Mise à jour: 08-Sep-2002 | Revue de l'OTAN |
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Le Traité sur la réduction des armements stratégiques: réduire le risque de guerre
Ambassadeur Linton Brooks
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A la différence des précédents accords sur les armes
nucléaires stratégiques, ces plafonds entraîneront
des réductions réelles, y compris à court ternie.
D'ici la fin de la première période de réduction
de trois ans préconisée par le Traité, les Etats-Unis
et l'Union soviétique seront à des niveaux de force égaux
suite au démantèlement d'armes nucléaires déployées.
Au total, les réductions les plus spectaculaires toucheront les
catégories d'armements qui menacent le plus les Etats-Unis et leurs
alliés - les missiles balistiques tels les ICBM lourds soviétiques
de type SS-18. Les plafonds centraux du traité visent à
renforcer la stabilité stratégique en encourageant la restructuration
de l'arsenal stratégique soviétique; autrefois essentiellement
axé sur des armes de première frappe, cet arsenal devrait
être réorienté vers des systèmes moins menaçants
et moins sujets à destruction, comme les bombardiers par exemple.
Les réductions et les limitations du traité seront menées
à bien par le biais de procédures de vérification
très "indiscrètes". Le traité START s'inspire
des trois années d'expérience du Traité FNI au cours
desquelles les deux parties ont effectué des inspections réciproques
de presque toutes leurs grandes installations stratégiques. Au
total, le traité START prévoit douze types d'inspections
différents, sans compter la surveillance des installations américaines
et soviétiques produisant les ICBM mobiles ou les premiers éléments
de ces missiles.
Le traité instaure également un système extensif
de plus de quatre-vingts notifications distinctes - chaque partie étant
tenue de communiquer à l'autre ses nouveaux systèmes de
missiles ou les mouvements, opérations ou éliminations de
forces conformément au traité - et cela afin que chaque
signataire comprenne mieux les intentions et les actions de l'autre partie.
Principaux éléments
Un exemple frappant de 1'"indiscrétion" du régime
de vérification est l'échange de bandes magnétiques
contenant des données sur les vols d'essai de missiles (télémétrie)
effectués par chacune des deux parties -l'un des principaux éléments
du système. L'acceptation mutuelle d'échange de copies de
bandes, et des données nécessaires à leur compréhension,
n' aurait été possible à aucun autre moment de l'histoire
des relations américano-soviétiques. En fait, cet accord
fut l'un des derniers aspects mis au point au cours des trente derniers
jours de négociations à Genève. Les Soviétiques
avaient toujours refusé de marquer leur accord sur une étape
aussi importante, mais l'avènement d'une nouvelle ère de
coopération les a amenés à revoir leur position.
D'autres éléments importants du traité convenus vers
la fin des négociations, en juillet, concernent notamment les accords
sur l'allégement (downloading) et la définition des nouveaux
types d'ICBM ou de SLBM. Bien qu'ayant fait l'objet d'un accord assez
tardif, chacun de ces points revêt une importance vitale pour les
objectifs sous-jacents du traité - qui visent, en fait, à
créer des stimulants pour parvenir à des forces moins menaçantes.
L'allégement autorise chaque partie à démanteler
un nombre limité d'ogives sur des missiles existants et à
compter ces missiles comme ayant un nombre réduit de têtes.
Cette méthode présente des avantages importants. La réduction
de la concentration des têtes sur les missiles est une manière
de promouvoir la stabilité en diminuant la valeur du missile en
tant que cible. L'allégement permet également des économies,
puisqu'il n'oblige pas à construire de nouveaux missiles équipés
d'un nombre de têtes inférieur. Mais cette méthode,
pratiquée à grande échelle, pourrait produire l'effet
contraire et entraîner un déséquilibre ou une rapide
accumulation d'armements. Le traité équilibre ces intérêts
compétitifs en limitant strictement l'allégement aux systèmes
existants.
La disposition relative à de nouveaux types de missiles est une
autre facette du même concept. Des définitions rigoureuses
ont été formulées pour différencier un missile
balistique nouvellement développé d'un missile modifié
déjà existant. Sans cette différenciation, une partie
pourrait apporter des changements "esthétiques" à
un modèle existant et faire passer le résultat pour un nouveau
missile équipé d'un nombre de têtes différent.
Une fois de plus, autoriser une telle pratique pourrait accroître
le risque de déséquilibre.
Il convient également de rappeler ce qui n'est pas couvert par le traité START. Le potentiel conventionnel n'a pas été plafonné, et aucune limite n'a été imposée au développement de moyens de défense stabilisateurs, ni à la capacité des Etats-Unis à continuer de soutenir l'OTAN. Conformément à la nature bilatérale des négociations, le traité ne prévoit pas de compensation pour les forces nucléaires indépendantes de la France et du Royaume-Uni.
Accroître la stabilité
Bien que la finalisation des négociations sur le traité
START soit arrivée en temps opportun, alors même que des
bouleversements importants se produisaient en Union soviétique,
les critiques ne manqueront pas de mettre en doute la pertinence de ce
Traité dans le nouveau contexte. De même, on pourrait aussi
s'interroger sur les futures négociations en matière d'armes
stratégiques offensives. Il est important de noter que le Traité
START ne consiste pas à éliminer la dissuasion, mais à
éliminer le risque de guerre. Le président Bush, dans l'allocution
qu' il a prononcée à Moscou à 1 ' occasion de la
signature officielle du traité START, a déclaré que
"en réduisant les armements, nous renversons une tendance
à l'accumulation, depuis un demi-siècle, des arsenaux stratégiques.
Plus encore: nous marquons un pas important vers l'élimination
d'un demi- siècle de méfiance. En pays - dans la promesse
de nouveaux progrès vers une paix durable."
Ces mots ont sans doute plus de signification aujourd'hui, après
le coup d'Etat manqué en Union soviétique, qu'ils n'en avaient
auparavant. La transparence militaire et la démarche structurée
adoptée à l'égard des réductions des armes
offensives stratégiques accroît la stabilité requise
à une période où de nombreuses républiques
cherchent leur place dans la nouvelle union. Avec le traité START,
nous pourrons continuer à repousser la méfiance et consolider
notre nouvelle relation. Cette évolution est d'autant plus importante
que l'Ukraine, la Biélorussie et le Kazakhstan pourraient démanteler
les armes nucléaires et les transférer à la république
de Russie. Un changement aussi soudain et radical dans l'arsenal nucléaire
soviétique pourrait, s'il n'était pas mené selon
une approche structurée, menacer la stabilité dont nous
jouissons depuis plusieurs décennies. C'est pourquoi les dispositions
du traité START ont plus de poids que jamais; elles constituent
l'un des piliers de notre relation stratégique permanente.
Au terme du sommet de Washington, en 1990, les présidents Bush
et Gorbatchev ont convenu qu'il faudrait entamer des consultations sur
les étapes futures dès que la première occasion pratique
se présenterait après la signature de START. Bien que la
teneur de telles discussions soit toujours à l'étude, il
est peu probable qu'il existe jamais un autre traité de sept cents
pages sur les armes offensives stratégiques, car celui-ci offre
un excellent cadre à de futures négociations si Etats-Unis
et Union soviétique souhaitent progresser dans cette voie.
(1) Voir les articles de Richard Burt, Revue de l'OTAN
n° 4, 1989, p. 6, et . Revue de l'OTAN n° 4, 1990, p. 24.