainsi, le programme couvre maintenant plusieurs centaines d’activités, dont la coopération entre militaires et l’échange de visites, les plans civils d’urgence et la coopération au titre du programme scientifique de l’OTAN. Des officiers des pays du Dialogue suivent des stages à l’Ecole de l’OTAN en Allemagne ainsi qu’au Collège de défense de l’OTAN, à Rome. Plusieurs pays du Dialogue ont, quant à eux, apporté une contribution militaire à la mission de paix dirigée par l’OTAN en Bosnie-Herzégovine.

En 2000, l’Algérie s’est jointe au Dialogue et a joué d’emblée un rôle extrêmement actif, à la mesure de son engagement régional et international. Bien que confronté au défi de la réforme intérieure, votre pays n’a pas perdu de vue la nécessité pour nous tous de contribuer à un monde plus juste et plus stable. En érigeant la coopération en élément central de sa politique étrangère, l'Algérie a su faire écouter sa voix et jouer de son influence avec sagesse. Dans le dialogue arabo-maghrébin. Dans le développement du continent africain, avec la tenue hier encore à Oran du sommet du NEPAD. Au sujet de dossiers à forte charge émotionnelle enfin, tels le conflit israélo-palestinien ou l'Iraq.

Et l'Algérie a fait le choix stratégique de la coopération avec les grandes institutions européennes et euro-atlantiques. En témoignent son accord d’association avec l’UE, sa participation active au processus de Barcelone et au Dialogue méditerranéen. Ce choix stratégique a contribué à la propre réflexion des Alliés. Ceux-ci ont estimé que le moment était maintenant venu de passer du dialogue au partenariat.

En juin dernier, au Sommet d’Istanbul, les membres de l’OTAN ont décidé de franchir ce pas, en étroite coopération avec l'Algérie et les autres pays du dialogue. D’examiner attentivement l’autre grand cadre de coopération de l’OTAN - le Partenariat pour la paix - et d’en appliquer ensuite les éléments les plus appropriés au Dialogue méditerranéen.

Comme vous le savez, le Partenariat pour la paix s’est développé dans un contexte largement européen. Il ne peut donc pas être appliqué en bloc à une région qui a des particularités bien à elle. Notre dialogue a toutefois fait apparaître un certain nombre de similitudes qui sont autant d'opportunités pour entamer une étroite coopération. En matière de réforme de la défense. De mise à niveau des forces armées ou d’entraînement en commun. Ou encore de partage de données du renseignement dans la lutte contre le terrorisme. Et enfin, pour envisager d'éventuelles opérations conjointes, à commencer par la participation à l’opération maritime anti-terroriste «Active Endeavour» de l’OTAN en Méditerranée.

Comment notre coopération doit-elle se développer ? Naturellement, la décision de passer du dialogue au partenariat est toute récente, et il faudra un certain temps pour en mettre en place les modalités spécifiques. Nous devons en effet non seulement consolider le dialogue politique à haut niveau mais aussi préciser les contours de notre coopération quotidienne. Ma visite en Algérie et celles à venir dans les autres pays du Dialogue s'inscrivent précisément dans cette perspective. De même, les ministres des affaires étrangères de l'OTAN se réuniront le 8 décembre prochain avec leurs collègues des sept pays participant au Dialogue pour évoquer ensemble cette question au moment où nous célébrons les dix ans du Dialogue Méditerranéen.

Mais je crois que d'ores et déjà nous avons trois principes essentiels sur lesquels bâtir nos relations futures.

Premier principe, la co-responsabilité.

Cela a toujours été un principe directeur du Dialogue méditerranéen et le restera à l'avenir. Nos relations sont fondées sur le respect, la confiance mutuelle et la définition en commun d'activités conjointes. Rien n'est imposé, tout peut être discuté. L'Algérie est un partenaire fort qui fait savoir clairement ses priorités et ses besoins. Elle expose tout aussi clairement les atouts qu'elle souhaite partager avec l'OTAN. L'Alliance, pour sa part, fait de même. Nos pays sont donc parties prenantes d'une entreprise de coopération à double sens. Car ce partenariat de sécurité entre les deux rives de la Méditerranée est dans notre intérêt à tous.

Deuxième principe, la complémentarité.

L'Algérie, comme tous les pays par ailleurs, a tissé des liens avec un certain nombre d'organisations. Chacune doit apporter son concours là où sa valeur ajoutée est évidente. Les ressources des unes et des autres sont limitées, celles de l'Algérie aussi. Evitons les duplications inutiles et travaillons ensemble dans un souci de complémentarité et de coordination. Il me semble notamment que l'OTAN et l'Union Européenne gagneraient à se parler davantage à ce propos.

S'agissant de l'Alliance, notre domaine d'action est avant tout celui de la coopération pratique en matière de sécurité, comme l'illustre l'exemple réussi du Partenariat pour la paix. L’OTAN est une organisation au sein de laquelle États membres et partenaires coopèrent politiquement et coordonnent leurs activités militaires au sens large.

Par conséquent, l’OTAN peut offrir un large menu de coopération pratique. Dans le passé, nous avons eu quelque hésitation à appliquer également cette logique au Dialogue méditerranéen. Mais tel n’est plus le cas. Le dialogue pour le dialogue a ses mérites, mais également des limites. C’est la combinaison du dialogue et de la coopération pratique qui fait la différence.

Troisième principe enfin, le respect des spécificités nationales ou régionales.

Il ne saurait d'y avoir d'approche uniformisée de la sécurité. Certes, les défis auxquels nous faisons face et nos intérêts sont très largement communs. Mais la façon d'y répondre, les capacités d'intervention, les sensibilités, varient d'un pays à l'autre, d'une région à l'autre. Ce qui convient à l'Algérie intéressera peut-être moins l'Egypte. Les besoins sécuritaires du Maghreb ne sont probablement pas les mêmes que ceux du Moyen-Orient. Tout en veillant à la cohérence d'ensemble de son action dans la région, l'Alliance continuera donc à travailler individuellement avec ses partenaires, de façon à définir ensemble des programmes répondant à leurs attentes.

Voilà donc les principes essentiels qui guideront l'évolution future du Dialogue méditerranéen. Ces principes guideront aussi le développement d'une initiative plus récente de l'OTAN, distincte mais complémentaire du renforcement de notre dialogue: l'Initiative de coopération d'Istanbul. A travers cette initiative, nous cherchons à tisser de nouveaux liens avec les pays intéressés de la région du Moyen-Orient au sens large. Plusieurs États du Golfe ont déjà manifesté leur intérêt et nous travaillons actuellement sur les modalités de notre coopération future.

Pour terminer, je souhaiterais aborder une question qui ne relève pas à proprement parler du Dialogue méditerranéen mais qui néanmoins semble appelée à influer sur l'évolution future de celui-ci : je veux parler du processus de paix au Proche Orient. Par le passé, l'absence de progrès dans la résolution du conflit israélo palestinien s'est avérée une gêne réelle pour le développement de notre Dialogue. Sans une perspective de règlement juste et durable, certains partenaires méditerranéens ont hésité, et continuent peut-être de le faire, à s'engager plus loin dans leurs relations avec l'OTAN.

Alors, beaucoup d'entre vous se demandent peut-être :dans ces conditions, y a-t-il vraiment moyen de tirer pleinement parti de ce partenariat renforcé, en l'absence de progrès dans le processus de paix au Proche-Orient ? Pouvons-nous être tout à fait sûrs que la nouvelle dynamique de la coopération entre l'OTAN et ses voisins méditerranéens ne pâtira pas des mêmes dilemmes que ceux qui ont pesé sur le Dialogue par le passé ?

J'ai toujours pensé que l'absence de règlement du conflit israélo-palestinien ne devait pas servir d'alibi pour empêcher le renforcement de la coopération entre les Alliés et leurs voisins du sud de la Méditerranée. Trop d'enjeux et de défis communs nous lient pour que nous laissions notre future coopération devenir l'otage de ce conflit. Il faut aller de l'avant.

En même temps, il est évident que des avancées dans le processus de paix permettront aux efforts coopératifs de l'OTAN de prendre tout leur envol. Et surtout, seules des avancées significatives seront à même de garantir durablement la stabilité et la sécurité de la région du Moyen-Orient.

Dans ces conditions, et l'OTAN est ferme sur ce point, le processus de paix reste une priorité. Et certains développements récents me rendent plus optimistes pour l'avenir.

Mesdames, Messieurs,

Aujourd'hui, à l'ère de la mondialisation, l'interdépendance s'applique aussi à la sécurité. Pour le meilleur, comme pour le pire: la déstabilisation et l'insécurité s'exportent au même titre que la paix et la sécurité. Dans les deux cas de figure, nous devons coopérer plus étroitement.

Le renforcement du Dialogue méditerranéen est une étape majeure de ce processus. Il ouvre un nouveau chapitre de notre coopération. Il nous donne de nouveaux moyens et de nouveaux outils pour relever les défis de sécurité auxquels nous faisons face tous ensemble. En résumé, il offre de nouvelles opportunités à l'Algérie et à l'OTAN. Il nous appartient maintenant d'exploiter pleinement ces opportunités.

Je vous remercie de votre attention.

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